La découverte d’une carcinose péritonéale (CP) est habituellement synonyme de traitement palliatif et de pronostic sombre chez les patients atteints de cancer colorectal (CCR). Si la CP est présente lors du diagnostic dans seulement 5 à 10% des cas, elle complique secondairement près de la moitié des cas de CCR. La médiane de survie , alors, n’excède pas 5 à 7 mois. La chimiothérapie intrapéritonéale (CIP) et la chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP) combinées à une cytoréduction péritonéale extensive représentent une possibilité thérapeutique originale mais agressive en cas de CP sur CCR. Une étude multicentrique récente présente les résultats de ces techniques (1) .
Patients et méthodes
De mai 1987 à décembre 2002, 506 patients tous porteurs de CCR avec CP ont bénéficié d’une CIP ou d’une CHIP dans 28 centres européens, japonais et américains. Leur âge médian était de 51 ans avec 53% de femmes. Préalablement 54% des patients avaient été traités par chimiothérapie systémique. Aucun n’était porteur de métastase extra-abdominale mais 61 ont été opérés dans le même temps de métastases hépatiques. La cytoréduction péritonéale a été considérée comme complète(R0) chez 271 patients. Les drogues utilisées étaient essentiellement de la mitomycine (seule pour 71% des patients ou avec cisplatine dans 12% des cas), plus rarement de l’oxaliplatine (8%). Une chimiohyperthermie fut pratiquée chez plus de 2/3 des patients.
Résultats
Les morbidité et mortalité de la technique ont été respectivement de 22.9% et 4%. La principale complication était la survenue d’une fistule digestive (8%), 10% des patients au total devant être réopérés pour complication. Avec un suivi médian de 53 mois, la survie médiane a été de 19.2 mois. Les taux de survie globale à 1, 3 et 5 ans étaient de 72, 39 et 19% .Aux mêmes dates, les taux de survie sans maladie n’étaient que de 40, 16 et 10%. Le site de rechute était péritonéal chez 40% des malades. Le caractère complet de la cytoréduction péritonéale était associé avec une médiane de survie de 32.4 mois contre 8.4 mois en cas de résection incomplète (p<0.001).
Survie actuarielle des 506 patients en fonction du caractère plus ou moins complet de la résection :
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CCR-0 : Macro et microscopi-quement complète
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CCR-1 : Résidus microscopiques
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CCR-2 : Résidus macroscopiques
En analyse multivariée, outre le caractère complet de la cytoréduction, les facteurs de bon pronostic étaient un âge inférieur à 65 ans, une CP limitée, une deuxième intervention et l’emploi d’une chimiothérapie adjuvante. La présence de ganglions envahis, une tumeur primitive peu différenciée, et l’existence de métastases hépatiques étaient des facteurs de mauvais pronostic, de même qu’une chimiothérapie néoadjuvante. L’utilisation d’une hyperthermie n’était pas associée à un gain de survie.
Au total , la réalisation d’une CIP semble donc apporter un gain de survie très significatif mais seulement au prix d’une sélection rigoureuse des patients. Il paraît indispensable de réaliser un bilan d’extension exhaustif avant de proposer ce traitement, le PET-scan semblant notamment indispensable. Chez les patients avec résection R0, la poursuite d’une stratégie agressive semble nécessaire avec chimiothérapie adjuvante performante, et éventuelle réintervention en cas de rechute opérable. Les protocoles semblent enfin souffrir d’un manque d’homogénéité : la nature des drogues utilisées, l’usage de l’hyperthermie et les protocoles opératoires doivent continuer à être évalués pour un bénéfice optimal de cette réelle avancée thérapeutique.
- Glehen O, Kwiatkowski F, Sugarnaker PH et al. Cytoreductive surgerycombined with perioperative intraperitoneal chemotherapy for the management of peritoneal carcinomatosis from colorectal cancer: a multi-institutional study. J Clin Oncol 2004; 22:3284-92.