Colites Microscopiques

Définition de la colite microscopique

La colite microscopique est une cause fréquente de diarrhée liquide non hémorragique chronique ou récidivante. Les explorations radiologiques sont normales et la coloscopie retrouve une muqueuse colique le plus souvent normale, les prélèvements permettent d’établir le diagnostic de certitude [1- Macaigne 2014].

L’anatomo-pathologie distingue deux sous-types de colite microscopique :

La colite à collagène

Colite à collagène

Bande collagène > 10 μm

La colite lymphocytaire

La colite lymphocytaire

Lymphocytes intra épithéliaux > 20%

Quand penser à une colite microscopique ?

L’incidence de la colite microscopique est en augmentation.

Elle a été évaluée dans le registre EPIMAD à 7,8 par 100 000 habitants pour la colite microscopique (5,3 par 100 000 habitants pour la colite à collagène et 2,5 par 100 000 habitants pour la colite lymphocytaire).

Cette incidence était comparable à celle des maladies inflammatoires intestinales chroniques [2- Fumery 2017].

Cliniquement la colite à collagène et la colite lymphocytaire ont une présentation similaire, elles se caractérisent par une diarrhée liquide chronique qui dure depuis plus de 4 semaines [1- Macaigne 2014].

Le diagnostic différentiel est celui des diarrhées chroniques.

Il faudra commencer par éliminer une autre cause dont les plus fréquentes sont :

  • Cancer colo-rectal particulièrement chez une personne âgée.
  • Diarrhée d’origine infectieuse.
  • Diarrhée d’origine métabolique.
  • Allergie ou intolérance alimentaire.

Une fois le diagnostic d’une origine organique sous-jacente éliminé, il est important de penser à une colite microscopique devant :

  • Une diarrhée liquide non expliquée chez un sujet de plus de 50 ans, notamment chez la femme avec des exonérations nocturnes et une perte de poids.
  • Une diarrhée suite à une introduction médicamenteuse récente (inférieure à 3 mois) en particulier l’introduction d’inhibiteurs de la pompe à proton ou de traitements anti-parkinsonien.
  • Une maladie coeliaque qui ne s’améliore pas sous régime sans gluten.
  • Une maladie auto-immune, une atteinte thyroïdienne ou un diabète associé à une diarrhée liquide.
  • Des patients non améliorés par la prise en charge de leur Syndrome de l’intestin irritable.
Tableau 1 : Comparaison des critères cliniques, endoscopiques et histologiques

Tableau 1. Comparaison des critères cliniques, endoscopiques et histologiques

Quand penser à une colite microscopique devant une diarrhée chronique inexpliquée ?

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est le diagnostic différentiel majeur de la colite microscopique. 56% des patients présentant un diagnostic de colite microscopique remplissaient tous les critères de ROME II pour le diagnostic d’un syndrome de l’intestin irritable [3- Limsui 2007].

Tableau 2. Diagnostic différentiel entre le syndrome de l’intestin irritable (SII) et la colite microscopique

Comment faire le diagnostic de colite microscopique ?

Le diagnostic de la colite microscopique est posé histologiquement sur des biopsies étagées de la muqueuse colique qui est le plus souvent normale en endoscopie.

Dans la colite lymphocytaire, le nombre de lymphocytes intra-épithéliaux augmente de 4 à 5 fois (> 20 %). Est aussi retrouvé une augmentation des lymphocytes et granulocytes avec une architecture glandulaire conservée et une bande de collagène sous épithéliale normale.

Dans la colite à collagène on retrouve une bande de collagène sous épithéliale épaissie > à 10 microns, chez le sujet sain elle est habituellement inférieure à 5 microns. Le nombre de lymphocytes intra-épithéliaux est souvent un peu augmenté (> 10%), l’architecture glandulaire le plus souvent conservée.

Dans un essai clinique, 79 patients avec une colite microscopique ont eu des biopsies systématiques des 5 segments du colon afin d’évaluer la localisation de l’inflammation.

  • La distribution de l’inflammation dans la colite lymphocytaire était homogène entre les 5 segments du colon.
  • À l’inverse, celle de la colite à collagène montrait une différence entre le rectum, le sigmoïde et le reste du colon. 21%et 41% des biopsies au niveau du rectum et du sigmoïde respectivement ne présentaient pas un épaississement de la bande collagène [4- Aust 2013].

Dans une cohorte de 129 patients recrutés en France par 26 hôpitaux généraux, l’évaluation des biopsies au niveau du rectum dans la colite à collagène et la colite lymphocytaire était normale chez 23% et 27%,respectivement [5- Macaigne 2017].

Pour diagnostiquer une colite microscopique, il est recommandé d’effectuer 2 à 3 biopsies par segment du colon : au niveau du colon droit, du transverse, du colon gauche, du sigmoïde et du rectum.

A minima, 2 à 3 prélèvements par segment biopsié doivent être effectués au niveau du rectum et du colon gauche [5- Macaigne 2017].

Relation avec l’anatomo-pathologiste

Histologiquement, on observe dans la colite lymphocytaire au niveau de la muqueuse colique :

  • une nette augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux (> 20 pour 100 cellules épithéliales). Ces lymphocytes sont de phénotype CD8 + ;
  • une altération des cellules épithéliales de surface ;
  • un infiltrat inflammatoire du chorion.

