Auteurs : C. Bergoin*, C. Chambrier*, G. Boschetti**, X. Roblin***, B. Flourié**, S. Nancey**, P. Faure****
* Service de Nutrition Clinique Intensive – CHU de Lyon – Services d’Hépato-Gastroentérologie
** CHU de Lyon
*** CHU de St Etienne
**** Clinique Saint Jean Languedoc de Toulouse
Conseils diététiques
- Conseils diététiques en cas d’atteinte du grêle adaptés à la localisation de la maladie et limités à la durée de la poussée
- En cas de diarrhée abondante :
– Hydratation en privilégiant la voie per os
– Limiter les résidus jusqu’à amélioration - Si forme très étendue ou fistule entéro-cutanée ou interne de faible débit :
– Support nutritionnel parentéral à discuter (moins puissant que la thérapeutique médicamenteuse sur les formes très étendues) avec mise au repos du tube digestif (effet suspensif sur les fistules) - En cas de sténose non occlusive
– Eviter les fibres (fruits, légumes, céréales), peaux, noix, graines
– Adapter selon la sévérité de la sténose et son retentissement
- En cas de diarrhée abondante :
- Conseils diététiques à distance d’une poussée
- Elargir le régime dès que la poussée régresse
- Noter les aliments qui sont mal tolérés et essayer de les réintroduire dans de plus petites quantités
- Trouver des équivalents dans les mêmes groupes d’aliments
- Conseils diététiques sous corticothérapie = Pas de régime strict !
- Limiter l’hyperphagie
- Eviter les sucreries et limiter les graisses
- Ne pas ajouter de sel à table
- Augmenter les apports en protéines
- Supplémenter en calcium (1 g/j) et en vitamine D (800 UI/j)
- Conseils diététiques sous biothérapies anti-TNF alpha
- Risque accru listériose et salmonellose
Intérêt des régimes alimentaires sur les MICI = 0
- Constat
- Peu de données fiables (études peu nombreuses, ouvertes, méthodologie discutable)
- Aucun impact démontré des régimes d’exclusion sur l’évolution de la MICI
- Régime sans gluten et régimes pauvres en FODMAPS : pas d’intérêt démontré
- Quelques chiffres… idées reçues
- 15 % des patients considèrent que l’alimentation déclenche la maladie ou une poussée
- 58 % considèrent que certains aliments favorisent les rechutes (40 % identifient un aliment responsable)
- Seuls 1/4 gardent un régime alimentaire normal en cas de poussée
- 2/3 avouent éviter certains aliments pour prévenir une rechute
Carences : dépistage et prise en charge
Enquête alimentaire : régime inadapté et prolongé d’exclusion alimentaire entraînent des carences : fer, folates, vitamine B12, calcium, zinc, sélénium et vitamine D
Carence martiale
- Dépistage : ferritine, coefficient de saturation de la transferrine (CST)
- En rémission : tous les 6-12 mois; ferritine < 30 mg/l
- En poussée : tous les 3 mois ferritine <100 mg/l et CST < 20%
- Prise en charge : supplémentation par voie intraveineuse dans la maladie active si :
- Anémie < 10 g/dL
- Si intolérance de la voie per os
Vitamines B9 et B12
- Dépistage systématique sous traitement au long cours par salazopyrine et/ou méthotrexate et/ou en cas d’atteinte iléale et/ou de résection iléale étendue
Des carences augmentent le risque d’hyperhomocysteinémie qui est un facteur de risque de cancer colorectal et de thrombose veineuse profonde - Supplémentation systématique en vitamine B9 si traitement par méthotrexate et en vitamine B12 si résection iléale > 60 cm)
Vitamines D : Fréquente, associée à un risque accru d’ostéopénie/ostéoporose (surajouté au risque induit par MICI, corticothérapie prolongée, tabac) et peut être associée à une activité accrue de la MICI (discuté).
Supplémentation systématique en vitamine D : 100 000 UI en 1 fois par trimestre Ostéodensitométrie osseuse selon les facteurs de risques
Indications de la nutrition artificielle (NA) :
- Dans le traitement des poussées de MICI
MC chez l’enfant : en 1ère intention en privilégiant la nutrition entérale exclusive (NEE) à visée d’épargne des corticoïdes et pour promouvoir la croissance staturo-pondérale.
