“Le point sur le désinfecteur “”Cleantop”””

Cleantop disinfecting device

L’eau électrolytique acide (EEA) est un désinfectant de développement récent en endoscopie. Les avantages de ce produit sont multiples : absence d’agressivité pour l’environnement et de toxicité pour l’utilisateur, large spectre antimicrobien, faible coût d’utilisation. Une machine de désinfection utilisant cette technique (Cleantop) a été développée par la firme japonaise CBC et est actuellement proposée en France par la société Odon après une diffusion très large en Asie. Elle nécessite de maintenir un nettoyage manuel préalable au contraire des laveurs-désinfecteurs (LDE) habituels. Au vu des caractéristiques de la machine et de la situation française très « avant-gardiste » sur le domaine de la désinfection [1, 4], cette machine peut-elle être proposée pour le traitement de routine des endoscopes digestifs ?

PRINCIPE

La préparation d’EEA résulte de l’électrolyse d’eau du réseau et de NACl. Le processus de désinfection de l’EEA ne résulte pas de l’utilisation d’un produit chimique organique mais de l’action de trois facteurs synergiques : un pH de 2,7 ou moins, un potentiel d’oxydoréduction de 1000 mV ou plus, une teneur résiduelle en chlore libre de 10ppm (+/-2). Le pH et le potentiel d’oxydoréduction sont différents de ceux de la biosphère des microorganismes (bactéries et virus) ce qui crée un environnement hostile à leur survie. La teneur résiduelle en chlore libre décompose les graisses et protéines de la membrane cellulaire.

La production d’EEA en début de cycle nécessite 15-20 minutes en fonction de la qualité de l’eau du circuit. Il apparaît que la qualité de l’eau alimentant la machine est un facteur essentiel de durée de préparation de l’eau électrolytique. En fonction de ses caractéristiques, un adoucissement de l’eau pourra ainsi s’avérer souhaitable avant son utilisation. La machine est équipée d’un filtre à 0,2 µ et il existe en amont de l’adoucisseur éventuellement ajouté (montage existant pour l’ETD2) des pré-filtres de 10,3 et 0,5µ. La solution préparée va permettre d’effectuer un certain nombre de cycles de désinfection avec un nombre maximum de 20 cycles. Ce nombre sera adapté en fonction de la persistance ou non de l’efficacité de l’EEA qui est contrôlée en continu par la machine. Quand la solution préparée ne présente plus les conditions nécessaires à une désinfection efficace, la machine le signale et oblige la préparation d’une nouvelle solution. Au bout de 20 cycles, la solution sera automatiquement neutralisée et vidangée.

RÉSULTATS DES ÉTUDES

Toxicité

Les tests réalisés au Japon montrent :

  • la quasi-absence d’irritation de la muqueuse buccale ;
  • une irritation faible sur la peau : malgré sa forte acidité l’EEA est rarement nuisible car elle perd son effet acide dès qu’elle est privée de l’adjonction d’ions hydrogènes, même en étant oxydée ;
  • l’absence d’irritation oculaire ;
  • l’absence de mutagénicité ; l’absence de cytotoxicité.

Efficacité

De nombreuses études japonaises, européennes ont été réalisées sur les bactéries, mycobactéries, champignons et virus habituellement testés [5-9]. Une étude complémentaire française [10] a été effectuée sur les bactéries.

L’ensemble des études conclut à une efficacité satisfaisante (en fonction des critères habituels retenus). Seule l’efficacité sur les spores paraît un peu limitée mais cette activité sporicide n’est pas requise pour la désinfection d’endoscopes ne pénétrant pas dans des cavités stériles (désinfection de niveau intermédiaire) [Désinfection des dispositifs médicaux. Guide de bonnes pratiques].

COÛT D’UTILISATION

Les différents consommables utilisés sont les sachets de NaCl, les rouleaux d’imprimantes et les différents filtres (filtre particules, filtre chlore, filtre 0, 22 µ).

Le prix au cycle est chiffré par le constructeur à 1,041 € TTC. Ceci est à rapprocher du coût de l’APA pour un cycle de désinfection manuelle (1,76 € par acte, étude sur le coût de la pratique SFED, CREGG, SYNMAD). La différence est encore plus élevée si l’on compare la somme du coût des produits détergents plus désinfectants entre nettoyage manuel + Cleantop (1,96 €) et laveur désinfecteur à l’APA (5,25 €).

Ce calcul reste insuffisant puisque le coût de la machine et de pompes péristaltiques est supérieur à celui d’un laveur désinfecteur. Il est cependant logique de considérer que le surcoût induit par la machine sera amorti grâce à l’économie sur les produits. En fonction du volume d’activité, le point d’équilibre sera plus ou moins vite obtenu.

SITUATION FRANÇAISE

La machine répond-elle aux règles des LDE ?

