Evaluation du cabinet du gastroentérologue

Acquisition, association, transmission familiale, assurances-croisées entre associés les occasions d’évaluer un cabinet ne manquent pas, au cours d’une carrière libérale. Les nombreuses méthodes d’évaluation des entreprises peuvent être classées en deux familles :

  • les approches comparatives ;
  • les approches financières.

L’entreprise libérale n’échappe pas à cette classification. Chez les Professions Libérales, l’approche comparative se résume souvent à valoriser le cabinet en pourcentage de son chiffre d’affaires, en référence « aux usages » (plus l’actif net, bien sûr, lorsque le cabinet est en société). C’est une approche empirique et patrimoniale, fondée sur « l’offre et la demande », qui sera privilégiée par le vendeur.

L’usage fixe des fourchettes de valorisation sont très variables pour la clientèle, pouvant aller jusqu’à 80 % du chiffre d’affaires chez les radiologues. Les équipements et le droit au bail, qui sont les autres actifs cessibles d’un cabinet, ont généralement une valeur négligeable. Quant à l’immobilier, il doit toujours être valorisé à part, même lorsqu’il figure à l’actif du Cabinet.

Quoique sommaire, cette approche comparative est incontournable lorsque les usages sont crédibles ; mais, chez bon nombre de Professions, ils ne le sont plus : notamment les gastroentérologues chez qui on constate une grande dispersion des prix.

L’acquéreur du cabinet et son banquier sont, eux, portés à privilégier une approche de la valeur financière du cabinet. De manière prosaïque, l’un dira « combien puis-je mettre dans cette acquisition ? », l’autre « combien puis-je prêter à cet acquéreur ? » ; si les deux sont lucides, ils devraient aboutir au même résultat.

Cette approche devrait aussi être privilégiée dans le cadre des associations ; car là, le vendeur a tout intérêt à se préoccuper du confort financier d’un acquéreur avec qui il sera associé durant plusieurs années. Il est d’ailleurs de plus en plus fréquent que le prix d’une part d’association soit proposé par le vendeur, après concertation avec un organisme financier spécialisé tel qu’INTERFIMO.

L’IMPORTANCE DU DIAGNOSTIC

Une analyse qualitative approfondie est le préalable indispensable à toute méthode d’évaluation.

En approche « comparative », ce diagnostic permet de situer le cabinet au sein de la fourchette des prix de marché.

Pour le calcul d’une valeur financière, c’est à partir du diagnostic que seront retraités les comptes (cotisation TNS du cédant, frais généraux de « confort » ) pour dégager la rentabilité réelle, et que seront formulées des hypothèses raisonnables de retour sur investissement au regard de la pérennité du chiffre d’affaires.

Le tableau ci-dessus récapitule sommairement les points clefs d’un diagnostic pour toutes les entreprises libérales.

LES ÉQUIPEMENTS

Les équipements et aménagements traduisent un style de gestion du cédant, qui mérite parfois dêtre corrigé pour cerner la rentabilité intrinsèque du cabinet.

Les investissements supplémentaires indispensables devront être chiffrés et leur impact sur la rentabilité future pourra être mesuré par référence aux annuités d’un crédit.

Quant aux équipements et aménagements existants, ils auront pu être payés comptant, financés partiellement ou totalement par crédit ou crédit-bail, sur des durées variables.

La vraie charge économique de leur renouvellement n’est pas toujours reflétée par les « amortissements », « loyers de crédit-Bail » et « frais financiers » des déclarations fiscales.

Il conviendra donc de retraiter ces postes, pour faire abstraction de la politique financière du prédécesseur.

LE PERSONNEL

En revanche, les salaires et charges sociales du personnel doivent être retraités avec une grande prudence.
La reprise d’un cabinet induit la reprise des contrats de travail, des « avantages acquis », des indemnités de fin de carrière
Les licenciements éventuels ne pourront être opérés que par le repreneur.
Il ne faut donc jamais se contenter d’une approche statistique sur les dépenses de personnel ; les situations dont peuvent hériter les successeurs sont trop diverses.

L’ORGANISATION

La qualité de l’organisation est un point capital. Lorsque le repreneur s’occupe de la refonte des procédures, de la répartition des tâches, ou du système d’information il ne se consacre pas aux patients. Bref, tout le temps et l’énergie gaspillés par une réorganisation pèseront lourdement sur la rentabilité et le développement futurs.

L’ENVIRONNEMENT JURIDIQUE

La qualité de l’environnement juridique se résume le plus souvent à la question des locaux professionnels. Deux situations se rencontrent fréquemment :

  • soit les locaux sont la propriété d’un tiers et il convient d’anticiper ce qu’il adviendra du loyer ou, pire, du maintien dans les lieux à l’échéance du bail professionnel (l’activité est civile et il est rare que le bailleur ait expressément admis les dispositions d’un bail commercial) ;
  • soit ils sont la propriété du titulaire, au travers d’une SCI le plus souvent, et les loyers (voire la répartition des charges) peuvent ne plus être conformes au marché ; un nouveau bail devient alors l’un des aspects de la négociation du prix du cabinet (mais le cédant est parfois gêné par l’antériorité de ses propres déductions fiscales).

