Quand « Baisse de mortalité » rime avec « Expérience du chirurgien » !!

Depuis plusieurs années, nombre d’études ont montré en chirurgie cardiaque comme en chirurgie digestive des taux de mortalité opératoire meilleurs dans les centres à gros volume que dans les petits centres. Cette différence pourrait être le fait de plateaux techniques plus

complets avec par exemple des structures de réanimation plus performantes, mais elle pourrait aussi refléter une meilleure expérience des chirurgiens .Une vaste enquête, publiée dans le New England Journal of Medicine de décembre 2003 (1), a tentée de faire la part des choses .

Patients et méthodes

A partir de la base de données du Medicare, la mortalité de 474018 patients opérés entre 1998 et 1999 a été examinée. Huit types d’intervention étaient analysés : 4 de chirurgie cardio-vasculaire et 4 de chirurgie oncologique : résection pulmonaire, cystectomie, oesophagectomie et résection pancréatique. A travers une analyse statistique, et après ajustement sur les variables démographiques (âge, sexe, race), les relations entre le volume d’interventions réalisées par chirurgien et par hôpital , et la mortalité ont été étudiées. En matière de chirurgie oncologique digestive, un chirurgien était qualifié comme « à gros volume » si il réalisait plus de 6 oesophagectomies par an ou plus de 4 résections du pancréas, un centre était considéré ainsi si plus de 13 oesophagectomies et 11 résections pancréatiques y étaient réalisées par an.

Résultats

Environ 25% des chirurgiens opéraient sur plus d’un site. Il n’y avait pas de différence significative d’age et de sexe entre les patients opérés par des chirurgiens à petit ou gros volume. Le volume de malades opérés par le chirurgien était inversement corrélé à la mortalité opératoire pour les 8 procédures (p=0.003 pour le poumon, p<0.001 pour les autres interventions). Le risque relatif de décès post-opératoires entre chirurgiens à petit et gros volume variait de 1.24 pour la chirurgie pulmonaire à 3.61 pour la résection pancréatique (2.3 pour l’oesophagectomie). De même la mortalité opératoire était statistiquement plus élevée dans les centres à petit volume (sauf pour les endartériectomies). Après ajustement sur le nombre d’interventions réalisées par centre, la différence entre chirurgiens selon le nombre d’interventions persistait pour 7 des 8 interventions, alors qu’après ajustement sur l’activité du chirurgien, l’importance des gros centres n’existait plus que pour 4 interventions (dont la chirurgie pancréatique). Au total, l’importance de l’expérience du chirurgien intervenait pour respectivement 55 % et 46 % du bénéfice attribuée aux gros centres en cas de chirurgie pancréatique ou oesophagienne.

Commentaires

La conclusion principale des auteurs est que les patients peuvent augmenter considérablement leurs chances de survie ( !) en choisissant non seulement de grands centres chirurgicaux mais également en sélectionnant un chirurgien aguerri au type de chirurgie dont ils ont besoin .

Ceci plaide à l’évidence pour une spécialisation des équipes chirurgicales à un nombre restreint d’interventions leur permettant d’acquérir et de conserver une expertise optimale.

Les médecins pour leur part doivent réfléchir à la portée de ces statistiques qui devraient logiquement les pousser à confier leurs malades à des chirurgiens expérimentés, formés et rompus à une chirurgie spécifique et exerçant dans le cadre d’unités multi-disciplinaires de façon à éviter toute perte de chance.

Référence

Birkmeyer JD, Stukel TA, Siewers AE et al. Surgeon volume and operative mortality in the United States. N Engl J Med 2003; 349:2117-27.