MC chez l’adulte : limitée aux situations de contre-indications aux corticoïdes. La NEE, moins efficace comparée aux corticoïdes (problème de compliance), délai d’action lent, peu efficace dans les formes coliques pures, effet suspensif. RCH ou colite aiguë grave : pas d’efficacité démontrée de la NA sur le traitement de la poussée. - Dans la prise en charge de la dénutrition +++
Prévention et dépistage :
- Evaluer les ingestas et éduquer pour éviter les erreurs de régime ++ (régime d’exclusion)
- Peser le malade à chaque consultation (courbe de poids, perte de poids ?) et calculer l’indice de masse corporel (IMC en kg/m2)
- Suivre biologiquement si nécessaire (albuminémie et protéine C-réactive (CRP)
- Rechercher les sources de dénutrition (anorexie, douleurs abdominales, diarrhées…)
Définition de dénutrition :
- IMC < 18,5 (IMC < 21 chez le sujet de plus de 70 ans)
- et/ou perte de poids récente ≥ 10 %
- et/ou albuminémie < à 30 g/L (quelle que soit la concentration de la CRP)
Patients non dénutris sans risques nutritionnels = Pas d’indication à une prise en charge nutritionnelle spécifique
Patients dénutris = Conseils diététiques ± Assistance nutritionnelle
- 6 < IMC < 18,5 (IMC < 21 chez le sujet de plus de 70 ans)
- et/ou perte de poids récente entre 10 % et 20 %
- et/ou albuminémie < à 30 g/L (quelle que soit la concentration de la CRP) sans dysfonction rénale ou hépatique
Patients dénutris sévères à risque de syndrome de renutrition inapproprié (SRI) = Assistance nutritionnelle
- IMC < 16
- et/ou perte de poids > 20 % en 3 mois
- et/ou des apports oraux négligeables pendant 15 jours ou plus
- et/ou jeûne > 15 j
Modalité de la nutrition artificielle :
- Evaluation des besoins
- Besoins énergétiques quotidiens : 25 à 35 kcal/kg/j (jusqu’à 40-45 kcal/kg/j oraux + entéraux dans les pathologies chroniques avec dénutrition sévère, en suites d’agression aiguë et en cas de malabsorption)
-Sujet dénutri : utiliser le poids actuel
-Sujet obèse (IMC > 30) : idéalement calorimétrie. En pratique, 20 Kcal/kg poids actuel/j
- Besoins énergétiques quotidiens : 25 à 35 kcal/kg/j (jusqu’à 40-45 kcal/kg/j oraux + entéraux dans les pathologies chroniques avec dénutrition sévère, en suites d’agression aiguë et en cas de malabsorption)
- Besoins protéiques chez patient avec une maladie active, en ambulatoire ou en unité d’hospitalisation conventionnelle, en l’absence d’insuffisance rénale : 1,2 à 1,5 g/kg/j selon le niveau d’agression et l’hypermétabolisme
- Le plateau calorique peut être atteint dès le 2ème jour en l’absence de facteur de risques de syndrome de renutrition inapproprié
- Durée variable, en moyenne de 3-4 semaines
- A l’arrêt de la NA, reprise d’une alimentation orale fractionnée de texture normale
- Dans la prise en charge pré-opératoire
- NA indiquée en cas d’exposition prolongée aux corticoïdes et/ou dénutrition sévère. Discuter report de la chirurgie de 7 à 14 jours
- Dans la prise en charge de complications spécifiques
- Syndrome du grêle court après résections intestinales multiples, jéjunostomie, fistule du grêle supérieur à débit élevé…) : DISCUTER une NP pour pallier la malabsorption digestive (pas de mise à jeun systématique)
Nutrition entérale (NE) +++
La ou les sténoses intestinales non occlusives ne sont pas une contre-indication à la NE. En cas d’échec de la NE, envisager dans un 2nd temps une nutrition parentérale (NP)
Nutrition entérale exclusive par sonde nasogastrique, avec régulateur de débit (pompe), avec un mélange nutritif sans fibre, polymérique (Pas de supériorité démontrée pour le MODULEN® enrichie en TGFß2)
Eviter toute alimentation orale associée (incluant bonbons/chewing-gum). Boissons autorisées : une tasse de thé /café par jour
Nutrition entérale complémentaire (à une alimentation orale normale)
- Intérêt en cas de dénutrition +++
- Résultats moins bons qu’avec la NEE dans le traitement des poussées Rythme et durée de la NE : en débit continu ou en plusieurs fois par jour (2 à 3)
-Débuter avec un faible volume (≤ 500 ml) et un faible débit (≤ 50 ml/h)
-Augmentation par palier de 10 à 20 ml/h par jour
Nutrition parentérale
- Supplémentation systématique des poches d’alimentation parentérale industrielles en vitamines et en éléments traces
- Privilégier une administration cyclique (moitié du nycthémère), plus physiologique
Surveillance de la nutrition artificielle
- Clinique : tolérance, SRI (surcharge hydrosodée)
- Biologique : triglycérides pour la NP, SRI (hypokaliémie, hypophosphorémie, hypertransaminasémie)