Lésions cutanées induites par les Anti-TNF

L’utilisation de plus en plus fréquente des anti-TNF a révélé l’existence d’effets secondaires cutanés initialement méconnus dont certains sont qualifiés « d’effets paradoxaux ». L’effet secondaire « paradoxal » induit par ces traitements est défini par l’apparition d’une pathologie, elle-même habituellement traitée par l’anti-TNF comme le psoriasis.

La fréquence des réactions cutanées est de l’ordre de 25% avec une prépondérance pour les infections cutanées et les réactions dites eczématiformes.

Les manifestations allergiques d’hypersensibilités

Les réactions inflammatoires aux points d’injection sont très fréquentes : 20 %des patients

  • se développent presque constamment durant les deux premiers mois de traitement, en moyenne après 4 injections
  • surviennent 1 à 2 jours après la dernière injection et se caractérisent par une macule érythémateuse et modérément oedémateuse, parfois accompagnée d’un prurit local (réaction à médiatio cellulaire à type d’hypersensibilité retardée)
  • cette réaction s’amende presque constamment avec la poursuite des injections
  • un traitement local par dermocorticoïdes, anti-histaminique ou application de glace et rotation des sites d’injection permet généralement de résoudre le problème.

Les réactions anaphylactoides

  • lors des perfusions d’infliximab (réaction d’hypersensibilité aiguë) ou 1 à 14 jours après la perfusion (réaction d’hypersensibilité retardée) peuvent être associées à des manifestations urticariennes, rash, œdème de la face
  • en l’absence de choc anaphylactique, il n’est pas nécessaire d’interrompre définitivement le traitement par anti-TNF alpha. La réalisation de perfusion à intervalle régulier avec un débit de perfusion ralenti, l’utilisation concomitante d’immunosuppresseur et d’un traitement préventif par anti-histaminique peut permettre de réduire l’incidence et la sévérité des réactions anaphylactoïdes.

Infections cutanées

Elles représentent l’effet indésirable dermatologique le plus fréquent au cours des traitements par anti-TNF. Il s’agit :

  • d’infections cutanées banales fungiques comme les mycoses, les onychomycoses ou les candidoses
  • d’infections cutanées bactériennes : érysipèles, furoncles
  • d’infections virales non compliquées à herpes virus génitale ou oro-faciale : le traitement par anti herpétique doit être commencé précocement à la dose préconisée chez les immunodéprimés tout en poursuivant l’anti-TNF. En cas de récurrences un traitement au long cours est préconisé
  • d’infection plus sévère à varicelle zona : le traitement par anti-TNF doit alors être interrompu jusqu’à guérison complète et le patient doit être mis sous traitement antiviral très
    rapidement à la dose préconisée chez les immunodéprimés.
  • Il faudra se méfier de la recrudescence de condylomes à Papilloma virus.

Réactions eczématiformes

  • fréquentes sous anti-TNF, surtout chez la femme et les patients fumeurs avec une médiane d’apparition après l’initiation du traitement de 6 à 11 mois
  • terrain atopique ou antécédent d’atopie chez plus de 44% des patients
  • localisations variables et indépendantes du type de MICI, de l’activité de cette maladie, ou du traitement anti-TNF utilisé
  • un foyer staphylococcique peut être recherché au niveau nasal, périnéal ou du cuir chevelu lors de réactivation d’eczémas. Dans cette situation un traitement antibiotique spécifique peut permettre d’améliorer les lésions
  • dans 70 % des cas, les corticoïdes locaux et un émollient permettent une amélioration des lésions. Il est souvent nécessaire d’arrêter ou de changer d’anti-TNF chez les non répondeurs aux traitements locaux.

Psoariasis et lésions psoriasiformes

C’est une Dermatose érythémato-squameuse

Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont suspectées :

  • déclenchement d’une infection secondairement inductrice de psoriasis, par analogie aux pustuloses palmo-plantaires réactionnelles à des infections digestives à Yersinia ou Chlamydia trachomatis
  • sécrétion accrue d’interféron α(cytokine classiquement inductrice de psoriasis) par les cellules dendritiques plasmocytoïdes régulées par le TNFα
  • de plus en plus souvent rapporté, jusqu’à 10% des patients traités par anti-TNF
  • effet dépendant plus d’une classe médicamenteuse que d’une molécule donnée
  • prépondérante chez la femme (70 %), tabagique avec un passé de psoriasis (23%) ou d’atopie (13%) ou des antécédents familiaux de psoriasis (17%).

Présentation clinique variable, toutes les formes cliniques de psoriasis ont été décrites. La particularité clinique des psoriasis induits par les anti-TNF est la proportion importante :

  • de psoriasis pustuleux palmo- plantaires
  • de psoriasis vulgaire avec atteinte de zone inhabituelle comme le périnée et les plis inguinaux (psoriasis inversé)
  • la localisation la plus rependue est le cuir chevelu (64%) et les plis de flexion (43%) devant l’atteinte palmo-plantaire (35%)
  • la maladie digestive est le plus souvent quiescente
  • les lésions apparaissent généralement de façon précoce les trois premiers mois mais peuvent survenir jusqu’à 48 mois après le début du traitement.

   

En fonction de l’étendue des lésions, des zones visibles, du prurit on utilisera soit des traitements locaux (dermocorticoïdes, émollients…) soit un traitement par photothérapie, soit un traitement transitoire par méthotrexate ou ciclosporine.

