Plantes et Microbiote #1

Un programme d’orientation à la phytothérapie/aromathérapie initié par le CREGG.

Edito

L’académie de médecine a rapporté en 2013 que 40 % des français et tout particulièrement ceux atteins de cancers (80 %) ont recours à des pratiques non conventionnelles dont les vertus leur ont été vantées par les multiples sources d’information non contrôlées qu’offre notre société.

La terminologie employée pour désigner l’ensemble de ces pratiques de conceptions différentes est riche et de tous les termes en usage,
« thérapie complémentaire » (TC) est celui adopté par l’académie car il évite l’appellation non justifiée de « médecine », tout du moins concernant l’acupuncture, la médecine manuelle, l’hypnose et le tai-chi, la phytothérapie n’ayant pas été développée dans ce rapport.

L’OMS a rapporté en 2012 que sur 129 pays interrogés, 39 (30 %) avaient des programmes de formation de haut niveau dans le domaine des TC ; puis recensé en 2014, 400 thérapies manuelles, biologiques ou d’approche « corps/esprit » et a lancé jusqu’en 2023 son deuxième plan de stratégie pour assurer le développement de ces TC.

6 115 médecins français ont déclaré en 2015 un titre ou une orientation TC, la grande majorité des cas (91 %) concernait l’homéopathie (56 % des français y ont eu recours), l’ostéopathie, l’acupuncture.

En mars 2015, à l’occasion des JFHOD, la commission « Thérapies Complémentaires » du CREGG jette les bases du 1 er Congrès International des Thérapies Complémentaires Personnalisées qui s’est déroulé à Nancy les 27 et 28 mai 2016. A cette occasion, le GETCOP (Groupe d’Evaluation des Thérapies Complémentaires Personnalisées) est créé.

En 2017, les TC sont abordées aux JFHOD par le Pr Kopferschmitt, chef de service de médecine interne et chargé de mission sur les thérapies complémentaires à l’Université de Strasbourg qui est intervenu sur « Mode ou nécessité ? ». Le Pr Brissot s’est exprimé sur « Les TC à l’épreuve de l’EBM avec comme exemple celui de l’acupuncture ». Le Pr Degos, Professeur émérite à Paris-Diderot, hématologue, créateur de la HAS a traité de la complémentarité entre médecine traditionnelle chinoise et médecine occidentale. Le Pr Nizard, responsable du Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur au CHU de Nantes a présenté l’état des lieux de la formation et de l’enseignement des TC en France. Enfin, le Dr Vanhaudehuyse du Département d’Algologie de Liège a terminé sur l’intérêt de l’hypnose en oncologie et dans la pratique de l’Hépato-Gastroentérologie.

Le diplôme d’herboriste a été supprimé le 11 septembre 1941 par le Gouvernement de Vichy. Il n’a pas été recréé depuis, mais les herboristes peuvent, grâce à l’ordonnance n° 45-1976 du 1 er septembre 1945, continuer à exercer leur profession jusqu’à leur mort. Force est de constater qu’ils ne sont plus très nombreux aujourd’hui et que la profession d’herboriste va disparaître.

Le 5 mai 1945, le Conseil national de la résistance a créé l’Ordre national des pharmaciens, lesquels n’ont pas, depuis, abandonné leur monopole en la matière. Le décret d’août 2014 bouscule les éléments en autorisant la vente de 34 plantes médicinales inscrites à la pharmacopée par des personnes autres que des pharmaciens et herboristes modifiant ainsi la loi sur la vente des plantes médicinales et la condition d’exercice des herboristes (article L 4211.7), déjà modifiée par ordonnance n° 2000-916 le 19 septembre 2000.

Le décret du 22 août 2008 n°20008-841 autorise la vente par des personnes autres que des pharmaciens de à peu près 200 plantes médicinales inscrites dans une liste et sous la forme précisée (dans la plupart des cas en l’état ou en poudre). Le sénat a enregistré en 2011, en session extra- ordinaire une proposition de loi visant à créer un diplôme d’herboriste et organiser la profession (sénateur Fichet). Les seules plantes qui peuvent être vendues mélangées sont : tilleul ; verveine ; camomille ; menthe ; oranger ; cynorrhodon ; hibiscus (Décret 2004-802 du 29 juillet 2004).

