Traitement de la constipation chronique

Dr Thierry Higuero
Drs Guillaume Bonnaud, Pierre-Adrien Dalbiès

Qu’appelle-t-on la constipation chronique ?

Il n’y a pas de définition unique de la constipation chronique car elle peut varier selon son mécanisme : secondaire à une cause ou primitive, en rapport avec un transit ralenti et/ou une difficulté à évacuer les selles. Une définition pratique est l’existence depuis au moins 6 mois d’une fréquence réduite ou de la difficulté au passage des selles lors de la défécation. Les symptômes décrits sont variables : selles dures, rares, efforts de poussée, sensation d’évacuation incomplète. L’émission de selles liquides n’élimine pas la constipation lorsqu’elle précède ou suit une période sans évacuation ou si elle est associée à l’élimination d’un bouchon de selles dures.

Les causes à rechercher sont un effet secondaire médicamenteux ou une maladie (diabète, problème neurologie, cancer par exemple). Le plus souvent il n’y a pas de cause : c’est la constipation chronique fonctionnelle. La constipation est très fréquente dans la population générale touchant en moyenne 16 % des adultes, 9% des enfants et 33,5 % des personnes âgées de plus de 60 ans. Elle est plus fréquente chez la femme. La qualité de vie est souvent altérée (dépression, anxiété, vie sexuelle) et les complications sont fréquentes (fissure anale, problèmes hémorroïdaires, incontinence anale…). Les dernières recommandations françaises ont fait le point sur la prise en charge de la constipation.

Quel traitement médical en cas de constipation chronique ?

L’objectif du traitement est d’améliorer les symptômes et la qualité de vie. La première chose à obtenir est une consistance « idéale » des selles (avec une forme de boudin de structure lisse ou friable).

Les règles hygiéno-diététiques

C’est la première étape du traitement à débuter seule ou en association à un médicament. Il faut :

  • Arrêter si possible les médicaments pouvant occasionner une constipation après avis de votre médecin.
  • Respecter un horaire régulier de présentation à la selle (souvent le matin après le petit déjeuner).
  • Améliorer la position défécatoire en relevant la hauteur des genoux (petit tabouret sous les pieds).
  • Choisir un moment tranquille pour ne pas être dérangé.
  • Augmenter si besoin l’apport en fibres alimentaires, progressivement sur deux semaines pour réduire les ballonnements. Il est conseillé un apport minimal en fibres alimentaires de 15 à 40 g par jour, en privilégiant celles solubles. Les aliments riches en fibres solubles sont entre autres l’avoine, l’orge, les pruneaux, la pomme, les agrumes, la courgette, les aliments riches en fibres insolubles sont le blé, les céréales, les lentilles, les brocolis, les choux de Bruxelles (cf Tableau). On sera vigilant sur les céréales complètes (le son…) souvent génératrices de ballonnement et de douleur pour favoriser les farines semi-complètes (T 80 à T110).
  • Augmenter les apports hydriques en cas de déshydratation. Un apport quotidien de 1,5 litre de liquides est suffisant hors activité sportive. Il faut privilégier les eaux riches en minéraux surtout en magnésium. Boire trop peu sera suivi d’une déshydratation et donc d’une probable constipation.

Les laxatifs par voie orale

Il existe plusieurs types de laxatifs avec des modes d’action et des effets indésirables différents. Ils sont prescrits après les règles hygiéno-diététiques et/ou en complément de celles-ci. Il est possible d’associer différentes classes de laxatifs.

Les laxatifs osmotiques : attirent les liquides dans le côlon permettant d’améliorer la consistance des selles. Leur délai d’action est de 1 à 2 jours. Ceux à base d’hydroxyde de magnésium ont en plus un effet stimulant les contractions de l’intestin ; des douleurs abdominales et une diarrhée sont possibles. Ceux à base de sucres non absorbés (lactulose…) produisent des acides gras volatiles ; des ballonnements et flatulences sont fréquents. Ceux uniquement hydratants (PEG) ne font que fixer les molécules d’eau ; des ballonnements et des douleurs abdominales uniquement en début de traitement sont possibles. Le PEG se présente sous forme de poudre à mélanger à de l’eau. Ils sont recommandés en première intention pour leur efficacité et leur bonne tolérance et peuvent être prescrits aux femmes enceintes, souvent concernées par la constipation.

Les laxatifs de lest (mucilages) : retiennent l’eau ingérée augmentant le volume et améliorant la consistance des selles. Leur délai d’action est de 1 à 3 jours au minimum. Ils se présentent sous forme de granulés à mélanger à un liant (yaourt par exemple) ou d’une poudre à diluer dans de l’eau. Ils impliquent de boire suffisamment d’eau, au moins 1,5 litre ; des ballonnements et des douleurs abdominales sont possibles. Ils peuvent être proposés en première intention. Il n’y a pas de contre-indication à leur utilisation chez la femme enceinte.

Les laxatifs lubrifiants (à base de paraffine) : font glisser et ramollissent les selles. Leur délai d’action est de 6 heures à 3 jours. Ils se présentent sous forme liquide, gélifiée ou d’une pâte ; des suintements et irritations au niveau de l’anus sont fréquents. Ils peuvent être proposés en cas d’échec des laxatifs de lest ou osmotique. Leur utilisation est contre indiquée en cas de difficultés à déglutir ou lorsque l’on doit rester allongé, notamment chez le sujet âgé, en raison du risque de passage dans les poumons. Leur utilisation prolongée peut réduire l’absorption de certaines vitamines (A, D, E et K).

