La place du traitement néoadjuvant dans la prise en charge des cancers de l’osophage résécables reste controversée. La radiochimiothérapie n’a pas fait réellement la preuve de son efficacité, malgré des taux de stérilisation de pièce opératoire d’environ 20%, en dehors de l’étude irlandaise très discutée de Walsh (1), et demeure en cours d’évaluation (essai FFCD 9901). La chimiothérapie (CT) seule semblait devoir être abandonnée depuis les résultats de l’essai intergroupe américain publié par Kelsen dans le NEJM fin 1998 (2).En effet dans cette étude multicentrique portant sur 440 patients, il n’existait pas de bénéfice de survie pour le groupe traité par CT avant chirurgie par rapport au groupe chirurgie seule (14.9 vs 16.1 mois). Cependant un essai multicentrique anglais portant sur un effectif double nous livre à présent des conclusions opposées dans le Lancet (3) .
Dans cette étude 802 patients porteur d’un adénocarcinome (66%) ou d’un carcinome épidermoïde (31%) de l’eosophage jugé résécable ont soit reçu deux cures de chimiothérapie par 5FU-cisplatine à 3 semaines d’intervalle suivies par une chirurgie 3-5 semaines plus tard, ou ont soit été opérés d’emblée. Respectivement 92% et 97% des pts ont pu être opérés, avec une résection R0 dans 60% et 54 % des cas. Le taux de mortalité post-opératoire était identique (10%). Il existait un bénéfice à la fois en survie sans maladie (p=0.0014), qu’en survie globale (16.8 vs 13.3 mois, p=0.004) ou survie à 2 ans (43% vs 34%) dans le groupe traité par CT préopératoire .
Comment expliquer ces résultats opposés dans des populations très comparables à l’inclusion ? Les auteurs britanniques soulignent la lourdeur du protocole de CT néoadjuvante américain (3 cycles avec dose – intensité élevée) responsables probablement d’un plus faible taux de patients opérés (80% vs 92%) et d’un retard à la chirurgie (93 vs 63 jours). A l’inverse on pourrait souligner la faiblesse de la médiane de survie du bras chirurgie seule dans l’étude britannique où la technique chirurgicale n’était pas protocolisée.
Quoi qu’il en soit , l’option d’une CT néoadjuvante ne peut pas être écartée définitivement des futurs essais au moment où de nouveaux agents (taxanes, irinotecan) semblent donner des résultats prometteurs dans cette localisation.
Références
- Walsh TN, Noonan N, Holywood D et al. A comparison of multimodal therapy and surgery for esophageal adenocarcinoma. N Engl J Med 1996 ; 335 :462-7.
- Kelsen DP, Ginsberg R, Pajak TF et al. Chemotherapy followed by surgery compared with surgery alone for localized esophageal cancer. N Engl J Med 1998 ; 339 :1979-84.
- Medical Research Council Oesophageal Cancer Working Party. Surgical resection with or without preoperative chemotherapy in oesophageal cancer : a randomised controlled trial. Lancet 2002 ; 359 :1727-33.