FMC pratique : où se former ?

INTRODUCTION

Selon le Larousse illustré, le compagnonnage est :

  • une association entre ouvriers de même profession à des fins d’instruction professionnelle et d’assistance mutuelle ;
  • mais aussi le temps pendant lequel l’ouvrier sorti d’apprentissage travaillait comme compagnon chez son patron.

Si compagnonnage fait immanquablement penser aux Compagnons du Tour de France et donc aux métiers dits « manuels », il est évident que zaces définitions s’appliquent parfaitement à notre profession, et au CREGG, particulièrement dans le domaine de l’endoscopie digestive.

Depuis des siècles, la transmission du savoir se faisait dans les facultés sur le même modèle, le maître et le livre étant les pivots de l’acquisition des savoirs médicaux aussi bien par l’étudiant en médecine que par le médecin en exercice.

Mais de par sa longue tradition de l’apprentissage clinique par le compagnonnage, la médecine française a longtemps été emblématique ; mais la transmission des savoirs ne se fait plus actuellement uniquement dans l’enceinte des universités, des congrès ou des enseignements post universitaires.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (Internet, DVD, CD.) permettent une diffusion instantanée des savoirs en réponse aux besoins individuels.

Il s’agit en cela d’une nouvelle démocratie des savoirs.

Ces nouveaux réseaux d’information font que l’ensemble des acteurs de l’enseignement (Faculté, FMC) doivent s’adapter et ce, de façon rapide.

Le médecin devient de plus en plus exigeant, il est un acteur à part entière de sa propre formation médicale continue.

L’apprentissage doit être recentré sur l’étudiant et l’enseignant doit être un médiateur, un facilitateur d’apprentissage. Il faut à tous les niveaux recentrer la Formation Médicale Continue sur les professionnels de santé.

LES PRINCIPES DE L’APPRENTISSAGE : ANDRAGOGIE

L’andragogie est l’art et la science qui aide l’adulte à apprendre.

Selon Knowles et Coll. [1], sept principes fondamentaux découlent de l’andragogie. Nous pouvons pour la formation pratique en endoscopie digestive en retenir quelques-uns :

  • Il faut maintenir une ambiance d’apprentissage efficace, l’étudiant doit se sentir confortable, en sécurité et confiant de pouvoir s’exprimer sans pression et sans s’exposer au jugement ou au ridicule. A ce titre, l’enseignement pratique en petit comité (atelier) est plus adapté que notre FMC traditionnelle en amphithéâtre.
  • Il doit y avoir adéquation entre le contenu et le processus d’apprentissage, améliorant ainsi la pertinence du programme par rapport aux besoins de l’étudiant.
  • L’étudiant doit participer à la détermination de ses propres besoins éducatifs par l’auto évaluation et la réflexion sur l’enseignement.
  • Il faut identifier les besoins en apprentissage et les ressources pratiques nécessaires pour atteindre les objectifs.

LA PRATIQUE RÉFLECTIVE

Selon Schön [2], la théorie formelle est souvent inutile ou inadaptée pour résoudre des problèmes souvent moins bien définis et indéterminés de la pratique réelle, ce qui est souvent le cas en endoscopie digestive.

Selon lui, les connaissances professionnelles sont directement liées à la compétence pratique et aux activités professionnelles réelles.

Les médecins professionnels développent au cours de leur carrière autour de leurs secteurs de compétence, des zones de maîtrise à l’intérieur desquelles ils exercent leur profession de manière automatique ; il s’agit du savoir en action (comme pour l’endoscopie thérapeutique par exemple). Prenons par exemple une polypectomie colique : la survenue d’un saignement produit une surprise et un événement inattendu.

Deux sortes de réflexion sont alors déclenchées :

  • soit la réflexion en action : c’est la capacité d’apprendre continuellement en appliquant les connaissances ou les compétences acquises au cours d’expériences précédentes sur l’expérience courante ou moins connue (Utilisation de l’Argon, de clips ou d’injection d’alcool absolu).
  • soit la réflexion sur action qui intervient plus tard ; on pense à ce qui s’est produit dans la situation déjà vécue afin de déterminer ce qui aurait pu contribuer à entraîner l’événement prévu et comment cela pourra influencer la pratique dans le futur (Utilisation préventive de clips, d’endoloop, ou d’injection préalable d’adrénaline).

La FMC de pratique en endoscopie digestive doit s’approprier ces deux grands principes d’apprentissage et de réflexion pratique si elle veut être au niveau de la FMC théorique.

ÉTATS DES LIEUX

L’endoscopie digestive est largement abordée bien évidemment lors de nos diverses réunions nationales ou régionales.

Sur le plan théorique, lors des Journées Francophones, les thèmes endoscopiques sont récurrents que ce soit en séance plénière, en ateliers, lors de l’espace d’enseignement électronique, des vidéo sessions ou des symposia des sociétés savantes (SFED ++).

Il existe par ailleurs des cours d’enseignements endoscopiques (vidéodigest, endodigest) reprenant démonstrations en direct, modules d’enseignement théorique et ateliers.

Des journées spécifiques liées à l’écho endoscopie, à l’endoscopie et l’imagerie du grêle se tiennent de façon régulière et annuelle.

