Carcinome Hépatocellulaire : Que faire en attendant la greffe ?

Graziadei IW, Sandmueller H, Waldenberger P, Koenigsrainer A, Nachbaur K, Jaschke W, Margreiter R, Vogel W. Chemoembolization followed by liver transplantation for hepatocellular carcinoma impedes tumor progression while on the waiting list and leads to excellent outcome. Liver Transpl. 2003 Jun;9(6):557-63.

La transplantation hépatique (TH) est le traitement le plus efficace du carcinome hépatocellulaire (CHC. Les malades doivent être sélectionnés pour éviter un taux élevé de récidive après TH ; ainsi les critères actuellement admis d’indication de TH pour CHC sont essentiellement morphologiques : une tumeur unique de 5 cm de diamètre au maximum, ou au maximum trois tumeurs de 3 cm de diamètre maximum (1). Les malades greffés correspondant à ces critères ont une survie comparable aux malades greffés sans CHC.

En raison de la pénurie actuelle (et croissante !) de greffons cadavériques et du nombre de plus en plus important de candidats (probablement en partie par augmentation de l’incidence du CHC), les délais d’attente avant TH augmentent de façon dramatiques. Ceci conduit directement à une perte de chance pour les malades, en particulier les malades présentant un CHC, dont les lésions tumorales hépatiques peuvent évoluer en attendant un greffon, et par là sortir des critères admis. Il a été rapporté jusqu’à 20% de malades exclus ainsi secondairement de la liste d’attente (2). Pour éviter cet écueil, deux options peuvent être proposées : soit la TH peut être réalisée rapidement, c’est une des indications de recours à un donneur vivant apparenté, soit il faut traiter le plus efficacement possible le CHC dans la période d’attente, sans dégrader la fonction hépatique. Différents traitements ont été envisagés : résection chirurgicale, destruction par alcoolisation ou radiofréquence (avec un risque d’essaimage) ou chémoembolisation. La chémoembolisation, reconnue maintenant (et définitivement !) comme un traitement efficace, en terme de réponse tumorale et de survie, est discutée dans cette indication.

Graziadei et coll. rapportent leur expérience de la chémoembolisation en attente de TH pour des malades entrant dans les indications admises de TH (n=48) et chez des malades en dehors de ces critères, mais ayant présenté une réponse tumorale à la chémoembolisation (n=15), avec régression partielle significative des lésions (d’au moins 50%. En effet, certains proposent d’étendre les indications de TH pour CHC, en particulier en cas de bonne réponse à un traitement néo-adjuvant : c’est le « downstaging » . Les auteurs rapportent dans cette étude prospective que 41/48 malades traités ont été greffés (les autres sont toujours en attente) et ont reçu en moyenne 2,5 séances de chémoembolisation (de 1 à 8). Aucun de ces 48 malades n’a été sortis de la liste d’attente pour progression tumorale avec une durée d’attente de 178 jours en moyenne (soit environ 6 mois). La survie à 1-, 2-, et 5 ans, en intention de traiter était de 98%, 98%, et 94%. Le CHC avait récidivé dans un cas (2.4%). Les résultats dans ce groupe de malades peuvent donc être considérés comme excellents pour une durée d’attente de 6 mois. Ils devront être confirmés sur une plus grande série de malades et peut-être en augmentant encore la durée d’attente. Par contre, dans le groupe « downstaging », les résultats rapportés par les auteurs sont très décevants, puisque 3 malades/15 (20%) ont présenté une progression tumorale (après une régression initiale) et ont été sortis de liste, 4 des 12 autres (30%) ont présenté une récidive tumorale après TH, et une survie à 1-, 2-, et 5 ans, en intention de traiter de 93%, 78%, et 31%. Ces résultats doivent donc rendre extrêmement prudents quant à un élargissement des indications de TH pour CHC.

Il convient donc de retenir que pour les malades satisfaisant initialement aux indications de TH pour CHC ,la chemoembolisation est un bon traitement d’attente de greffe évitant nombre de sortie de liste pour progression tumorale. En revanche la chemoembolisation semble être impuissante à améliorer le pronostic des patients ne remplissant pas initialement les critères de TH même si celle-ci peut être parfois réalisée grâce à un « Down-staging ».

Références

  1. Mazzaferro V, Regalia E, Doci R, Andreola S, Pulvirenti A, Bozzetti F, Montalto F, Ammatuna M, Morabito A, Gennari L. Liver transplantation for the treatment of small hepatocellular carcinomas in patients with cirrhosis. N Engl J Med. 1996 Mar 14;334(11):693-9.
  2. Llovet JM, Fuster J, Bruix J. Intention-to-treat analysis of surgical treatment for early hepatocellular carcinoma: resection versus transplantation. Hepatology. 1999 Dec; 30(6): 1434-40.