T2a – CCAM : risques ou chances pour les hépato-gastroentérologues

La réforme de la T2A ou plus exactement de la tarification à l’activité va être mise en place dans les établissements de soins privés parallèlement à la Classification Commune des Actes Médicaux ou CCAM . Ces deux réformes ont été imaginées simultanément mais développées d’une manière relativement opaques, non coopératives. Ceci est dû au fait que, pour leur part libérale, les hépato-gastroentérologues sont sous la responsabilité tarifaire des Caisses d’Assurance Maladie alors que les établissements de soins privés, comme les établissements de soins publics, sont sous la responsabilité tarifaire de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins ou DHOS. Bien sûr ces deux Administrations se côtoient mais communiquent peu, même si paradoxalement, le Docteur Martine Aoustin a exercé, pendant de très nombreuses années, des responsabilités au niveau de l’échelon national du contrôle médical de la CNAMTS.

Il est important de rappeler également, que si la Classification Commune des Actes Médicaux va modifier profondément le mode d’organisation et de codification de tous les actes techniques des hépato-gastroentérologues, elle s’appliquera de fait et en toute transparence à toutes activités publiques ou privées. La tarification à l’activité n’est pas actuellement d’une similitude parfaite dans les deux systèmes, bien au contraire, puisqu’au 1 er octobre 2004, elle s’appliquera à la totalité de l’activité des établissements des soins privés et seulement à 10 % de l’activité des soins dans les établissements de soins publics.

Il existe actuellement pendant une période de 7 à 10 ans selon les Ministres de la Santé et l’évolution des protestations des syndicats hospitaliers, deux échelles qui sont actuellement parallèles. Si le but est de payer, à son juste prix et d’une manière égale, la production de soins, nous en sommes bien loin. Il est toujours bon de rappeler que toutes les études faites, notamment par les Unions Régionales de Médecins Libéraux (URML) et également par des organismes indépendants, montrent qu’à prestation égale, le coût de production dans les hôpitaux publics est de 30 % supérieur à celui des établissements de soins privés donc, pour ceux-ci une reconnaissance de leur efficacité et une nécessité de revaloriser, progressivement, leur tarification mise à mal par le système de l’Objectif Quantifié National (OQN) négocié, il y a plus de 10 ans et qui, comme toute enveloppe globale est un piège à terme. Il faut également rappeler pour les hépato-gastroentérologues que dans cette négociation à laquelle les syndicats médicaux n’étaient pas partie prenante, le FSE de la gastroscopie avait été sacrifié dans une ultime négociation menée par la FHP (Fédération Hospitalière Privée) et son Délégué Général de l’époque, Monsieur Alain Coulomb.

Depuis, nos positions et nos relations se sont largement rapprochées mais cette erreur explique la difficulté que rencontre encore aujourd’hui, un certain nombre de nos confrères lorsqu’ils veulent faire des gastroscopies dans le cadre d’une clinique. Il faut voir là également une volonté de l’Administration que nous connaissons depuis plus de 15 ans, de minorer les remboursements de l’endoscopie digestive sous prétexte que ces examens étaient trop rentables pour les établissements et les praticiens dans les années 80. Bien sûr, ils oublient de comparer la technicité, la nécessité imposée et justifiée de lutter contre les infections nosocomiales, encore faut-il financer le progrès et le principe de précaution.

Il est bon de rappeler également qu’au moment où nous écrivons cet article (le 13/07/2004), il existe une incertitude sur la date de mise en place, car les travaux techniques du Comité de Pilotage n’ont pas été validés. La discussion économique et la négociation âpre qui va en résulter doivent débuter simplement le 22 juillet. Enfin, il n’est pas acceptable pour l’UMESPE /CSMF que quatre spécialités soient pénalisées par la mise en place de la CCAM. Parallèlement, même difficulté au niveau de la T2A, la valorisation des Groupes Homogènes de Soins (GHS) pour les établissements, dont dépendra leur facturation, ne sera connue que début septembre. Comment imaginer que la totalité des outils informatiques indispensables à cette réforme soit mise en place dans près de 2 000 établissements en quelques semaines. Nous avons été personnellement les témoins de l’absence de préparation et de communication entre la CNAMTS et la DHOS puisque les premières réunions regroupant syndicats médicaux, éditeurs de logiciels à destination des cabinets ou des cliniques et CNAMTS ont eu lieu dans le premier trimestre 2004. Mais si l’Administration Française était efficiente, notre système de santé ne serait pas dans la situation où il est actuellement.

