L’essai suédois publié en 1997 dans le N Engl J Med a définitivement assis en Europe la place de la radiothérapie préopératoire dans le cancer du rectum avec un gain de survie à 5 ans par rapport au groupe traité par chirurgie seule. Depuis les travaux de Heald cependant, la nécessité d’une chirurgie rigoureuse du mésorectum s’est imposée comme critère essentiel de prévention de la rechute locale. Les équipes entraînées à cette chirurgie rapportent des taux de récidive locale à deux ans inférieurs à 7%. L’efficacité d’une formation théorique et pratique à cette chirurgie (dite TME, total mesorectum excision) a été prouvée par plusieurs études dont une suédoise publiée dans le Lancet l’année dernière. Il était donc logique d’évaluer l’impact de la combinaison de ces deux techniques en termes de récidive locale.
De 1996 à 1999, 1805 patients ont été randomisés entre chirurgie type TME seule ou précédée d’une radiothérapie selon le protocole suédois (5X5 Gy sur 5 jours). Il s’agissait de patients d’un âge médian de 65 ans, avec deux tiers d’hommes, environ 70% de tumeurs situées à moins de 10 cm de la marge anale, et de stade TNM I dans moins de 30%, II-III dans environ 62 % des cas. La chirurgie était séparée de la randomisation par une période médiane de 21 jours dans le groupe irradié contre 14 jours dans le groupe TME seule. Les patients irradiés en pré-opératoire avaient des pertes sanguines plus importantes en per-opératoire et plus de complications périnéales en cas d’amputation abdomino-périnéale. Il n’y avait pas d’autres différences de mortalité ou de morbidité post-opératoire entre les deux groupes. Le suivi médian a été de 2 ans, aucune différence de survie globale n’étant observée (82% à 2 ans). Par contre il existait un taux de récidive locale à 2 ans de 2.4% dans le groupe irradié en pré-opératoire contre 8.2 % dans le groupe chirurgie seule (p<0,001), soit un risque relatif de rechute locale en l’absence de traitement pré-opératoire de 3,42 (IC95, 2,05-5,71).
En analyse multivariée, l’absence de traitement néo-adjuvant, la localisation basse (<10 cm de la marge) et le stade T>II étaient associés à un sur-risque. Enfin il n’existait aucune différence quant aux taux de rechutes à distance à 2 ans (14.8 % et 16.8 % respectivement dans les 2 groupes) et de rechute global à 2 ans (16.1% et 20.9%, P=0,09).
Au total , cet essai ne satisfera qu’à moitié partisans et détracteurs de la RT préopératoire. Ces derniers ne manqueront pas de relever l’absence de bénéfice en survie globale (potentiellement lié au suivi court), et les complications liées à ce type d’irradiation dont on sait par ailleurs qu’elle altère les résultats fonctionnels post-opératoires. Les partisans du traitement néo-adjuvant ne retiendront qu’un résultat très positif en termes de rechute locale avec un protocole suédois peu utilisé en France où les associations radiochimiothérapie concomitantes étalées sur 5 semaines sont plus couramment utilisées. En synthèse on pourra adopter la proposition de Heidi Nelson de la Mayo Clinic livrée dans son éditorial du même numéro : traitement pré-opératoire pour toutes les tumeurs localement avancées ou avec signe d’envahissement ganglionnaire, chirurgie d’emblée type TME pour les petites tumeurs avec traitement adjuvant en cas de stade T3 ou N+.
Tiré à part :
Preoperative radiotherapy combined with total mesorectal excision for resectable rectal cancer. Kapiteijn E, Marijnen CAM, Nagtegaal ID, et al. N Engl J Med 2001 ; 345 : 638-46.