Une évolution métastatique hépatique frappera environ 1/3 des patients ayant présenté un adénocarcinome colo-rectal. La chirurgie d’exérèse complète (R0) demeure alors le seul espoir de guérison .La résection R0 primaire procure alors une survie à cinq ans de 25 à 40 % selon les différentes séries de la littérature (1,2).
Par conséquent, après exérèse R0 de métastases hépatiques, 60 à 75 % des patients présenteront une récidive notamment hépatique pour plus de la moitié d’entre eux. Ces résultats laissent donc une place à un traitement adjuvant par voie intraveineuse (IV), intra-artérielle hépatique (IA) ou mieux IV + IA. Pourtant, aucun des nombreux essais menés dans cette situation n’avaient pu à ce jour démontrer formellement le bien fondé de cette attitude.
L’étude randomisée, publiée par Margarett Kemeny et collaborateurs dans JCO (3), représente un premier succès dans ce domaine.
Sur une période de plus de six ans, 109 patients furent recrutés dans 34 centres et randomisés avant résection de une à trois métastases hépatiques d’origine colo-rectale en un groupe contrôle sans traitement, et un groupe expérimental bénéficiant d’une chimiothérapie IA à base de 5FUDR et IV à base de 5FU-ACIDE FOLINIQUE. En raison de la randomisation pré-opératoire, 35 patients (12 dans le bras contrôle, et 23 dans le bras expérimental) qui ne satisfaisaient pas aux critères d’éligibilité ou qui n’avaient pu pour des raisons pratiques être traités, furent exclus. L’analyse porta donc sur 74 patients (44 dans le bras contrôle, 30 dans le bras expérimental). Les deux groupes étaient bien équilibrés pour le performance statut, l’âge, le sexe, la race, le caractère synchrone ou métachrone des métastases hépatiques, l’administration pré-opératoire d’une chimiothérapie, et l’étendue de l’atteinte hépatique.
La toxicité spécifique à la chimiothérapie IA fut représentée par sept cas d’élévation régressive des enzymes hépatiques variant de 5 à 20 fois la normale et par deux cas de sténose biliaire ayant nécessité la mise en place d’une prothèse. Aucun décès toxique ne fut déploré dans cette série.
Résultats
Ils furent analysés après un suivi de 51 mois. Une récidive fut notée dans le bras contrôle dans
78 % des cas dont 68.6% en intra-hépatique et dans 53.3 % des cas dans le bras chimiothérapie dont 50 % en intra-hépatique. La survie sans récidive à 4 ans a été très favorable au bras traité (45 % versus 25 % ; p=0.04) de même que la survie sans récidive hépatique à 4 ans (66.9 % versus 43 % ; p=0.03).
Les survies globales et médianes favorables au bras chimiothérapie n’atteignaient pas ,en revanche, le seuil de significativité, probablement en raison du faible effectif, et de la possibilité offerte aux malades du bras contrôle, de bénéficier en cas de récidive de traitements soit à nouveaux chirurgicaux, soit chimiothérapiques.
En analyse multivariée, seule l’administration de la chimiothérapie constitua un facteur significatif indépendant influençant le taux de récidive intra-hépatique.
En conclusion
Cette étude, malgré ses faiblesses (exclusion post-opératoire de patients randomisés, faible effectif, suivi insuffisant) apporte un premier argument en faveur d’une chimiothérapie post-opératoire après résection complète de métastases hépatiques. L’utilisation d’une double voie IA + IV semble logique au regard des sites de récidive post-opératoire.
L’amélioration des protocoles avec utilisation de l’IRINOTECAN et de l’OXALIPLATINE devrait apporter des bénéfices décisifs dans un avenir proche à condition que la recherche clinique prenne enfin son essor dans ce domaine.
Références
- Fong Y and al . Ann Surg 230 :309-318,1999.
- Norlinger B and al. Cancer 77 :1254-1262,1996.
- Kemeny M and al J Clin Oncol 20 :1499-15O5 ,2002.