Carcinome hépatocellulaire non résécable : intérêt de la chimioembolisation artérielle enfin démontrée !

Seulement 25 % des carcinomes hépatocellulaires (CHC) diagnostiqués peuvent être traités radicalement par résection, transplantation ou destruction locale (alcoolisation ou radiofréquence). Dans 75 % des cas, en l’absence de chimiothérapie systémique ou d’hormonothérapie efficaces, les possibilités de traitement apparaissent minces. Une chimio-embolisation artérielle (CEA) peut apparaître alors comme l’ultime recours. Cependant, le bénéfice, en terme de survie, de cette technique n’avait jamais pu être démontré à ce jour.

C’est chose faite depuis la présentation à l’ASCO 2002 et la publication dans Lancet de l’étude espagnole de LLOVET (1 ; 2).

L’originalité de ce travail tient à ses critères de sélection stricts ciblant une frange de population de gravité moyenne limitant ainsi l’influence de l’hépatopathie sous-jacente sur les résultats, et à son programme d’intensification permettant d’allonger les durées de réponse.

Méthodes

Sur une période de quatre ans, 903 patients porteurs d’un CHC furent enregistrés dans trois centres de la région de Barcelone. 791 d’entre eux furent exclus :

  • soit en raison de la possibilité d’une transplantation, d’une résection ou d’un traitement local,
  • soit en raison d’une décompensation de l’ hépatopathie (hémorragie digestive active, encéphalopathie, ascite réfractaire),
  • soit en raison d’une thrombose porte même segmentaire, d’une inversion du flux portal ou d’un shunt portosystémique,
  • soit d’une contre- indication au cathétérisme (troubles de coagulation, insuffisance rénale, athéromatose sévère) ou à l’utilisation de la doxorubicine (fraction d’éjection cardiaque inférieure à 50 %, hyperbilirubinémie, neutropénie),
  • soit, enfin, en raison d’une extension extra hépatique du CHC ou d’un âge supérieur à 75 ans.

Les 112 patients restants furent randomisés en trois bras :

  • meilleur traitement seymptômatiqu (best suportive care = BSC),
  • embolisation artérielle (EA),
  • chimioembolisation artérielle (CEA).

Les procédures d’EA ou de CEA étaient réalisés à l’inclusion, aux 2 me et 6 me mois, puis tous les 6 mois.

Les patients du groupe CEA recevaient une dose de doxorubicime variant de 25 à 75 mg/m² en fonction de la bilirubinémie associée à 10 ml de lipiodol avant l’obstruction artérielle.

Résultats

Les survies à 1, 2 et 3 ans furent respectivement de :

  • 63 % , 27 % , 17 % pour le bras BSC,
  • 75 % , 50 % , 29 % pour le bras EA,
  • 82 % , 63 % , 29 % pour le bras CEA.

La différence apparaît très significativement en faveur de la CEA par rapport au BSC avec un p = 0,009.

Les facteurs prédictifs de la survie étaient représentés par la bilirunémie initiale, le bras de traitement alloué, et la réponse au traitement. En outre, la chimioembolisation permit d’abaisser significativement le taux d’invasion portale à 2 ans par rapport au bras contrôle (17 vs 58 % ; p = 0,005).

Conclusion

Cette étude randomisée, bien menée, confirme formellement pour la première fois l’impression clinique de nombreux praticiens de l’intérêt de la CEA dans le traitement du CHC, de gravité intermédiaire non résécable, non transplantable, non accessible à un traitement local mais restant bien compensé et exempt de thrombose porte.

La sélection précise des patients et la rigueur de la procédure sont certainement les éléments essentiels à

l’origine du succès de ce travail qui permet de définir les «bons candidats » à cette technique et son schéma d’application optimal.

Références

  • Llovet JM and al. Proc Am Soc Clin Oncol 2002 ; 21 :
  • Llovet JM and al. Lancet 2002 ; 359 : 1734 – 39 .