Tabagisme : Quel impact global sur l’espérance de vie humaine ?

Bien qu’il puisse être mâché, le tabac est surtout fumé et inhalé. Au 19 eme siècle l’usage de la cigarette était moins fréquent que celui de la pipe et du cigare. Ce n’est que dans la 2 eme moitié du 20 eme siècle que les effets néfastes du tabac sur la santé humaine se sont fait sentir , avec la production industrielle des cigarettes. L’augmentation très rapide de l’incidence du cancer du poumon chez l’homme a d’abord attiré l’attention, mais le tabac intervient comme facteur de risque pour d’autres affections (maladies cardio-vasculaires et respiratoires).

Richard Doll a entrepris dès 1951 une étude cohorte sur l’impact sanitaire du tabac avec deux particularités notables  :

  • La durée puisqu”il vient de publier, au moment où il interrompt l’étude, les résultats d’un suivi de 50 ans
  • Le choix de la cible, puisqu’il s’agit des médecins britanniques de sexe masculin, ce qui a permis de collecter des données précises, y compris pour la cause de la mort, avec un taux de recouvrement voisin de 99% pour les 34.439 médecins inclus. Ceux ci ont été interrogés sur leur consommation de tabac, puis suivis pour leur consommation et les causes de décès

Les médecins sont classés en groupes : non fumeur, ancien fumeur , fumeur modéré (1-14 cigarettes par jour) ,moyen (15-24), intense (plus de 25) et aussi par génération: nés avant 1900, en 1900-09, 1910-19 et 1920-29. Il a donc été possible de comparer le risque pour ceux qui étaient nés dans la 2 eme moitié du 19 eme siècle ou dans la 1 ere moitié du 20 eme siècle. L’étude couvre ainsi toute la période où l’espérance générale de vie s’est beaucoup allongée pour l’espèce humaine.

La comparaison entre non fumeurs et fumeurs fait ressortir l’impact de l’usage de la cigarette sur l’espérance de vie : celle ci est peu modifiée pour les générations nées au 19 eme siècle, mais réduite de 10 ans pour les médecins fumeurs nés entre 1900 et 1930. Pour ceux qui après avoir fumé se sont arretés, le handicap dépend de l’age de l’abandon. Si l’arret s’est produit à 60 ans l’espérance de vie est réduite de 7 ans; à 50 ans le handicap atteint 5 ans, à 30 ans il n’y a plus de handicap. On constate aussi que la probabilité de mort précoce (entre 35 et 69 ans) est trois fois plus élevée (43%) chez les fumeurs que chez les non fumeurs (15%).

Conclusion, fumer réduit l’espérance de vie et supprime pour le fumeur l’accroissement de l’espérance de vie dont ont bénéficié les populations des pays développés au 20 eme siècle. Alors que le taux de mortalité toutes causes, est passé de 80 pour 1000 hommes agés de 70 à 89 ans en 1951-61 à 39 en 1991-2001, il est demeuré stable chez les fumeurs ,les chiffres respectifs étant 92 et 113.

Doll R, Peto R, Jillian Boreham J et al. Mortality in relation to smoking : 50 years’ observations on male british doctors. BM.J, 2004 ,328-1519 (publication électronique on line)