Date : 15/06/2002
Les indications de la coelioscopie en chirurgie digestive se sont beaucoup étendues ces dernières années mais l’intérêt de cette technique en matière de chirurgie carcinologique colique reste controversé. La crainte de greffe néoplasique pariétale ou de dissémination péritonéale par l’insufflation a freiné tout consensus dans ce domaine. Une équipe espagnole livre dans le Lancet les résultats d’une étude prospective randomisée comparant la coelioscopie (C) et la laparotomie (L) dans la chirurgie du cancer colique.
Méthodes
De 11/93 à 07/98, tous les cancers coliques vus dans un hôpital de Barcelone ont été inclus à l’exclusion des tumeurs métastatiques, de celles classés T4 ou occlusives ,des cancers du transverse, des cancers rectaux et des patients aux antécédents de chirurgie colique.
Résultats
219 patients étaient randomisés entre L ( n=108) et C (n=111). Les deux groupes étaient comparables avec cependant plus de stade I dans le groupe C (27 contre 18). Enfin 11% des patients du groupe C ont été convertis à tort en laparotomie à cause d’une possible invasion des organes adjacents. Après chirurgie 61% des malades du groupe C contre 55% de ceux du groupe L ont reçu une CT adjuvante en cas de stade II ou III. Le temps opératoire était supérieur dans le groupe C, mais les patients de ce groupe ont eu moins de pertes sanguines et moins de complications post-opératoires que ceux du groupe L. Il n’y a pas eu de différences de mortalité périopératoire entre les 2 groupes ni de différence de taux de rechutes entre les 2 groupes après un suivi médian de 43 mois (C = 17 % vs L = 27%, p =0.07). La survie globale était semblable dans les deux groupes, contrairement à la survie liée au cancer qui était meilleure dans le groupe C ( 9% de mortalité liée au cancer durant dans le groupe C versus 21% dans le groupe L).
Dans un modèle de Cox comme en analyse multivariée, la technique opératoire apparaissait comme facteur indépendant de survie liée au cancer mais non de survie globale. Enfin en analyse de sous-groupe, ces mêmes différences n’étaient retrouvées que pour les tumeurs de stade III et non celles de stades les plus précoces.
Commentaires
La supériorité de la coelioscopie sur la laparotomie en termes de complications post-opératoires n’est pas faite pour étonner et conforte les résultats de cette technique dans d’autres indications. En revanche la grosse surprise de cette série réside dans la différence de survie liée au cancer en faveur de la coelioscopie. Certes les auteurs avancent comme explication le moindre stress opératoire lié à la coeloscopie et par là la moindre immunodépression pouvant favoriser la dissémination tumorale per-opératoire. Cependant ces arguments peuvent laisser septique, et on peut s’interroger sur une possible sélection des malades (groupes déséquilibrés, pourquoi exclure les colons transverses ?). Quoi qu’il en soit, ces résultats demandent à être confirmés par des études multicentriques avant de les considérer comme acquis.
Lacy AM, Garcia-Valdecasas JC, Delgado S et al. Laparoscopy-assisted colectomy versus open colectomy for treatment of non-metastatic colon cancer: a randomised trial. Lancet 2002; 359:2224-9.