Fibres alimentaires et prévention de cancer colorectal : une question de quantité et de qualité !!

En 1999, les données de l’étude de cohorte US Nurses Health Study réalisée chez près de 120000 infirmières suivies depuis 1976 avaient fortement tempéré l’enthousiasme affiché en faveur des fibres alimentaires dans le cadre de la prévention primaire du cancer colo-rectal (CCR) :En effet, un suivi de 16 ans chez près de 90000 d’entre elles, n’avait pas montré de réduction de risque de CCR (ou d’adénome) chez les femmes consommant le plus de fibres, avec même un sur-risque chez les femmes consommant plus de fibres liées aux légumes (1). Deux études publiées très récemment dans le même numéro du Lancet relance ce débat (2,3).

Première étude de l’EPIC

Dans la première étude de l’EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and nutrition), 519 978 personnes âgées de 25 à 70 ans et issues de 10 pays européens ont été suivies prospectivement par le biais de questionnaires diététiques. Sur un total de 1 939 011 personnes-années, 1065 cas de CCR ont été détectés .La quantité de fibres consommées était inversement corrélée au risque de CCR avec un Risque Relatif (RR) de 0·75 (IC 95% : 0·59-0·95), l’effet étant surtout marqué pour le colon gauche. Pour la tranche de population consommant le plus de fibres (le double de l’apport moyen), l’effet était maximal avec un RR de CCR de 0·58 (0·41-0·85). Aucun type de fibres ne semblait avoir d’effet protecteur supérieur par rapport à un autre.

Etude américaine du PLCO

Dans l’étude américaine du PLCO (Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian) Cancer Screening Trial, un questionnaire diététique fut rempli par 33971 sujets indemnes de polype colo-rectal lors d’une coloscopie gauche de dépistage et par 3591 patients présentant au moins un polype adénomateux rectal ou colique gauche. Au total, le risque d’adénomes était globalement diminué de 27% chez les plus gros consommateurs de fibres par rapport aux plus faibles consommateurs de fibres (p=0.002). Cependant l’ effet préventif n’était pas noté pour la survenue des adénomes rectaux pris isolément. A noter que l’effet préventif était surtout marqué pour les fibres issues de céréales et de fruits.

Commentaires

Comment expliquer de tels résultats discordants ? En fait, l’analyse diététique des comportements demeure très difficile et la quantité et le type de fibres consommés peuvent varier d’un groupe à un autre, y compris dans un même pays. Ainsi dans l’étude américaine des infirmières la ration de fibres ingérées était très faible, même dans le plus haut quintile (4.8 g/j). Dans l’étude EPIC, près de 30% de la population totale avait une consommation supérieure à celle de ce sous-groupe ! Une des hypothèses serait donc que les études négatives enregistrées jusqu’à présent auraient souffert de consommations trop faibles de fibres : la recommandation de l’AGA reste une supplémentation de 30 g de fibres par jour pour diminuer le risque de CCR ! Au total, pour les patients désireux de conseils diététiques, une alimentation enrichie en fibres d’origine céréalière ou liée aux fruits semble plus que jamais d’actualité !

Pascal Artru, Gérard Lledo.

Références

  1. Fuchs CS, Giovannucci EL, Colditz GA et al. Dietary fiber and the risk of colorectal cancer and adenoma in woman. N Engl J Med 1999 ; 340 :169-76.
  2. Bingham SA, Day NE, Luben R et al. Dietary fibre in food and protection against colorectal cancer in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC): an observational study. Lancet 2003; 361: 1496-501.
  3. Peters U, Sinha R, Chatterjee N et al. Dietary fibre and colorectal adenoma in a colorectal cancer early detection programme. Lancet 2003; 361: 1491-95.