Mais chez certaines Professions de Santé, liées avec des cliniques, notamment les médecins gastroentérologues, la qualité du contrat et la pérennité de l’établissement ont aussi une très grande importance.

Le diagnostic qualitatif aura permis de retraiter les comptes du cabinet pour en dégager la rentabilité « réelle », souvent différente de la rentabilité qui résulte des documents fiscaux (déclaration 2035 ou compte d’exploitation).

Ce diagnostic permettra également à l’évaluateur de choisir une durée de « retour sur investissement » le facteur temps étant, comme on va le voir, un paramètre essentiel dans toutes les méthodes d’évaluation.

Mais, au-delà de la valeur intrinsèque du cabinet, les circonstances dans lesquelles s’inscrit l’évaluation sont aussi importantes.

L’IMPACT DES CIRCONSTANCES

Les modalités de la cession vont évidemment influer sur le prix.

Il peut s’agir par exemple, non pas d’acquérir un cabinet, mais une participation dans une société (SCP ou SEL) exploitant un cabinet et cette participation pourra être majoritaire, égalitaire ou minoritaire.

Dans ce dernier cas, l’évaluation ne relève pas d’une simple règle de trois pour déterminer la valeur de la participation en fonction de la valeur globale du cabinet : il faudra, d’une part en retrancher le passif de la société et d’autre part, appliquer une décote pour tenir compte, par exemple, du fait qu’un minoritaire n’aura pas le pouvoir de décider seul des investissements futurs qui, pourtant, conditionneront son revenu professionnel.

Dans le cas d’une cession en bloc, le cédant peut, ou non, garantir la pérennité du chiffre d’affaires en acceptant une clause de minoration du prix en cas d’évasion d’une partie de la clientèle. Il peut s’interdire, ou non, une réinstallation à proximité dans un délai déterminé.

D’autres aspects, tels que la charge des licenciements éventuels seront aussi à prendre en compte.

QUELLE(S) MÉTHODE(S) D’ÉVALUATION FINANCIÈRE CHOISIR ?

Une simple approche comparative, fondée sur un pourcentage du chiffre d’affaires ou sur un multiple du bénéfice, devient de moins en moins crédible dans la plupart des Professions Libérales mais il existe, en substitution, de nombreuses méthodes financières pour évaluer un cabinet, comme toute entreprise industrielle ou commerciale.

Notre pratique nous a conduit à éliminer les méthodes sophistiquées, afin de favoriser une bonne compréhension et un consensus entre acquéreur et vendeur.

A titre de méthode principale, nous calculons donc simplement la valeur qui ménagerait à l’acquéreur la capacité de rembourser un emprunt, tout en lui permettant de conserver un revenu proche de celui auquel il pourrait prétendre en restant salarié et en faisant des remplacements.

A cet effet, il faudra d’abord reconstituer la vraie rentabilité du cabinet grâce au diagnostic, puis en soustraire :

  • une rémunération pour l’acquéreur ;
  • la charge de remboursement d’un emprunt aux conditions du marché finançant 100 % du prix ; peu importe que l’acquéreur puisse se dispenser, totalement ou partiellement, de recourir au crédit, car les capitaux propres qu’il est susceptible d’investir méritent eux aussi d’être rémunérés, comme ceux du banquier ;
  • une charge fiscale particulière, qui tient au fait que l’acquéreur, ou la société qu’il constituera pour les besoins de lacquisition, seront imposés sur les revenus consacrés à rembourser cet emprunt ; seuls les intérêts de ce type de crédit sont déductibles : à revenus disponibles équivalents, l’acquéreur sera donc « surimposé » par rapport à un salarié (en contrepartie, il est vrai, d’un enrichissement lié au remboursement de ses dettes).

Rémunération, remboursements et fiscalité sont interdépendants, en sorte que le calcul qui permettra d’obtenir le montant de l’emprunt (ou valeur de rendement du cabinet) repose sur des approximations successives ; mais un logiciel permet de résoudre facilement ces tâtonnements mathématiques. Il conviendra ensuite de confronter ce résultat à ceux obtenus par d’autres méthodes financières.

A titre indicatif, pour n’en citer qu’une, on pourra calculer le taux de capitalisation d’un tel prix, appliqué au bénéfice annuel du cabinet après impôt et rémunération du travail du titulaire : si ce taux est au niveau des attentes des investisseurs qui placent des capitaux dans une PME, la méthode utilisée à titre principal sera validée.

EXEMPLE CHIFFRÉ SOMMAIRE

Supposons un cabinet de gastroentérologue dont les honoraires sont de 300 000 .

Une évaluation par approche comparative, conduirait à valoriser le cabinet entre 40 % et 80 % du montant des honoraires. ‘Lévaluation financière est fondée sur :

  • la capacité de remboursement d’un crédit de 7 ans
  • une rentabilité de 50 %, telle que reconstituée à partir du diagnostic (économies sur certains frais, majorations sur d’autres) ;
  • une « juste rémunération » du travail du titulaire, estimée en l’occurrence à 95 000 (charges sociales TNS incluses).

L’évaluation financière ressortirait alors à 234 000 , ainsi que le démontre le calcul ci-après : le flux disponible de 38 315 après rémunération du travail du titulaire permettrait en effet d’assumer la charge financière et fiscale d’un emprunt de 234 000 €.