La machine n’est qu’un désinfecteur ce qui implique qu’elle ne tombe pas, par définition, sous la règle des LDE [Guide BP utilisation LDE]. On peut cependant noter que par rapport aux règles de fonctionnement habituellement demandées aux LDE, on retrouve sur la Cleantop les éléments suivants :

  • contrôle d’étanchéité : si la pression d’air ne peut être maintenue au moins 15 secondes ou si la pression baisse durant le cycle, le cycle ne pourra s’enclencher ou sera interrompu avec message d’erreur ;
  • cycle d’auto désinfection après la production de la solution ;
  • irrigation individuelle des canaux ;
  • contrôle de la circulation dans les canaux : il s’effectue de manière individuelle avec un contrôle et une alarme sur chaque canal ;
  • alarmes pour le remplacement des filtres ;
  • traçabilité (imprimante intégrée) de tous les événements anormaux précités et, pour chaque cycle, de toutes les données relatives au patient, à l’endoscope, à l’utilisateur et aux caractéristiques du cycle.

La principale différence est représentée par l’utilisation pour plusieurs endoscopes de la même solution désinfectante. Cette utilisation multiple se rapproche ainsi des conditions d’utilisation en désinfection manuelle. Cela paraît acceptable au vu des éléments suivants :

  • au contraire des LDE, il y a eu, avant la mise dans la machine, un nettoyage ; ainsi, la charge bactérienne résiduelle est théoriquement très faible ;
  • il existe un contrôle strict de la désinfection à chaque cycle incluant : a) Un contrôle d’efficacité de la désinfection : tout au long du processus de désinfection les paramètres pH et potentiel d’oxydoréduction sont suivis. En cas de déviation d’un des paramètres en dessous des valeurs efficaces le cycle s’arrête et oblige soit la répétition du processus soit un changement de la solution. b) Un contrôle automatique du nombre de cycles (vidange au bout de 20 cycles au maximum) ;
  • après plus de deux ans d’emploi à large échelle (> 30 % du marché) en Asie, aucune déclaration de matériovigilance n’a été faite pouvant faire craindre l’existence de zone interne à la machine qui pourrait créer une niche d’infection résiduelle.

Le produit utilisé appartient-il à la liste II (circulaire 138) ?

Dans la liste des produits du groupe II, partiellement actifs sur le prion, figurent outre l’acide peracétique (qui n’est aucunement actif aux concentrations utilisées en désinfection des endoscopes !!), le dioxyde de chlore (sans précision autres que celles fournies par le fabricant) et l’hypochlorite de sodium à la concentration de 0,5% en chlore actif pendant au moins 15 minutes. Les conditions de fonctionnement de l’eau électrolysée acide font que le chlore produit est sous sa forme la plus active avec des réactions d’oxydation (donc une efficacité désinfectante) maximales. Le procédé ressortant des mêmes modes d’action que le dioxyde de chlore ou l’hypochlorite de sodium, il pourrait être considéré par assimilation comme partiellement actif sur les ATNC. Pour le moment, il n’est cependant pas formellement inscrit dans la liste et son appartenance ne peut être que proposée « par assimilation » si le sujet était ouvert.

A-t-on un risque au switch glutaraldéhyde-EEA ou APA-EEA ?

L’action de l’EEA sur les endoscopes paraît limitée à la détersion du biofilm. Cette action qui peut révéler l’existence de micro orifices dans les canaux est bénéfique puisqu’elle supprime ce qui peut faire le lit d’une infection résiduelle malgré une bonne désinfection. Cela fera conseiller une révision préventive des endoscopes avant mise en route de l’utilisation de l’EAA en cas d’endoscopes préalablement désinfectés au glutaraldéhyde. Aucune atteinte spécifique de l’endoscope ne semble, par ailleurs, avoir été notée en Asie chez les utilisateurs d’endoscopes Olympus (statistiques asiatiques). Pour les autres sociétés d’endoscopes un certificat de compatibilité a été délivré par Fujinon et une étude Pentax est en cours au Japon. L’utilisation conjointe de l’EEA et d’un autre désinfectant (désinfection du matin à l’APA puis utilisation de l’EAA le reste de la journée par exemple) paraît également possible sans risque majoré pour les endoscopes.

Peut-on, en pratique, l’acheter et s’expose-t-on à des risques ?

  • Tous les certificats de la machine sont en règle et disponibles (marquage CE…).

Un achat est possible sans restriction.

  • Le risque d’une contamination de plusieurs patients lié à un problème sur la machine :

Ce risque n’est a priori pas supérieur à celui d’un LDE où les problèmes liés à des alarmes déficientes ne sont pas rares. On pourrait même penser que ce risque est diminué si l’on admet que le contrôle en continu de l’efficacité de la solution lors d’un cycle de désinfection est efficace.

  • Le risque que l’AFSSAPS émette un avis sur le produit avec des réserves voire une interdiction.

