Exercice libéral

La pratique de la cancérologie digestive par l’HGE libéral exige sur le plan légal, outre le diplôme de gastro-entérologue, une compétence ordinale en oncologie ou l’obtention d’un DESC (diplôme d’études spéciales en cancérologie). En janvier 2001, sur les 2953 HGE exerçant en secteur public ou privé, inscrits au conseil de l’ordre, seulement 135, soit 4,6 % remplissaient ces obligations légales.

Sur le plan pratique, l’HGE libéral exerçant l’oncologie devra cependant bénéficier d’une crédibilité vis-à-vis des autres praticiens, des patients et de l’administration. Cette notion majeure rend indispensable une formation initiale de qualité (diplôme spécifique en cancérologie digestive, formation au moins minimale en cancérologie générale, stages pratiques en service de cancérologie) suivie d’une formation continue régulière . L’observance constante des bonnes pratiques (consultation pré-chimiothérapique systématique avec gestion des effets toxiques, prise en charge symptomatique, décision stratégique prise en unité de concertation pluri-disciplinaire.) est garante d’une qualité des soins dont l’insuffisance ne manquerait pas d’être soulignée par les confrères notamment oncologues médicaux et reprochée par les patients. Cette crédibilité permettra un recrutement suffisant, lui même à l’origine d’une pratique régulière et d’une expérience finalement indispensable.

En outre, sur le plan pratique, l’HGE libéral, tout comme son confrère hospitalier, devra exercer au sein d’un établissement disposant d’une structure de chimiothérapie ambulatoire (autorisations, équipements obligatoires), de possibilités d’hospitalisations médicales ( effets toxiques des drogues, complications fréquentes ,soins palliatifs). L’obligation légale de la présence du praticien tout au long de la chimiothérapie, rend indispensable l’existence d’un cabinet médical au sein de l’établissement. En outre, celui-ci devra disposer d’un plateau technique minimum (chirurgie, endoscopie, échoendoscopie si possible, et surtout imagerie). Enfin, une collaboration efficace entre le praticien et une structure de soins à domicile (débranchement des infuseurs, compléments d’alimentation parentérale, soins palliatifs) est nécessaire.

Sur le plan administratif enfin, depuis la circulaire de la direction générale de la Santé du 24 mars 1998, l’établissement prenant en charge des patients cancéreux devra être adhérent à un réseau de soins en cancérologie. Pour le praticien, ceci implique la présentation des dossiers à l’unité de concertation pluri-disciplinaire du réseau avec rédaction d’un compte-rendu des décisions prises.

Pour l’HGE libéral, l’exercice de l’oncologie digestive revêt différents intérêts :

  • Celui de la prise en charge globale du patient, le praticien étant le référent unique permanent du patient. Ceci constitue un avantage par rapport au système hospitalier où le référent est parfois flou dans l’esprit du patient (interne en oncologie ? chef de clinique ? praticien hospitalier ?).
  • Celui aussi de la pratique d’une cancérologie de haut niveau constituant une « super spécialité » au sein de l’hépato-gastro-entérologie au même titre que le cathétérisme ou l’échoendoscopie. Ceci constitue un avantage par rapport à l’oncologue médical qui ne peut maintenir un niveau égal de compétence pour l’ensemble de la pathologie néoplasique.
  • Celui enfin d’un intérêt scientifique, la pratique de l’oncologie digestive permettant facilement la participation à une recherche clinique dynamique, ayant conduit à des progrès majeurs dans cette discipline depuis 10 ans.
  • En revanche, il n’existe pas d’intérêt financier particulier .

