Randomized Phase II Comparison of Dose-Intense Gemcitabine :
Thirty-Minute Infusion and Fixed Dose Rate Infusion in Patients With Panctreatic Adenocarcinoma.
Justifications
La GEMCITABINE(GEM) est une prodrogue, analogue anti-nucléosidique de la cytidine, qui doit être phosphorylée en GEM monophosphate ,diphosphate puis triphosphate. La GEM tri-phosphate est alors incorporée à l’ADN lors d’un processus compétitif avec la désoxycytidine triphosphate, cette incorporation entraînant une diminution de la réplication de l’ADN puis l’apoptose.
D’autre part, le catabolisme de la GEM fait appel à un processus de désamination lui-même stimulé par la désoxycitidine triphosphate. La diminution de la concentration intra-cellulaire de cette dernière aboutira donc à une augmentation de la concentration cellulaire de la GEM E. La phosphorylation en GEM monophosphate sous l’effet d’une désoxycytidine kinase constitue l’étape limitante de l’activation de la GEM .
Des études de phase I ont par ailleurs montré que le taux plasmatique optimal de GEM permettant la meilleure triphosphorylation de cette dernière correspond approximativement à 20µmol/L, ce qui requiert un débit constant de perfusion de GEM approximativement de 10mg/m2/min. Enfin, des études pré-cliniques sur tissu tumoral in-vitro ont permis d’observer un possible effet -dose de la GEM .
A la lumière de ces données fondamentales, il est apparu nécessaire de développer une étude de phase II randomisée dans les adénocarcinomes pancréatiques testant deux approches d’intensification de doses de la GEM :
- haute dose hebdomadaire avec administration standard de 30mn (qui sera appelée dans le texte ci-dessous « bras 30mn »).
- perfusions à débit constant de 10mg/m2/min pendant 150 mn (dénommée « bras 10mg/m2/mn »).
L’objectif principal de l’étude était le TTF (Time To Treatment Failure). Il s’agit du temps séparant la première administration de l’arrêt du traitement pour toute raison : progression, dégradation de l’état général ou toxicité. Les objectifs secondaires étaient le TTP (Time To Progression), la survie moyenne, le taux de réponse et l’analyse de la toxicité.
Patients et méthodes
Les patients éligibles étaient porteurs d’un adénocarcinome pancréatique prouvé histologiquement soit localement avancé (avant un amendement précoce au protocole) soit métastatique. La maladie globale ne devait pas être forcément mesurable( notamment la lésion primitive n’était pas considérée comme une cible mesurable) mais le patient devait nécessairement présenter une lésion secondaire mesurable selon les critères WHO(après l’amendement initial). Les patients devaient avoir un stade OMS inférieur ou égal à 2, avoir au moins 18 ans et avoir signé un consentement écrit.
Le bras A (bras 30mn) consistait en l’administration en 30 minutes de 2200mg/m2 de GEM, le bras B (bras 10mg/m2/mn) en la perfusion de 1500mg/m2 de GEM au débit constant de 10mg/m2/min, soit une perfusion de 150minutes.
Un cycle de traitement était représenté par trois perfusions à J1, J8, J15, suivies d’une semaine de repos . Il était prévu une diminution de 50% de la dose en cas de toxicité de grade 3 sur les polynucléaires neutrophiles ou de grade 2 sur les plaquettes. En cas de toxicité de grade 4 sur les polynucléaires neutrophiles ou de grade 3 sur les plaquettes, la perfusion de GEM n’était pas réalisée puis une réduction de 75% de la dose était appliquée. Une toxicité non hématologique de grade 3 ou 4 entraînait respectivement une réduction de dose de 50 ou 75 %.
A chaque perfusion, le patient faisait l’objet d’une évaluation clinique et hématologique (poids, stade OMS, consommation d’antalgiques, toxicité non hématologique, symptomatologie en rapport avec la maladie, NFP) .Tous les deux cycles (six cures), le patient faisait l’objet d’une évaluation clinique et hématologique identique ainsi que d’une évaluation radiologique par scanner ou IRM.
Pour les patients recrutés au MD ANDERSON, une détermination du taux intra-cellulaire de GEM tri-phosphate au niveau des cellules mononucléées sanguines était réalisée à T30, T60, T90, T120 et T150minutes.
