Les anti-angiogéniques dans le cancer colorectal métastatique : Une révolution en marche !

ext_page-509

L’angiogénèse est, avec la prolifération cellulaire, intimement liée à elle, l’une des clés de la croissance tumorale, des phénomènes d’invasion et de dissémination métastatique représentant ainsi un axe majeur de développement des thérapeutiques ciblées. Le bevacizumab (BEV) est un anticorps monoclonal chimérique dirigé spécifiquement contre le VEGF (vascular endothelial growth factor), médiateur pivotal de l’angiogénèse. Dans une étude de phase II récemment publiée (1), il avait été montré que l’adjonction de BEV à une chimiothérapie à base de 5FU et d’acide folinique (AF) augmentait le taux de réponse mais également les médianes de survies sans progression et globale chez des patients traités en première ligne pour un cancer colorectal métastatique (CCRM. Les résultats d’une vaste étude comparant dans cette même indication une combinaison 5FU/AF – irinotécan +/- BEV, très attendus, viennent de nous être livrés dans le New England Journal of Medicine(2).

Patients et méthodes

Dans cette étude internationale de phase III multicentrique, les patients, tous porteurs d’un CCRM avec maladie mesurable, étaient en indice de performance OMS 0 ou 1 et tous en première ligne thérapeutique. Initialement, la randomisation s’effectuait selon trois bras : IFL (irinotécan 125mg/m², 5FU bolus 500 mg/m², AF 20 mg/m² IV hebdomadaire 4 semaines/6) + placebo, IFL + BEV (5 mg/kg IV toutes les 2 semaines) et un bras 5FU/AF + BEV. Une analyse intermédiaire ayant démontré après 300 patients la médiocrité des résultats de ce dernier bras, a entraîné son interruption et la randomisation s’est alors seulement effectuée entre les 2 bras avec IFL dont seuls les résultats sont rapportés. En deuxième ligne, seuls les patients du bras IFL + BEV pouvaient continuer à recevoir du BEV, le cross over n’étant pas autorisé pour les patients du bras placebo.

Résultats

De septembre 2000 à mai 2002, 923 patients ont été inclus. Après exclusion des 110 patients du bras 5FU/AF/BEV, les résultats de 813 patients étaient disponibles : 402 dans le bras IFL + BEV et 411 dans le bras IFL + placebo. Les caractéristiques des deux bras étaient équivalentes en ce qui concernent les patients (sexe ratio H/F 60/40, âge médian 59 ans) et les tumeurs (cancer colon : 80%, plus d’un site métastatique : 62%, traitements adjuvants et néoadjuvants semblables.).

Si la durée médiane de traitement a été de 27.6 semaines dans le groupe placebo contre 40.4 dans le groupe BEV, la dose-intensité d’irinotécan reçue a été la même dans les deux bras. Environ 50% des patients ont bénéficié d’une deuxième ligne thérapeutique (dont la moitié avec oxaliplatine) et moins de 2% ont pu être opérés de leurs métastases.

La médiane de survie globale a été très significativement allongée dans le groupe IFL + BEV par rapport au groupe IFL + placebo : respectivement 20.3 mois versus 15.6 mois (p<0.001), soit une réduction du risque de décès de 34% (figure 1).

Dans le groupe de patients ayant reçu de l’oxaliplatine en 2 ème ligne, la médiane de survie globale était de 25.1 mois pour les patients initialement dans le bras BEV contre 22.2 mois pour ceux du bras placebo.

Il existait également grâce au BEV de nettes améliorations de la médiane de survie sans progression (10.6 mois versus 6.2, p<0.001), du taux de réponse (44.8 % versus 34.8%, p=0.004) et de la durée moyenne de réponse (10.4 versus 7.1 mois, p=0.001).

Le taux de toxicités grade 3-4 était significativement majoré par l’adjonction de BEV : 84.9% versus 74% (p<0.01), essentiellement en raison de la survenue d’une hypertension artérielle de grade 3 chez 11% des patients du bras BEV. Cependant il n’a pas été enregistré plus d’hospitalisations pour toxicité dans le groupe BEV et la mortalité à 60 jours était équivalente. Il n’y a pas eu plus de toxicités hémorragiques ou thromboemboliques dans le groupe BEV, ni de protéinurie, contrairement aux résultats de la phase II. Enfin 6 patients (1.5%) ont souffert d’une perforation digestive dans le bras BEV contre 0 dans le bras placebo (ns). Une des perforations a été fatale. Trois des 6 patients étaient en réponse complète ou partielle.

Ces résultats spectaculaires démontrent sans équivoque l’efficacité du BEV dans le traitement du CCRM. Ils ont d’ailleurs permis à cette drogue d’obtenir dès 2004 une AMM aux USA en combinaison avec du 5FU/AF/irinotécan ou oxaliplatine. On peut regretter la bithérapie choisie mais l’IFL était à l’époque le standard aux USA même si sa très forte toxicité et surtout ses résultats inférieurs au FOLFOX 4 l’ont depuis fait abandonner.Les études d’association 5FU- oxaliplatine- BEV sont déjà bien avancées et devraient logiquement offrir un meilleur profil de toxicité, en maintenant le même gain thérapeutique grâce au BEV.

Quoiqu’il en soit l’émergence des anti-angiogéniques dans le traitement du CCRM, et plus généralement en cancérologie, ressemble de plus en plus à une révolution en marche !

Références

  1. Kabbinavar F, Hurwitz HI, Fehrenbacher L et al. J Clin Oncol 2003. 21:60-5.
  2. Hur witz H, Fehrenbacher L, Novotny W et al. N Engl J Med 2004;350:2335-42.