La place de la chirurgie dans les traitements

Très souvent, les MICI sont bien contrôlées par un traitement médical.
Parfois il sera néanmoins utile d’avoir recours à une intervention chirurgicale.

Un suivi plus serré de la maladie au-delà du simple objectif de l’amélioration des symptômes a permis de faire reculer le recours à la chirurgie.

QUAND FAUT-IL OPÉRER ?

Plusieurs circonstances peuvent conduire à envisager une opération chez un patient atteint d’une MICI, notamment lorsque :

  • une complication survient,
  • le traitement médicamenteux est inefficace, surtout s’il s’agit d’une forme sévère de la maladie,
  • le traitement est insuffisamment efficace et ne permet pas d’éviter un retentissement important de la maladie sur l’état général et sur la qualité de vie,
  • des doses importantes de médicaments nécessaires pour contrôler la maladie induisent des effets secondaires gênants.

Quels types d’interventions sont utilisés ?

Le but de l’intervention est d’enlever l’organe (ou la partie d’organe) malade ou de traiter une éventuelle complication. Le type d’intervention utilisé dépend de la localisation des lésions et de la nature des complications.

La rectocolite hémorragique

Les lésions de la RCH se limitent au côlon et au rectum. Le chirurgien va donc pratiquer une résection complète (coloproctectomie* totale c’est-à-dire l’ablation du côlon et du rectum) ou plus rarement quasi complète (colectomie avec conservation du rectum) de ces organes. La continuité du tube digestif est alors rétablie en raccordant la partie terminale de l’intestin grêle* :

  • soit à l’anus naturel, en créant éventuellement à ce niveau un réservoir destiné à remplacer les fonctions de réservoir du rectum (anastomose* iléo-anale),
  • soit à la partie supérieure du rectum laissé en place (anastomose* iléo-rectale),
  • soit directement à la peau (anus artificiel ou iléostomie*).

La coloproctectomie* totale permet une guérison complète de la maladie puisque la RCH n’atteint que le côlon et le rectum, mais au prix d’une invalidité liée à la perte de cet organe. L’anastomose* iléo-anale est le procédé de référence, car elle permet de conserver la fonction sphinctérienne et, par la création d’un réservoir à la place du rectum, de limiter le nombre de selles. Sa réalisation est cependant délicate, elle nécessite plusieurs interventions. Des complications sont possibles : infection, inflammation du réservoir (« pochite »). À long terme, ce type intervention sera un échec dans 10 % des cas environ. Elle augmente également chez les femmes le risque d’infertilité, mais très faiblement lorsqu’elle est pratiquée sous laparoscopie.

La maladie de Crohn

La maladie de Crohn peut atteindre, de façon plus ou moins étendue, tous les segments du tube digestif. Son traitement chirurgical est donc plus compliqué et parfois plus problématique. Les lésions sont généralement traitées par une résection « économe » de la partie atteinte dans l’objectif de limiter au maximum la longueur des segments intestinaux enlevés. Cela est fondamental au niveau de l’intestin grêle* qui est nécessaire à la bonne assimilation des aliments. Les deux extrémités de l’intestin sain sont alors raccordées. Au niveau du côlon, la résection peut être plus étendue comme dans le cas de la RCH, sans conséquence majeure.

Quelles complications relèvent d’un traitement chirurgical ?

Il est fait appel au chirurgien, principalement dans les circonstances suivantes :

La rectocolite hémorragique

  • Colite grave justifiant une hospitalisation avec échec des traitements médicamenteux, d’hémorragie grave ou de colectasie (dilatation brutale et importante du côlon). La chirurgie en urgence s’impose alors.
  • Maladie chronique réfractaire c’est-à-dire que les symptômes et les lésions ulcérées du côlon ne sont pas améliorés par aucun des multiples traitements médicamenteux que nous essayons avant.
  • Cancer du côlon.

