Traitement adjuvant radio-chimiothérapique du cancer rectal parmi les sujets âgés : Etude de population

Use of adjuvant chemotherapy and radiation therapy rectal cancer among the elderly : a populataion-based study ; Neugut A, Fleischauer A, Sundararajan V; J Clin Oncol 20 :2643-2650

Justificatif et objectif

Le bénéfice en survie d’une chimiothérapie adjuvante à base de 5 FU pour les cancers coliques de stade III est bien établi. Pour les cancers du rectum localement avancés (T3 N0 M0, T4 N0 M0, N+), le traitement adjuvant idéal est moins clairement défini. La radiothérapie diminue le risque de récidive loco-régionale mais son bénéfice en survie n’a pas été établi. De même l’intérêt de l’adjonction d’une chimiothérapie à base de 5 FU à une radiothérapie n’a pas été démontré. Cependant, la pratique d’une association radio-chimiothérapique (ARCC) adjuvante est assez répandue pour les cancers rectaux de stade II et III surtout chez les patients de moins de 65 ans . Le but de ce travail a été de mesurer l’utilisation d’une ARCC chez les patients de plus de 65 ans aux US et d’en évaluer son bénéfice en survie.

Méthodes

Cette étude a utilisé la banque de données américaine SEER (Surveillance, Epidémiology, End-Results) du National Cancer Institute recouvrant environ 14 % de la population des Etats Unis et portant sur la localisation des tumeurs, leur stade, la population atteinte et la comorbidité.

Les patients sélectionnés pour l’étude remplissaient les critères suivants :Sujets porteurs d’un adénocarcinome du rectum diagnostiqué entre 1992 et 1996, de stade II ou III, âgés de 65 ans ou plus et ayant bénéficié d’une résection chirurgicale.

Ont été éliminés de l’étude les patients dont la survie post-chirurgicale a été inférieure à 4 mois et les patients souffrant d’une comorbidité sévère dans les 12 mois précédent ou les 4 mois suivant le diagnostic de cancer du rectum.

Résultats

Une cohorte de 1807 patients fut ainsi définie (dont 823 stade III) .

L’âge moyen était de 72 ans (extrème 65-100 ans). 88 % étaient des blancs non hispaniques.

38 % des patients bénéficièrent d’une chirurgie seule, 51 % d’une chimiothérapie adjuvante, 48 % d’une radiothérapie adjuvante et 37 % d’une ARCC adjuvante délivrée dans 89 % des cas en post-opératoire, 10 % en pré-opératoire et 1 % en pré et post-opératoire.

L’ARCC était proportionnellement plus prescrite chez les patients les plus jeunes, porteurs de moins de comorbidité et chez les sujets porteurs d’une atteinte ganglionnaire plus importante.

Durant la période de suivi qui allait du diagnostic jusqu’à la date du 15 avril 1999, la mortalité cumulative a été notée à 47 % chez les patients ayant reçu une ARCC et de 54 % chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie seule (p < 0,01).

Pour les stades III, il a été noté une réduction du risque de décès à 5 ans de 29 % chez les patients ayant bénéficié d’une ARCC par rapport au groupe chirurgie seule (risque relatif 0,71 ; intervalle de confiance 95 % : 0,56-0,90).

Pour les stade II, aucune réduction de risque de décès à 5 ans n’a été observée pour les malades traités par rapport aux malades opérés sans traitement adjuvant.

Analyse

Ce travail rétrospectif non randomisé semble donc démontrer chez les patients âgés de plus de 65 ans, opérés d’un cancer du rectum de stade III, une réduction de mortalité de 29 % obtenue par l’ARCC adjuvante, par rapport à des patients opérés sans traitement complémentaire. Ces résultats apparaissent comparables à ceux de plusieurs études randomisées.

Pour les patients de stade II, bien que la radiothérapie ait démontré un intérêt pour diminuer le risque de récidive locorégionale, l’adjonction d’une chimiothérapie à l’irradiation n’augmente pas la survie à 5 ans chez les patients de plus de 65 ans.

Ces résultats devraient nous conduire à une attitude adjuvante identique dans les populations de plus et de moins de 65 ans.

D’une manière non rationnelle, l’offre de traitement adjuvant est en effet moins fréquente dans les populations plus âgées bien qu’il n’ait jamais été démontré d’effet toxique plus important dans ce sous groupe et que les bénéfices escomptés soient probablement identiques quelque que soit l’âge .