Les laxatifs stimulants : diminuent la réabsorption d’eau par le côlon et provoquent des contractions de la paroi intestinale. Leur délai d’action est de 6 à 12 heures en fonction du moment de leur prise, au coucher ou au lever. Ils se présentent sous forme de comprimés ou de tisanes. Leurs effets indésirables sont acceptables, dominés par la diarrhée et les douleurs abdominales. Ils sont utiles en cas d’échec des laxatifs de lest et des laxatifs osmotiques. On peut également les utiliser de façon occasionnelle en l’absence de selles pendant plusieurs jours.
D’autres médicaments appelés colokinétiques peuvent être prescrits après échec des règles hygiénodiététiques et des laxatifs. Les effets indésirables sont similaires à ceux des laxatifs stimulants ; leur utilisation est limitée du fait de leur coût important et leur absence de remboursement.

Les laxatifs par voie rectale

En cas de difficulté à expulser les selles (besoin d’aller à la selle non ressenti, efforts de poussée importants, impression d’évacuation incomplète) il est recommandé d’utiliser des starters de l’exonération qui permettent de propulser les selles au travers de l’anus. Cela existe sous forme de suppositoires lubrifiants ou à dégagement gazeux (plus efficaces) et de petits lavements.

Plus rarement et dans certaines situations, des lavements plus importants à l’aide d’un matériel spécifique (irrigation trans anale) peuvent être proposés ; ils améliorent la qualité de vie mais nécessitent un apprentissage par un professionnel de santé.

Les probiotiques

Leur bénéfice dans cette situation n’est pas bien documenté et par conséquent leur utilisation ne peut être recommandée dans le traitement de la constipation chronique.

D’autres traitements existent mais sont en cours d’évaluation (injection de toxine botulique, stimulations électriques) dans les centres experts.

La rééducation

Dans certaines situations de difficultés à expulser les selles, après un examen approprié, votre médecin peut vous prescrire une rééducation ano périnéale (biofeedback), souvent associée aux autres traitements.

Cette rééducation est réalisée par des kinésithérapeutes spécialisés. Cette rééducation est d’autant plus efficace que l’on est motivé.

Les thérapies alternatives et complémentaires

Les thérapies non conventionnelles dites alternatives peuvent être tentées en cas d’échec (ou refus) des traitements conventionnels, ou en association (complémentaire), en fonction du contexte et de la « confiance » en ce type d’approche.

Quel traitement chirurgical en cas de constipation chronique ?

Une chirurgie peut être proposée en cas de difficulté à évacuer les selles en rapport avec une anomalie anatomique, prolapsus du rectum (« descente » de la dernière partie de l’intestin) ou rectocèle (hernie interne entre le rectum et le vagin).

Les autres solutions chirurgicales doivent se discuter dans des centres experts chez des patients sélectionnés. La moins agressive consiste à permettre la réalisation de lavements au début du côlon (irrigation antérograde). Une chirurgie retirant la totalité du côlon (gros intestin) est exceptionnellement réalisée, après échec des tous les autres traitements.

Pour en savoir plus

Clinical practice guidelines from the French National Society of Coloproctology in treating chronic constipation. Vitton et al. Eur J Gastroenterol Hepatol. 2018 Apr;30(4):357-363.

Quantité de fibres (en g) pour 100g d’aliments

Légumes

Quantité de fibres (en g) pour 100g de légumes
  • Artichaut : 4 g
  • Carottes cuites : 3,1 g
  • Champignons : 2,5 g
  • Chou : 4 g
  • Choux cuits : 2,8 g
  • Épinards cuits : 6,3 g
  • Laitue : 2 g
  • Mâche : 5 g
  • Persil : 9 g
  • Petits pois cuits : 12 g
  • Poireaux : 4 g
  • Pois chiches frais : 2 g
  • Radis : 3 g
  • Pommes de terre : 1 g
  • Haricots verts : 3,2 g
  • Soja : 25 g

Légumes secs

Quantité de fibres (en g) pour 100g de légumes secs
  • Haricots secs : 25 g
  • Lentilles : 12 g
  • Pois cassés : 23 g
  • Pois chiches secs : 23 g
  • Flageolets secs : 25 g
  • Haricots secs : 15,4 g

Produits céréaliers

Quantité de fibres (en g) pour 100g de produits céréaliers
  • Farine complète : 9 g
  • Pain blanc : 1 g
  • Riz complet : 4,5 g
  • Son : 40 g
  • Pain complet : 8,5 g
  • Pain intégral : 9 g

Fruits secs et oléagineux

Quantité de fibres (en g) pour 100g de fruits secs ou oléagineux
  • Amande : 14 g
  • Cacahuètes : 8 g
  • Dattes : 9 g
  • Figues sèches : 18 g
  • Noix de cajou : 3,5 g
  • Pruneaux : 17 g
  • Raisins secs : 7 g
  • Noix de coco sèche : 24 g

Fruits frais

Quantité de fibres (en g) pour 100g de fruits frais
  • Figues fraîches : 5 g
  • Fraises : 2 g
  • Framboises : 7,5 g
  • Groseilles : 7 g
  • Pêches : 2 g
  • Poires + peau : 3 g
  • Poires pelées : 2,3 g
  • Pommes + peau : 3 g
  • Pommes pelées : 2 g