Le syndrome HNPCC, cancer colorectal héréditaire non lié à la polypose, est une affection génétique liée à une mutation constitutionnelle d’un gène de la famille MMR (MLH1, MSH2, MSH6, PMS2.). On estime que 3 à 5% des CCR sont liés à un syndrome de prédisposition HNPCC. La majorité des HNPCC identifiés sont liés à une mutation des gènes MLH1 et MSH2. Seuls 15% seraient liés au gène MSH6 et semblent présenter des différences phénotypiques par rapport aux formes majoritaires liées à MLH1 et MSH2. Le travail allemand, ici présenté, a permis d’identifier 27 familles (soit 396 sujets mutés) atteintes d’un syndrome HNPCC lié à une mutation MSH6, d’en étudier les caractéristiques moléculaires et phénotypiques en les comparant aux familles HNPCC liées à une mutation MLH1 ou MSH2 (156 familles). L’ensemble de ces familles était issu du registre allemand comprenant 706 familles sélectionnées sur des critères cliniques et familiaux évocateurs de prédisposition familiale (critères d’Amsterdam et de Bethesda) dont 183 pour lesquelles une mutation MMR a été identifiée.
- Vingt-quatre mutations différentes (dont 2 remaniements génomiques) de MSH6 ont été identifiées chez ces 27 familles. 20% des tumeurs étudiées (n = 24) ne présentaient pas d’instabilité microsatellitaire de haut grade telle qu’habituellement observée dans les HNPCC. 3/21 ne présentaient pas d’extinction de la protéine MSH6 en immunohistochimie.
- Parmi les 396 sujets porteurs d’une mutation MSH6, 115 (29%) avaient présenté un cancer (37% pour les familles MLH1 et MSH2). Moins d’une fois sur 2 (42,4%) il s’agissait d’un cancer colorectal (65.5% des cas pour les familles MLH1 et MSH2). Dans les autres cas on notait une proportion importante de cancers non liés au spectre HNPCC (32%). L’âge moyen de survenue du CCR était plus tardif que pour les familles MLH1 et MSH2 (54 versus 44 ans). mais avec un âge extrême inférieur dès 19 ans.
- Les caractéristiques phénotypiques des HNPCC liés à MSH6 (moindre proportion de CCR, âge de survenue plus tardif.) et leur moindre fréquence soulèvent le problème de leur reconnaissance (et d’un très probable défaut d’identification). Dans cette série les 2/3 des familles n’auraient pas été détectées si seuls les critères d’Amsterdam avaient été pris en compte. Ceci souligne la vigilance que nous devons avoir afin de suspecter une forme héréditaire de CCR devant un tableau personnel et / ou familial incomplet et ce d’autant que ni la recherche d’une instabilité microsatellite ni l’immunohistochimie ne peuvent isolement suffire au screening de tous les cas.
Une mutation MSH6 étant retrouvée dans 15% des cas de syndrome HNPCC, sa recherche est justifiée lorsqu’un syndrome HNPCC est suspecté et qu’aucune mutation n’a été identifiée sur MLH1 et MSH2. Malgré des caractéristiques phénotypiques un peu différentes des formes « classiques » liées aux gènes MLH1 et MSH2 (moindre proportion de CCR, âge de survenue plus tardif.) les recommandations de dépistage doivent rester tout aussi « stringentes » car le risque de cancer reste élevé et l’âge de survenue peut malgré tout être précoce. Il est probable que ces formes d’HNPCC soient sous-diagnostiquées du fait de leurs caractéristiques phénotypiques moins marquées ; en pratique nos critères de suspicion de syndrome HNPCC doivent certainement s’élargir.
Lower Incidence of Colorectal Cancer and Later Age of Disease Onset in 27 Families With Pathogenic MSH6 Germline Mutations Compared With Families With MLH1 or MSH2 Mutations : Jens Plaschke, Christoph Engel, Stefan Krüger, et al. J Clin Oncol 2004 ;22 :4486-94.