Pour l’établissement privé, l’oncologie digestive apparaît comme une discipline déficitaire. En ce qui concerne les séances de chimiothérapie ambulatoire, les drogues sont remboursées au prix d’achat, la marge bénéficiaire ayant été supprimée en mai 2001. La rémunération de l’établissement comprend un forfait de séances de soins fixé à 88.44 euros*, un supplément forfait chimiothérapie de 44.88 euros* et un forfait PMS I de 1.08 euros*. Ceci représente au total 134.34 euros* par séance de chimiothérapie pour faire face aux dépenses inhérentes au personnel soignant, pharmacien, préparateur en pharmacie, personnel d’accueil, de secrétariat, de facturation, location des locaux et frais afférents, entretien des locaux, équipements spécifiques à l’oncologie, contrôle qualité et petit matériel. A titre d’exemple, une heure d’infirmière diplômée d’état ayant 4 ans d’ancienneté avec charges sociales, revient à 20 euros* à l’établissement.  Un set de piquage avec aiguille de Huber est facturé 6.10 euros*.

En ce qui concerne l’hospitalisation classique, le prix de journée est rémunéré 109.34 euros* auquel il faut ajouter 4.35 euros * de forfait PMSI, soit 113.69 euros* pour faire face à l’ensemble des dépenses de soins et de locaux.

Il apparaît donc qu’en secteur libéral, l’oncologie est une activité largement déficitaire en tant que telle, qui ne peut être pratiquée qu’en cas d’orientation privilégiée de l’établissement. Ceci permet en effet le recrutement d’un gros volume de patients autorisant une rationalisation des coûts et des équipements. De plus, dans ces conditions, il est parfois possible d’obtenir par une négociation tarifaire auprès de l’ARH, une majoration de la rémunération de l’établissement . En outre, cette orientation privilégiée permettra le développement d’activités à meilleure rentabilité telle que la radiothérapie, l’imagerie médicale, l’oncologie chirurgicale.

Pour finir, abordons le problème de la disponibilité des drogues en secteur libéral :

  • en ce qui concerne l’hospitalisation traditionnelle, l’obtention des drogues se heurte au problème des forfaits à ne pas trop dépasser avec un forfait de pharmacie traditionnelle de 13.92 euros par jour et par patient et un forfait de chimiothérapie en hospitalisation de 140 euros par jour réservé aux patients recevant une chimiothérapie cytotoxique. Ainsi, les produits onéreux faisant immédiatement exploser le montant des forfaits alloués sont-ils de prescription très difficile, voire impossible en hospitalisation traditionnelle privée.
  • le problème est différent pour la chimiothérapie ambulatoire où l’ensemble des cytotoxiques et des médicaments annexes (Anti-5HT3.) sont remboursés au prix coûtant. Toute chimiothérapie est donc possible sans préjudice sur le plan financier. Ceci peut représenter un avantage par rapport aux structures publiques soumises à un budget global. Les drogues à délivrance hospitalière (facteurs de croissance, EPO.) peuvent être acquises par l’établissement et rétrocédées aux malades à prix coûtant, sous réserve que celui – ci bénéficie d’une chimiothérapie donnant lieu à l’établissement d’une facture.
  • enfin, en consultation externe, les drogues à délivrance hospitalière (UFT, CAPECITABINE, INTERFERON) prescrites sur une ordonnance à l’en-tête de la clinique (et non du praticien) doivent être théoriquement rétrocédées par la pharmacie des hôpitaux. Dans certaines régions cependant, cette délivrance est refusée aux patients et une ordonnance émanant d’un service hospitalier public est exigée.

En conclusion, il est possible de stigmatiser l’exercice de l’oncologie digestive par l’HGE libéral en quelques points clés : reconnaissance ordinale indispensable, formation initiale et continue de qualité, expérience régulière exigeant un recrutement significatif, respect des règles de bonnes pratiques cliniques et nécessité de disposer d’une structure adaptée nécessairement lourde.

Dans ces conditions, il est possible à l’hépato-gastro-entérologue libéral d’exercer une cancérologie digestive d’excellente qualité et de niveau au moins égal à celui des oncologues médicaux.

* les montants tarifaires communiqués le sont à titre indicatif, correspondant à ceux de la Clinique Saint Jean, 30 rue Bataille, 69008 LYON, en novembre 2002 .