En ce qui concerne la CCAM, il faut également rappeler qu’en ce qui nous concerne, le relevé des libellés, puis la hiérarchisation ont été réalisés par le pôle nomenclature avec les experts médicaux, sous la responsabilité exclusive de nos sociétés savantes. Ceci fait partie de la méthodologie initiale, a abouti à une manipulation des experts, tant au niveau de l’intraspécialité que de l’inter- spécialité. Dès sa publication le 15 mars 2001, le SYNMAD s’est élevé contre une hiérarchisation injuste, à ouvrer pour l’obtention d’un comité d’arbitrage qui a été constitué par le comité de pilotage qui a pu entendre, de nouveau, les arguments des représentants des sociétés savantes de notre spécialité, sous la conduite de Raymond Jian. A ce jour, le rapport final ne nous a pas été favorable : les arguments développés dans une lettre extrêmement pertinente sur la gastroscopie et la coloscopie relèvent du pouvoir de prise en compte unique des Présidents du comité de pilotage puisque, lors de la réunion du 30 juin, conduisant un relevé de conclusions, seule l’UMESPE/CSMF s’est opposée à cette appréciation de la hiérarchisation des actes de gastroentérologie alors que la FMF et le SML ont donné quitus du travail du pôle de nomenclature et du pôle d’expertise.

Pour le coût de la pratique, les syndicats médicaux, l’UMESPE et le SYNMAD, avec des experts indépendants, comme Claude le Pen, ont validé le taux de charge appliqué à notre spécialité qui a été réévalué pour tenir compte du fait que les hépato-gastroentérologues, au cours de leur exercice des deux dernières années, avaient subi les conséquences financières de l’interdiction des pinces à biopsie à usage unique imposée par l’AFSSAPS. Le facteur de conversion étant le dernier élément mais le plus crucial de la négociation syndicale ainsi que la négociation d’une enveloppe de mise en place de la CCAM, enveloppe qui avait été jugée à la hauteur de 180 millions d’euros lors de la négociation du 10 janvier 2003 qui, a posteriori et malgré les cris de certains, n’était pas financièrement une mauvaise négociation. Nous ne regrettons pas de l’avoir signée, nous regrettons qu’elle n’ait pas abouti du fait de l’obstination du Président Jean-Marie Spaeth, de refuser aux spécialistes libéraux, un espace de dépassement tarifaire. Lorsque nous avons reçu les premières estimations des Caisses d’Assurance Maladie, nous avons été étonnés de voir que le taux de charge des hépato-gastroentérologues était relativement bas par rapport à d’autres spécialités médico- techniques. L’analyse a montré que ceci est corroboré par des enquêtes faites par le CREGG, qu’en réalité, au fil du temps, une grande partie de nos confrères avaient progressivement vu leur matériel d’endoscopie digestive pris en charge par les établissements de soins privés. En effet, si initialement le K50 de la gastroscopie comportait l’achat du gastroscope, pour des raisons d’organisation, pour des raisons d’attraction des hépato-gastroentérologues de leur cabinet vers les cliniques, dans les années 80, les établissements de soins privés ont souvent proposé de prendre en charge une partie importante du coût de la pratique. La CCAM en effet, est basée sur l’analyse lissée dans ses extrémités, des déclarations fiscales faites à N -2. Près de 80 % des hépato-gastroentérologues ne possédaient plus leur matériel endoscopique en l’an 2000 d’où cette résultante. Il faut noter que dans les dernières recommandations du CLAHP publiées en novembre 2003 (sur www.synmad.com), cette notion a également été prise en compte en actualisant ces recommandations par rapport aux précédentes et en actant que comme pour les actes chirurgicaux, la totalité du matériel d’endoscopie pour les médecins et les chirurgiens, était à la charge de l’établissement.

Nous vous rappelons que les établissements ont reçu, dans le cadre du plan Kouchner, pour la lutte contre les maladies nosocomiales, une masse financière insuffisante mais non négligeable qui devait compenser les mesures en homme et en matériel nécessaires à accentuer la prévention. Nous avons attiré l’intention de l’AFSSAPS sur les errances scientifiques liées à la diffusion des acides peracétiques en France. Ceci a eu un coût tant au niveau de nos endoscopes que des produits utilisés par les praticiens et les établissements.