Les publications liées à l’endoscopie digestive sont nombreuses et d’excellente qualité (revues nationales, internationales, CD, DVD, banque de données sur Internet).

L’offre d’apprentissage pratique (compagnonnage) est par contre plus restreinte et plus floue.

Il est à regretter la disparition du compagnonnage CREGG FOURNIER qui a permis à nombre d’entre nous de se former au cathétérisme rétrograde, à l’écho endoscopie ou à la polypectomie difficile.

Il existe par ailleurs des cours pratiques sur modèles animaux dont certains sont sous l’égide de la FMC-HGE , de la SFED, de l’IRCAD ou des universités (DIU Angers). Enfin, il faut souligner l’implication de l’industrie pharmaceutique dans certaines journées de formation (JANSSEN, TAKEDA).

LA PROBLÉMATIQUE ACTUELLE

Gardant à l’esprit les deux grands principes abordés en amont, il est évident que nous avons devant nous un problème d’adéquation entre notre FMC pratique en endoscopie digestive et les moyens disponibles ; par ailleurs, l’évaluation de notre pratique professionnelle obligatoire depuis l’année dernière ne fait que renforcer la nécessité de cette FMC pratique.

Il faut aujourd’hui que chacun d’entre nous se pose la question :

Savoir que faire implique savoir le faire et puis-je le prouver ?

Nous avons donc besoin d’une FMC de pratique endoscopique complémentaire de l’enseignement actuel initial ou des DIU disponibles (interventionnelles, écho endoscopie).

LES OBSTACLES

Devant l’évolution très comptable de notre FMC voulue par le législateur, il faudra faire reconnaître par l’HAS ou le CNFMC, la qualité et la validité de ce type d’enseignement qui devra donc s’inspirer de ces grands principes d’apprentissage et de réflexion, particulièrement adaptés à notre profession.

Il faudra bien sûr impliquer tous les acteurs de notre profession, la FMC pratique en endoscopie digestive n’étant l’apanage d’aucune de nos instances professionnelles mais nécessitant au contraire une unité de réflexion si ce n’est d’action. Le CREGG doit être ce facilitateur d’apprentissage et ce promoteur d’idées qu’il a toujours été.

Convaincre les industriels de l’endoscopie du bien fondé de notre réflexion, de l’obligation d’une unité de réflexion et de mise à disposition des moyens est probablement une des clés de la réussite de ce compagnonnage. Nous avons besoin du soutien de l’industrie pharmaceutique mais comment gérer notre obligation de neutralité inscrite dans la loi d’août 2004 ?

Beaucoup plus ardu est le problème médico-légal lié à la pratique de l’endoscopie digestive dans les structures hôtes. Si l’apprentissage sur modèle animal est bien rodé, le temps de l’apprentissage sur le patient est peut être révolu sauf à développer avec nos assureurs un partenariat intelligent (l’amélioration de nos pratiques, la meilleure prévention et gestion des incidents doivent générer des économies grâce à un taux moindre de complications, à un meilleur traitement et donc probablement à un taux moindre de plaintes).

Bien évidemment, la charte de qualité d’une action de FMC proposée initialement par la FMC-HGE et reprise par l’ensemble de nos sociétés savantes s’applique parfaitement à notre problématique.

Les principes généraux sont :

  • la description claire du programme et des orateurs ;
  • l’identification précise des objectifs pédagogiques
  • la transmission du dit programme au CA de la FMCHGE ou d’une autre société savante ;
  • la réalisation d’un test de connaissance avant et après la formation ;
  • l’évaluation de la qualité de l’action à partir de ceux-ci ;
  • l’identification claire du financement de la réunion.

CONCLUSION

Les praticiens libéraux doivent être donc des collaborateurs actifs dans le processus d’enseignement et ce, par leur implication au quotidien dans les outils d’apprentissage et l’environnement de la pratique.
L’apprentissage ou le compagnonnage est lié à l’évolution, à la compréhension et à la résolution des problèmes qui se produisent dans la pratique réelle.

Le CREGG doit à nouveau s’impliquer avec tous les acteurs de notre FMC dans la mise en place de formation pratique probablement déclinée par région. Nous devons nous rapprocher des assureurs, des syndicats d’hospitalisation privée et publique pour mettre en place ces formations.
Nous devons nous impliquer au niveau de l’HAS et dans les CNFMC pour faire reconnaître la nécessité et la validité de ce type d’enseignement. Ce compagnonnage professionnaliste doit rester la clé de voûte de notre formation pratique ; le CREGG (et particulièrement sa commission Endoscopie) doit s’attacher à redévelopper ce type d’enseignement.
Comme par le passé, chaque hépato-gastro-entérologue devrait pouvoir aspirer à devenir par un Tour de France de compagnonnage CREGG : Meilleur Ouvrier Endoscopiste !!!!

RÉFÉRENCES

1. Knowles MS and Associates. (1984). Andragogy in Action: ApplyingModern Principes of Adult Learning San Francisco, CA : Jossey-bass.

2. Schön DA. (1987). Educating the Reflective Practitioner: Toward a New Design for Teaching and Learning in the Professions. San Francisco: Jossey-bass. Volume 35 – N° spécial CREGG – 2005 447