Ces lésions sont diffuses, présentes sur toutes les biopsies mais à des degrés différents.

Histologiquement, on observe dans la colite collagène au niveau de la muqueuse colique :

  • la présence d’un dépôt collagène continu (>10 μ) situé sous l’épithélium de surface. Cette bande fibreuse ne s’étend pas autour des cryptes en profondeur, reste confinée sous l’épithélium de surface et peut englober des capillaires ;
  • une altération des cellules épithéliales de surface ;
  • une inflammation du chorion ;
  • une légère augmentation du nombre de lymphocytes intra-épithéliaux

Il est important de préciser à l’anatomo-pathologiste la recherche d’une colite microscopique en stipulant le nombre et la localisation des biopsies.

Les circonstances cliniques de cette demande peuvent être précisées succinctement et le souhait d’avoir un résultat détaillé pour chaque biopsie doit également être mentionné :

  • Altérations épithéliales.
  • Épaisseur de la bande collagène.
  • Nombre d’infiltrat lymphocytaire intra-épithélial.
  • Infiltration cellulaire du chorion.

Quelle est la prise en charge idéale pour les patients ayant un diagnostic confirmé de colite microscopique ?

La colite microscopique répond bien au traitement. Le pronostic à long terme de ces patients est bon.

Il est recommandé, aujourd’hui, de traiter la colite collagène et colite lymphocytaire de la même façon.

Néanmoins, les médicaments sur le marché ne disposent pas des mêmes AMM.

Traitement d’un premier épisode de diarrhée

L’arrêt de tout traitement suspect est la première étape devant l’apparition récente d’une diarrhée liquide chronique.

La majorité des patients répond rapidement au budésonide. Cette réponse au budésonide s’accompagne d’une amélioration significative de la qualité de vie des patients traités. Dans une méta-analyse faite par Cochrane [6- Chande 2009], le taux de réponse poolé était évalué à 81%, avec un NNT à 2 patients [7- Munch 2012].

Dans une méta-analyse récente, le taux de réponse clinique était évalué à 72,2% avec un NNT à 1,8 [8- Kafil 2017].

La dose recommandée pour un traitement d’attaque est 9 mg/jour de budésonide pour une durée de 8 semaines.

Cette dose pourrait être diminuée à 6 mg/jour pendant 2 semaines et puis 3 mg/jour pendant deux autres semaines.

Les anti-diarrhéiques, tel le lopéramide, ont toujours été utilisés dans les études cliniques et dans les études rétrospectives de cohortes de patients avec une colite microscopique sans confirmation de l’efficacité.

Les données cliniques concernant les cholestyramines restent, à ce jour, faibles.

Dans une étude incluant 23 patients, la supériorité de la combinaison cholestyramine/mesalazine n’a pas pu être démontrée par rapport à une monothérapie de mesalazine à cause d’effectifs faibles [9- Calabrese 2007].

Les données cliniques sur Bismuth ne sont pas récentes et ne permettent pas de confirmer ou infirmer son efficacité.

Le lopéramide, la cholestyramine ou le Bismuth peuvent être utilisés en association avec le budésonide vu leurs profils de sécurité et leurs bonnes tolérances.

L’utilisation de la mesalazine en traitement d’attaque de la colite microscopique est remise en question depuis les résultats récents d’une étude comparant le budésonide à la mesalazine et au placebo.

Dans cette étude la mesalazine n’a pas montré une efficacité supérieure au placebo [10- Miehlke 2014].

Traitement d’une colite microscopique en rechute

Dans les études le budésonide en traitement d’entretien 6mg/jour est susceptible de prolonger la rémission de la colite microscopique sans augmentation des effets secondaires.

Ces données restent limitées dans le temps à 6 et 12 mois de traitement [8- Kafil 2017].

Traitement d’une colite microscopique avec une réponse insuffisante ou intolérant au budesonide

Une escalade thérapeutique similaire à celle pratiquée dans la maladie de Crohn peut être proposée au patient atteint d’une colite microscopique sévère ne répondant pas au budésonide. L’intervention chirurgicale ne devrait être qu’exceptionnelle.

En pratique

  • La colite microscopique (CM) constitue une cause fréquente de diarrhées chroniques. Le diagnostic repose sur une iléo-coloscopie avec biopsies étagées. 
  • La prévalence des CM peut atteindre 1/1000 personnes. Elle touche surtout les femmes d’âge avancé et peut être en lien avec certains médicaments comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les inhibiteurs de la pompe à protons ou les anti-dépresseurs.
  • Le traitement de première ligne consiste en l’administration de budésonide à la dose de 9 mg/jour. L’objectif thérapeutique est la rémission clinique.

Références

[1- Macaigne 2014] – [2- Fumery 2017] – [3- Limsui 2007] – [4- Aust 2013]
[5- Macaigne 2017] – [6- Chande 2009] – [7- Munch 2012] – [8- Kafil 2017]
[9- Calabrese 2007] – [10- Miehlke 2014]

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