A partir, de cette situation, quelles doivent être les modifications à envisager au niveau des établissements et des rapports établissements-hépato-gastroentérologues ? Pour notre part, nous ne voyons qu’un intérêt de clarification. Il est clair que selon les recommandations du CLAHP, selon la méthodologie de la CCAM et de la T2A, la totalité de la prise en charge financière du coût de la pratique repose sur la valorisation des GHS. Ceux-ci seront-ils suffisamment valorisés pour l’endoscopie digestive si l’on se réfère à la méthodologie de la CCAM pour l’hépato-gastroentérologie ? Si l’on prend en compte le développement des ICR (Indice de Coût Relatif) pour les établissements, nous avons des doutes et des craintes. Par contre, dès que nous aurons ces valorisations, contrairement à ce qui s’est passé, il y a dix ans, grâce à une meilleure coopération FHP/UMESPE, nous devons faire valoir des demandes conjointes hépato-gastroentérologues – praticiens pour revaloriser les GHS et de ce fait, la tarification de l’endoscopie dans les établissements de soins privés, car les intérêts des praticiens et des gestionnaires d’établissements sont profondément liés. A nous de continuer à nous battre ensemble et à bénéficier de la revalorisation progressive à travers la T2A des établissements de soins privés, à nous également de faire profiter les centres autonomes de la même modalité de tarification. Le SYNMAD s’est toujours opposé à des FSE minorés pour les centres autonomes. L’endoscopie de qualité a le même coût en établissements ou en centres autonomes puisqu’elle doit être réalisée dans les mêmes conditions de technicité et de sécurité.

En conclusion, s’il y a dix ans, les intérêts des hépato-gastroentérologues n’avaient pas été pris en compte par les responsables de l’hospitalisation privée, le rôle crucial de recrutement que représente l’endoscopie digestive, la mise en place d’une politique de dépistage du cancer colorectal mais plus largement l’action clinique de l’hépato-gastroentérologue, véritable consultant de toute affection touchant le tube digestif a un rôle à jouer important au sein de l’hospitalisation privé, constituant le véritable interniste des maladies digestives et donc ayant un pouvoir de recrutement pour nos établissements dont bénéficiera l’ensemble des spécialités concernés (anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens, radiologues..). Tous les établissements ayant développé un fort potentiel de prise en charge de pathologies digestives reposent sur des groupes de praticiens hépato-gastroentérologues cohérents unis et recruteurs. Pour les redevances, elles doivent correspondre selon l’Administration fiscale à un véritable service identifié. La mise en place de la T2A et de la CCAM clarifiant les modes de financement ne doit donc pas entraîner de modifications pour les hépato-gastroentérologues.

Notre action doit également se focaliser sur la qualité du matériel, à partir du moment où nous ne posséderons plus le matériel, nous devrons conserver une puissance de choix tant en ce qui concerne la qualité et la technicité de l’achat initial mais également de la maintenance. Ceci implique qu’à travers les CME ou directement en parlant d’une voix unique, les hépato-gastroentérologues d’un même établissement oeuvrent en commun pour que ne se développe pas ici et là une endoscopie au rabais faite avec du matériel techniquement dépassé, réparé dans des conditions parfois incertaines, mettant en cause la responsabilité des praticiens et la sécurité des patients. L’endoscopie digestive a été dans les années 80, un des puissants moteurs de développement de l’Hospitalisation Privée, elle doit le redevenir à travers une action conjointe Etablissements – Praticiens, au moment où l’endoscopie diagnostique n’a jamais été aussi performante, au moment où l’endoscopie thérapeutique constitue une véritable alternative à un nombre d’actes importants de chirurgie traditionnelle. Ce serait une erreur de nous opposer, ce serait une erreur de nous diviser, ce serait une erreur de ne pas reprendre le flambeau de la qualité. La démarche qualité est pour les médecins spécialistes, le seul moyen de sortir du marasme actuel mais c’est également, pour les établissements de soins privés, l’impérieuse nécessité de montrer leur efficacité dans la prise en charge des patients face aux hôpitaux publics.

Jean-François REY
Président du SYNMAD
Président de l’U.ME.SPE
(Saint Laurent du Var)