En France, les plantes médicinales sont souvent traitées dans le groupe des PPAM (plantes à parfum, arômes ou médicinales). Les 2/3 de ces PPAM sont destinées à l’extraction d’huiles essentielles et 7 plantes couvrent 90 % des surfaces implantées (le lavandin, pavot, lavande, sauge, ginkgo biloba, thym, estragon).

Le marché des plantes médicinales est dominé par l’importation de plantes de différents pays ce qui nécessite des contrôles de qualité car la Busserole par exemple a une teneur en arbutine de 12 à 14 % en Espagne contre seulement 5 % dans les pays de l’Est. D’autre part la notion de race chimique est importante et le romarin d’Afrique du Nord a des cinéols majoritaires alors que celui d’Espagne a du camphre majoritaire.

La production agricole française se développe toutefois sous la forme de productions intégrées aux laboratoires pharmaceutiques. Quelques plantes médicinales sont ramassées dans la nature cependant. Des directives de bonnes pratiques agricoles existent et il convient de s’assurer de l’absence facteurs génétiques, extrinsèques ou de contaminations externes.

Le rôle du spécialiste des maladies de l’appareil digestif est fondamental quand des traitements sont pris par voie interne, nous seuls pouvons en apprécier les éventuelles conséquences comme des mélanoses coliques qui s’installent rapidement après l’utilisation de carrés de fruits et fibres largement vendus, riches en rhubarbe , par exemple….

Une enquête nationale sur l’utilisation des thérapies complémentaires par les Hépato- Gastroentérologues français s’est déroulée, parmi les Hépato-Gastroentérologues (HGE) français, de façon prospective de mars à juin 2017 avec l’envoi informatique de questionnaires courts ou la remise en main propre lors du principal congrès d’Hépato-gastroentérologie (JFHOD 2017).

138 réponses valides ont pu être colligées : libéral 57.8 % ; secteur public 24.4 % ; les deux 17.8 %. Les HGE qui ont répondu habitaient une ville de : < 30 000 h dans 19.2 % des cas ; 30 000 < 100 000 h 26.9 % ; > 100 000 53,8 % et 45.6 % d’entre eux utilisent les TC contre 54.4 % n’en utilisant pas.

Les TC les plus utilisées par les HGE français sont : l’ostéopathie 33.9 % ; l’acupuncture 22.6 % ;la phyto/aromathérapie 29 % : les compléments alimentaires 41.9 % ; la réflexologie 11.3 % ; autre 51.6 %. Les HGE qui ont répondu avaient un diplôme ou certificat de formation dans l’une TC dans 12.6 % des cas, 87.4 % n’en avaient pas : ostéopathie 0 % ; acupuncture 11.8 % , phyto/aromathérapie 17.6 % ; compléments alimentaires 0 %.

Les indications pour les HGE des TC sont : RGO/estomac 15.6 % ; nausées/vomissements 24.7 % ; foie/vésicule biliaire 10.4 % ; pancréas 1.3 % ; gaz/ballonnements 67.5 % ; constipation 36.4 % ; diarrhées 39 % ; douleurs abdominales 68.8 % ; stress/sommeil 63.6 % ; hémorroïdes 6.5 % ; indication hors hépato-gastroentérologique 29.9 %.

81.3 % (104) des répondants sont intéressés par une formation spécifique en phyto/aromathérapie digestive contre 18.8 % : lettre d’information 43.7 % ; fiches pratiques 77.7 % ; formation présentielle 48.5 %.

L’ enquête nationale montre l’intérêt des HGE français pour les TC tant dans la pratique (45,6 %) que dans la demande de formation notamment en phyto/aromathérapie (81,3 % des HGE ayant répondu) et le comité de rédaction espère que ce premier « Plantes et Microbiote » répondra en partie à cette demande.

Bonne lecture

Dr Jean-Christophe Létard
Président de la Commission Recherche et Développement du CREGG