Le produit est diffusé en France depuis plusieurs mois sans remarques. L’AFSSAPS questionnée sur le sujet a répondu que ce n’était pas son rôle de juger du produit. L’AFSSAPS pourra en revanche émettre un avis si des matériovigilances répétées font aboutir à la conclusion que la machine est défectueuse ou nécessite des conditions d’utilisation différentes. Ce risque paraît très faible au vu des expériences asiatiques. Dans le pire des cas où la réutilisation de la solution désinfectante serait interdite, la machine pourrait toujours être utilisée en faisant alors à chaque cycle une nouvelle production de solution active. L’inconvénient principal serait bien sûr de perdre l’avantage de la rapidité du cycle de désinfection.

  • Le risque que la DGS émette un guide comme pour les LDE

Ceci ne doit pas être considéré comme un risque. Cela pourrait permettre une discussion ouverte en incluant des interlocuteurs gastro-entérologues. Ce guide a cependant peu de chances de voir le jour actuellement puisqu’un seul désinfecteur est disponible sur le marché français.

QU’ATTENDRE DE L’AVENIR ?

  • Une étude SFED de l’utilisation sur site de la Cleantop avec utilisation de pompes Alkapharm pour le nettoyage devrait voir le jour. Elle permettrait de valider l’ergonomie de la machine, son efficacité et le faible coût de la désinfection rapportée à un endoscope.
  • Etude de l’efficacité de l’EEA sur le prion. Il n’est pas exclu que l’EEA ait une efficacité relative sur le prion. Elle serait alors nécessairement plus efficace que l’APA qui ne l’est pas ! Le produit deviendrait alors une réelle alternative. Des axes de recherche sur ce secteur sont en cours.
  • Développement d’un laveur désinfecteur qui serait alors un complément de gamme pour les gens choisissant l’option intégrée lavage + désinfection.

CONCLUSION

Le clean-top est un désinfecteur utilisant un procédé de désinfection original (eau électrolysée acide) qui présente de nombreux avantages : désinfectant de faible coût, sans effets secondaires pour le personnel et les patients et parfaitement biodégradable. Les points négatifs sont théoriques : réutilisation de l’eau sur plusieurs cycles (mais avec un contrôle continu de l’efficacité du produit), désinfectant pas formellement inscrit sur la liste 2. Il persiste actuellement un risque théorique à l’acheter : non pas un risque par rapport aux patients (au vu de l’expérience asiatique) mais plutôt un risque que l’AFSSAPS ou la DGS n’émette un avis négatif sur le produit ou une recommandation limitative. Ce risque reste cependant a priori très faible, à opposer au ratio coût bénéfice très positif de la machine.

B. Napoléon*, Catherine Chapuis** (*Lyon, **Pierre Bénite )

RÉFÉRENCES

1 Désinfection des dispositifs médicaux. Guide de bonnes pratiques. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Secrétariat d’Etat à la Santé, Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France, Comité Technique National des Infections Nosocomiales. 1998, 133 p.

2 Circulaire DGS/5C/DHCS/E2/2001/138 du 14 Mars 2001 relative aux précautions à observer lors des soins en vue de réduire les risques de transmission d’agents transmissibles non conventionnels.

3 Circulaire DHOS/E2/DGS/SD5C/2031 n °591 du 17-12-2003 relative aux modalités de traitement manuel pour la désinfection des endoscopes non autoclavables en milieu de soins.

4 Bonnes pratiques de désinfection des dispositifs médicaux. Guide pour l’utilisation des laveurs-désinfecteurs d’endoscopes. Ministère de la Santé, de la famille et des personnes handicapées, DGS/DMOS, Comité technique des infections nosocomiales, 2003, 37 p.

5 Morita C, Sano K, Morimatsu S, et al. Disinfection potential of electrolyzed solutions containing sodium chloride at low concentrations. Journal of Virological Methods 2000 ; 85 : 163-74.

6 Tsuji S, Kawano S, Oshita M, et al. Endoscope disinfection using acidic electrolytic water. Endoscopy 1999 ; 31 : 528-35.

7 Tagawa M, Yamaguchi T, Yokosuka O, et al. Inactivation of hepadnavirus by electrolysed acid water. Journal of Antimicrobial Chemotherapy 2000 ; 46: 363-8.

8 Sano K. Mycobacterium disinfection test. Departement of microbiology, Osaka Medical College. 2001.

9 Spinzi G, Rampoldi A, Ferlin L, et al. Endoscopic disinfection : comparison between electrolysed acid water and glutaraldehyde solution. An interim report. XI congresso Nazionale delle malattie Digestive, feb 2003, Oral communication.

10 Biotech-Germande. Evaluation de l’efficacité antimicrobienne d’une procédure d’entretien des endoscopes incluant un nettoyage manuel et une désinfection dans la machine Cleantop WM-S (Kaigen). Rapport d’étude, Marseille, Mars 2003.