Etude de phase III comparant l’UFT et l’acide folinique orale au 5FU et l’acide folinique par voie veineuse en cas de cancer colo-rectal métastatique non pré-traité.

DOUILLARD JY, HOFF PauloM, SKILLINGS Janeyr. Journal of clinical oncology, 2002, 20, 3605-16

Justificatifs et objectifs

Jusqu’en Mars 2002, le FUFOL Mayo-clinique était considéré comme le traitement standard de première ligne du cancer colo-rectal métastatique notamment aux USA.

L’UFT est composé du TEGAFUR, pro-drogue orale du 5FU et de l’URACILE, inhibiteur de DPD, enzyme du catabolisme et du 5FU pour un ratio molaire de ¼. L’UFT avait déjà été testé dans plusieurs études de phase II dans le cancer colo-rectal métastatique seul ou en association à l’acide folinique oral avec des taux de réponses de 16.6 à 44% et un profil de toxicité favorable.

Sur ces données de phase II, l’étude de phase III ici présentée a randomisé les patients porteurs d’un CCR Métastatique non pré-traité en deux bras, FUFOL Mayo-clinique versus UFT avec acide folinique oral.

L’objectif principal de l’étude était de démontrer une équivalence en survie globale entre les deux bras avec pour objectif secondaire l’analyse de toxicité.

Patients et méthodes

Les critères d’inclusion exigeaient une maladie mesurable ou évaluable et l’absence de chimiothérapie antérieure en dehors d’une chimiothérapie adjuvante terminée depuis au moins six mois. Le performant status devait être égal ou inférieur à 2. Une stratification était prévue en fonction du PS, de la présence ou de l’absence d’une chimiothérapie antérieure, du caractère mesurable ou évaluable des lésions, et du centre de traitement. Dans le bras UFT/acide folinique, les patients recevaient 300mg/m2 et par jour d’UFT avec 75 ou 90mg d’acide folinique oral, en trois prises quotidiennes pendant 28 jours consécutifs tous les 35 jours. Dans le bras 5FU acide folinique IV, ils recevaient 425mg/m2 et par jour de 5FU en bolus, avec 20 mg/m2 et par jour d’acide folinique IV, 5 jours consécutifs tous les 28 jours.

Résultats

816 patients furent randomisés entre juin 95 et août 1997, dans 85 centres, en deux groupes bien équilibrés. 801 patient reçurent effectivement le traitement prévu. Une moyenne de 3.5 cycles fut administrée dans le bras UFT /acide folinique et de quatre cycles dans le bras 5FU/acide folinique. Une compliance adéquate à la prise d’UFT fut estimée (restitution des boîtes d’UFT) à au moins 90%. Une réduction de doses se révéla nécessaire en raison d’une toxicité pour 20 % des patients du bras UFT/acide folinique et 66% du bras 5FU/acide folinique.

Efficacité

Elle fut calculée en « intention de traiter ». La survie médiane, objectif principal de l’étude, fut notée à 12.4 mois dans le bras UFT/acide folinique versus 13.4 mois dans le bras 5FU/acide folinique sans différence significative (p0.63). Le taux de réponse était de 11.7% dans le bras UFT/acide folinique versus 14.5% dans le bras 5FU/acide folinique avec un taux de réponse complète de 2% dans chaque bras. Le temps à progression était de 3.5mois dans le bras UFT/acide folinique versus 3.8 mois dans le bras 5FU /acide folinique. Une deuxième ligne de chimiothérapie a été administrée à 50 % des patients dans chaque bras.

Toxicité

L’hémato-toxicité de grade III ou IV fut très significativement inférieure dans le bras 5FU/acide folinique versus 5FU/acide folinique avec respectivement :

  • une neutropénie grade III-IV : 1% versus 56% (p>0.001)
  • une neutropénie fébrile : 0% versus 13 % (p>0.001)
  • une thrombopénie de grade III-IV : 0% versus 2 % (p>0.005)
  • une anémie grade III-IV : 3% versus 7 % (p>0.005)

Une moindre toxicité était également notée en faveur du bras UFT/acide folinique en ce qui concerne les mucites de tout grade (24 % versus 75 %), les mucites sévères (1% versus 19 %) et le syndrome mains-pieds (2 % versus 5 %). Les taux de nausées, vomissements sévères et de diarrhées sévères étaient comparables. La qualité de vie évaluée par le questionnaire FLIC était comparable dans les deux bras.

Analyse 

Dans cette étude de phase III intéressant les patients porteurs d’un cancer colo-rectal métastatique non pré-traités, le traitement par UFT/acide folinique a permis par rapport au traitement de référence par 5FU/acide folinique, encore considéré comme le traitement standard aux USA, il y a peu, d’obtenir une survie globale équivalente au prix d’une bien moindre toxicité. La survie médiane a en effet été identique dans les deux bras, de même que les taux de réponse alors que les toxicités hématologiques graves de même que les mucites et les syndromes pieds mains étaient beaucoup plus fréquents dans le bras 5FU/acide folinique.

Le traitement oral permet en effet un arrêt rapide des prises médicamenteuses, évitant l’émergence d’une toxicité avant son point de non retour, contrairement aux traitements IV.

Sur le plan pharmacologique, les prises quotidiennes d’UFT/acide folinique induisent des pics plasmatiques répétés de 5FU et non une concentration en plateau comme lors de la perfusion au long cours de 5FU à faible dose. Il s’agit donc d’un profil pharmacocinétique de micro-bolus répétés de 5FU expliquant sans doute la faible incidence du syndrome mains pieds.

Avec 66 % des patients ayant nécessité une réduction de doses, le schéma FUFOL Mayo clinique, démontre une fois encore, dans cette étude, son inacceptable profil de tolérance.

Les faibles taux de réponse et la durée de survie médiane très médiocres, sont cependant décevants pour le bras UFT/acide folinique, correspondant bientôt aux résultats attendus avec une monothérapie à base de 5FU.

A l’heure où les combinaisons du 5FU IV avec l’IRINOTECAN ou l’OXALIPLATINE sont devenus les standards de première ligne dans le cancer colo-rectal métastatique depuis plusieurs années en Europe et plus récemment aux USA, il est clair que les pro-drogues orales du 5FU trouveront elles aussi leur place en première ligne thérapeutique, seulement en association avec l’IRINOTECAN et l’OXALIPLATINE.

Les études de phase I et II disponibles dans ce domaine semblent prometteuses, ouvront la route à des études de phase III comparant IRINOTECAN ou OXALIPLATINE associés soit à du 5FU IV soit à une de ses pro-drogues orales.

Dans ce cas de figure, celles-ci, avec une efficacité sans doute comparable, devraient permettre d’aboutir à des traitements beaucoup moins astreignant et bien plus conviviaux.