Résultats
92 patients ont été recrutés pour cette étude dont 49 dans le bras « 30mn » et 43 dans le bras « 10mg/m2/mn ».
Huit patients recrutés initialement présentaient une maladie localement avancée et 84, une maladie métastatique. Dix patients avaient été préalablement traités par radiothérapie et 5FU pour la prise en charge pour la tumeur primitive.
Le TTF (Time To Treatment Failure) et le TTP n’étaient pas statistiquement différents dans les deux bras respectivement de 1.8 et 1.9 mois dans le « bras 30mn » et de 2.1 et 3.4 mois dans le « bras 10mg/m2/mn ». En revanche, la survie médiane était significativement augmentée dans le « bras 10mg/m2/mn » (8 mois) par rapport au « bras 30mn » (5 mois) soit p=0.013. De même, la survie à un an de 9% dans le « bras 30mn » versus 28% dans le « bras 10mg/m2/mn » et la survie à deux ans de 2.2% dans le « bras 30mn » versus 18.3% dans le « bras 10mg/m2/mn » était très en faveur du bras à débit constant avec des p respectivement de 0.014 et 0.007. Le taux de réponse évaluée sur seulement 39 patients était de 9.1% dans le « bras 30mn » et 5.9% dans le bras « 10mg/m2/mn ». La diminution des besoins en antalgiques et l’amélioration du stade OMS étaient en faveur du bras « 10mg/m2/mn » mais de manière non significative.
Les toxicités grade 3-4 étaient majorées dans le bras « 10mg/m2/mn » pour les polynucléaires (48.8 versus 26.5%), pour les plaquettes (37.2 versus 10.2%) et pour les nausées- vomissements (20.9% versus 14.3%).
L’étude pharmacocinétique menée chez 10 patients du « bras 30mn » et six patients du « bras 10mg/m2/mn » a permis d’observer des concentrations maximales moyennes de GEM tri-phosphate intracellulaire respectivement de 168µmol/L et de 398 µmol/L.
Discussion
Les buts de cette étude étaient de définir le meilleur schéma d’intensification de la GEM pour de futures études de phase III notamment en association.
Les résultats « du bras 30mn » sont comme attendus identiques à ceux de l’étude pivotale de Burris (JCO 1997). Le bras expérimental à débit constant de 10mg/m2/mn de GEM E, a permis d’observer une amélioration significative de la survie médiane, de la survie à un an et de la survie à deux ans. En revanche, il n’a pas été noté d’amélioration significative du TTF et du TTP qui ne sont peut être pas les critères les plus pertinents en cas d’adénocarcinome pancréatique. De même, la réduction de la consommation d’antalgiques et l’amélioration du statut OMS se sont montrées équivalentes dans les deux bras.
A signaler que 50% des patients du« bras 10mg/m2/mn » ont pu bénéficier d’une 2 ème ligne thérapeutique contre 25% du « bras 30mn » expliquant sans doute les différences significatives en survie médiane, survie à un an et à deux ans. Cela dit, cette différence de proportion de patients pouvant recevoir une 2ème ligne est peut être un effet bénéfique prolongé du traitement à débit constant.
En ce qui concerne la toxicité plus marquée dans le bras de perfusions à débit constant, il faut signaler qu’aucune répercussion clinique significative n’a été observée.
Enfin, l’étude pharmacocinétique permet de valider les données fondamentales puisque le taux intra-cellulaire de GEM tri-phosphate, métabolite actif de la GEM , s’est trouvée multipliée par 2 dans le « bras 10mg/m2/mn ».
CONCLUSION
Bien que cette étude souffre de plusieurs biais : manque de puissance, critères de sélection imprécis en début d’étude et enfin objectif principal mal adapté à la pathologie,elle semble clairement démontrer que l’administration de la GEM au débit constant de 10 mg/m²/mn, améliore significativement les résultats à long terme,invitant à continuer son évaluation dans les études ultérieures.
A l’inverse l’intensification de dose de GEM responsable de l’importante toxicité ne convint pas vraiment en terme de taux de réponse de survie et surtout de qualité de vie et nous laisse dans l’incertitude quant-à l’existence d’un effet-dose de cette drogue.