Edito
Le numéro 2 de la revue « Plantes et Microbiote » est centré sur le Syndrome de l’Intestin Irritable (SII) comprenant :
- une revue de la littérature sur les probiotiques (ferments lactiques) qui ont un niveau de preuve les rendant utiles dans cette maladie et notamment la formule très fortement dosée récemment mise sur le marché (450 milliards par gélule) ;
- des conseils pratiques sur les plantes médicinales utilisables lors de SII .
Les plantes médicinales sont habituellement utilisées sous diverses formes : tisanes, médicaments de phytothérapie, compléments alimentaires, huiles essentielles. Et ce chapitre fait l’objet d’un regard attentif de l’état, car le marché de la santé et de la beauté naturelle représenterait en France plus de 3 milliards d’euros.
Leur commerce renvoie à des traditions fondées sur des usages ancestraux avec comme conséquence : 70% de notre pharmacopée moderne issue du monde végétal. Cependant, le dynamisme actuel de ce marché reflète le souhait d’une partie de la population pour des soins perçus comme plus doux, ou préventifs, contre les petits maux du quotidien ou en complémentarité avec la médecine conventionnelle.
Ces débouchés porteurs de nouveaux marchés émergents (recours aux plantes en alimentation animale, pour les soins vétérinaires, etc.) ouvrent à la filière des perspectives intéressantes au service du développement des territoires.
La production des plantes médicinales est intégrée dans la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM). Depuis 2010, la surface agricole utilisée par les PPAM a augmenté de 40% passant de 38 000 hectares en 2010 à plus de 53 000 en 2016.
Tout cela n’ayant pas échappé à nos tutelles, très récemment une mission d’information sénatoriale sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales a été constituée (avril 2018) et elle procède à une mise à plat de la filière plantes liée à la santé, à l’environnement, au développement des territoires https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A12976.
39 propositions sont avancées par cette mission dans son rapport rendu public le 25 septembre 2018, autour de trois axes : le développement de la filière, la réglementation, les plantes médicinales dans le système de santé.
Les rapporteurs se sont intéressés à l’ensemble de la filière : la production des plantes médicinales, leur cueillette, leur transformation, leurs réseaux de distribution, le cadre réglementaire et les contrôles encadrant ces différentes étapes.
Car depuis la suppression du métier d’herboriste en 1941, la vente des plantes médicinales dans un but thérapeutique relève des seuls pharmaciens dans le cadre du monopole.
La mission propose de :
- « Porter une démarche en vue de l’inscription des connaissances et savoir-faire liés à la culture et à l’usage traditionnels des plantes médicinales sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, soutenir les formations en ethnomédecine et ethnopharmacologie, notamment dans les facultés ultramarines compte tenu de la richesse des traditions locales, et créer des jardins botaniques dans les écoles.
- Développer des formations agricoles spécialisées, encore insuffisantes, renforcer la visibilité de la filière et la structuration de ses acteurs, en accompagnant le regroupement en interprofession, les échanges et mutualisations entre producteurs, et mieux prendre en compte ses spécificités.
- Consolider les atouts de la filière, en fixant un objectif ambitieux de 50 % des surfaces cultivées en « bio » à l’horizon 2025 avec une augmentation des aides à la conversion.
- Créer un label « plantes de France » valorisant une production française exemplaire, sous critères de qualité, tout en informant mieux le consommateur.
- Promouvoir, territoire par territoire, une stratégie de développement de la filière PPAM dans les outre-mer, axée sur des démarches innovantes d’agroécologie.
- Accompagner les initiatives des acteurs en faveur d’une cueillette durable et renforcer la recherche agronomique pour anticiper les effets du changement climatique sur la filière (sécheresse, maladies) ou, dans une démarche de diversification des cultures, participer à la réduction de la dépendance de l’agriculture à l’égard des produits phytosanitaires.
- Formuler une réglementation propre aux huiles essentielles avec des propositions facilitant l’activité de vente directe des producteurs tout en garantissant la sécurité.
- Réviser la liste des 148 plantes médicinales vendues hors pharmacie, pour y intégrer des plantes des outre-mer ou des plantes ne présentant pas de risque d’emploi.
- Lever des obstacles réglementaires pesant sur le développement des médicaments et soins vétérinaires (expérimentations sur l’émergence d’une filière française de production de chanvre à usage thérapeutique compétitive sur le marché mondial indépendamment de la réglementation actuelle ou future sur l’usage thérapeutique du cannabis en France).
- Consolider ces formations en les déclinant pour les professionnels des outre-mer sur la pharmacopée locale et de sensibiliser les médecins à l’intérêt du recours complémentaire aux plantes et aux risques liés à leur emploi.
- Soutenir la recherche pour revisiter les usages traditionnels des plantes par les avancées de la science avec la création d’un institut de recherche spécialisé en phyto-aromathérapie.
- Poursuivre la concertation avec l’ensemble des acteurs pour envisager les conditions d’une reconnaissance éventuelle de métiers d’herboristes.
- Encadrer et évaluer les allégations de santé concernant les plantes utilisées comme denrées ou compléments alimentaires, fondés sur la reconnaissance de leur usage traditionnel tout en intégrant les avancées des connaissances scientifiques ».
Il nous paraissait important de porter à votre connaissance la synthèse de ce long rapport sénatorial de Me Corinne Imbert et Mr Joel Labbé visant à réglementer et soutenir durablement le marché des PAM. Il nous paraît aussi fort important que les spécialistes du tube digestif soient impliqués dans ce type de thérapie complémentaire et en évaluent les résultats.
Nous vous souhaitons bonne lecture de cette revue qui est centrée sur le syndrome de l’intestin irritable (SII), les plantes et ferments lactiques conseillés dans cette pathologie.
Volontairement ce numéro 2 est agrémenté de cas cliniques souvent rencontrés lors de nos consultations.
Dr Jean-Christophe Létard
Président de la Commission Recherche et Développement du CREGG