L’arrêt de l’anti-TNF (40% des patients) est proposé si les lésions sont trop sévères et ne répondent pas aux traitements initiaux. Il n’y a pas d’intérêt à switcher pour un autre anti-TNF car c’est le même mode d’action, un changement de classe est parfois nécessaire (l’ustékinumab à l’avantage de soigner le psoriasis et la maladie de Crohn).

Lupus induits et lupus like syndrome : TAILS (TNF alpha antagonist induced lupus like syndrome)

  • l’apparition d’Ac anti-nucléaires et d’Ac anti-DNA natifs est un phénomène fréquent lors d’un traitement par anti-TNF
  • la prévalence des anticorps est plus élevée avec l’infliximab qu’avec l’adalimumab
  • la survenue d’un lupus induit est en revanche rare moins de 1% des patients
  • il peut s’agir de lupus cutané chronique, de lupus subaigu, de lupus érythémateux aigu disséminé
  • les anti-TNF les plus souvent impliqués sont l’infliximab et l’etanercept
  • les symptômes peuvent apparaitre de 1 à 48 mois après le début du traitement.
  • les manifestations cutanées sont classiquement une urticaire, un érythème facial « en aile de papillon », un rash maculo-papulaire, une photosensibilité, une alopécie.
  • l’atteinte viscérale grave, neurologique et rénale est extrêmement rare.

 

Devant des symptômes de lupus induit par les anti TNF, il est recommandé de chercher la présence :

  • d’AAN par IF, le dosage du complément, la recherche d’anticorps anti phospholipide
  • de faire un bilan rénal (créatinémie, protéinurie des 24 heures)
  • dans la plupart des cas, l’arrêt de l’anti-TNF est recommandé
  • si la présentation clinique du lupus induit (atteinte cutanée isolée) est minime et bien tolérée, le traitement par anti-TNF peut être poursuivi sous stricte surveillance
  • en cas d’atteinte systémique sévère, le traitement doit être interrompu. La disparition des manifestations cliniques du lupus est habituelle à l’arrêt de l’anti-TNF. Dans les atteintes sévères, il peut être nécessaire de recourir à une corticothérapie +/- au ciclophosphamide.

La survenue d’anticorps anti-nucléaire chez un patient asymptomatique n’est pas une raison d’arrêt du traitement anti-TNF.

Vascularites cutanées

Les symptômes apparaissent en moyenne après 38 semaines de traitement, essentiellement avec l’Etanercep et l’infliximab.

Les lésions cutanées sont un purpura, des ulcérations, des nodules, une vascularite digitale ou une éruption maculo papuleuse.

Une atteinte systémique est associée dans 1/4 des cas : système nerveux périphérique et rein principalement.

L’évolution à l’arrêt de l’anti TNF est variable.

En l’absence de résolution un traitement corticoïde per os ou immunosuppresseur est nécessaire. Les anti TNF ne pourront pas être repris.

Carcinomes cutanés et lymphomes cutanés

L’utilisation au long cours d’un anti-TNF semble légèrement augmenter le risque d’apparition de certains cancers et lymphomes cutanés néanmoins la quantification du risque de NMSC (carcinome baso et spino cellulaire) associé à l’utilisation des anti-TNF reste difficile. En effet l’incidence des NMSC sous traitement par anti-TNF est parfois influencée par l’historique médicamenteux du patient, éventuellement traité antérieurement par un immunosuppresseur ou une puvathérapie (facteur de risque pour la survenue de NMSC).

Il est donc important de prévenir ce risque de cancer :

  • par des mesures préventives de photo-protection en informant le patient sur la nécessité de se protéger des UV (crème solaire, casquette…)
  • en réalisant une surveillance dermatologique initiale et annuelle des patients traités par immunosuppresseurs
  • en proposant l’exérèse systématique de kératose précancéreuse avant la mise en route d’un traitement immunosuppresseur.

La survenue d’un épisode carcinologique fera bien sûr évaluer l’intérêt de la poursuite du traitement par anti-TNF après
l’exérèse large chirurgicale de la lésion mais son arrêt n’est pas systématique.

Quelques observations ont été rapportées dans la littérature d’association de lymphome T cutanés dans les suites d’un traitement par anti-TNF alpha. Dans certains cas une régression du lymphome a été observée quelques semaines après l’arrêt du traitement.

Conduite à tenir en cas d’apparition de lésions cutanées sous anti-TNF

  • préciser les antécédents dermatologiques
  • rechercher des signes associés : fièvre, arthralgies, prurit
  • rechercher une prise médicamenteuse intercurrente
  • chronologie des signes cutanés
  • avis dermatologique pour :
    • évaluer la sévérité de l’atteinte cutanée,
    • réaliser une biopsie cutanée (+/- étude en immunofluorescence)
    • traiter l’affection
  • disposer de tests immunologiques selon les lésions : ANCA, anti DNA, FAN…
  • rechercher un syndrome inflammatoire, une hyperéosinophilie
  • l’étendue et la sévérité des lésions nécessitent parfois l’arrêt du traitement anti-TNF ou le changement de la molécule.
  • la reprise de l’anti-TNF selon les lésions observées est souvent possible, elle se discutera en fonction du diagnostic retenu et du rapport bénéfice risque mais la récidive est possible.

Références utiles

  1. Rahier et al .Clin Gastroenterol Hepatol. 2010 Dec;8(12):1048-55
  2. Kerbleski et al Gut 2009 Aug : vol58 (8) : 1033-39
  3. Bessis et al dermatologie thérapeutique 2008 vol 1 N°4
  4. Vincent Goëb et al Conseils d’utilisation des traitements anti-TNF et recommandations nationales de bonne pratique labellisées par la Haute Autorité de santé française aout 2013

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