La maladie de Crohn

La chirurgie est envisagée en cas de complications de la maladie le plus souvent dans le cadre d’une discussion avec le traitement médical pour :

  • Les fistules* (communication entre deux organes intra-abdominaux ou entre l’anus et la peau périphérique « fistule anale ») et surtout les abcès.
  • Les rétrécissements intestinaux (sténoses) souvent présents dans la maladie de Crohn. Deux techniques chirurgicales sont possibles. La résection du segment lésé est proposée si les sténoses* ne sont pas trop étendues. À l’inverse, la technique conservatrice, qui permet de laisser la zone malade en place est préférable lorsque les rétrécissements sont nombreux et dispersés. Le chirurgien élargit alors le diamètre de l’intestin, grâce à des incisions ou en le calibrant par un procédé mécanique. Dans certains cas, le rétrécissement peut être atteint par un endoscope*. La dilatation (dilatation endoscopique) sera alors effectuée à l’aide d’un ballonnet gonflable sans qu’il soit nécessaire de pratiquer une intervention chirurgicale.

Le traitement chirurgical est-il susceptible de guérir la maladie ?

Lorsque l’intervention a permis de retirer la totalité ou la plus grande partie de la zone malade, le patient retrouve généralement un bon état général et un fonctionnement digestif très amélioré. Toutefois, le résultat obtenu est moins spectaculaire si une partie importante d’intestin a dû être enlevée, car les capacités digestives en sont réduites d’autant.

Dans la rectocolite

Le chirurgien ayant enlevé l’organe « cible », tout risque de récidive peut être écarté. Mais parfois une partie du rectum est laissée en place et la maladie peut continuer d’évoluer à ce niveau. La tendance est actuellement d’ôter en totalité le côlon et le rectum pour éviter cette situation sauf parfois en cas de chirurgie inaugurale en urgence où le rectum peut rester inactif après.

Dans la maladie de Crohn

Le chirurgien n’enlève jamais la totalité du tube digestif susceptible d’être atteint. Aussi, après l’intervention l’amélioration est le plus souvent spectaculaire, mais ne protège pas des récidives.

Un traitement médical préventif des rechutes doit être envisagé dans certaines situations, mais une nouvelle poussée est en effet possible. Environ 30% des patients rechutent dans les 5 ans et 60% devront être réopérés dans les 15 ans qui suivent la première intervention. Une surveillance de l’activité de la maladie s’impose donc après la chirurgie par le dosage de la calprotectine fécale (si réalisable) et la coloscopie. Cette surveillance doit être précoce.

La chirurgie entraîne-t-elle des séquelles ?

Lorsque l’étendue des lésions rend nécessaire une résection importante d’intestin grêle*, une mauvaise absorption des aliments est à craindre. Il est cependant possible de compenser le plus souvent ces phénomènes par un régime alimentaire adapté, certaines techniques de nutrition et un traitement médical.

Le risque de voir apparaître des troubles sexuels après une ablation du rectum est extrêmement faible (on observe moins de 0,2% d’impuissance).

Le risque de baisse de la fertilité est important en cas de colectomie totale avec anastomose iléo-anale en chirurgie « classique » (il serait multiplié par 3), mais similaire à celle d’un appendicectomie en cas d’intervention par laparoscopie, réalisée le plus souvent maintenant. Il est donc indispensable qu’avant la décision opératoire la patiente soit totalement informée des risques éventuels.

Enfin, il faut savoir que l’intervention chirurgicale améliore la plupart du temps très nettement l’état général.

Dans la RCH, qui est alors théoriquement guérie, aucun traitement médical n’est alors nécessaire sauf dans 10% à 20 % des cas où survient une inflammation chronique du réservoir « pochite » ou une inflammation au-dessus sur l’intestin grêle, correspondant à la transformation en maladie de Crohn. Dans la maladie de Crohn, l’allégement du traitement médical est généralement rendu possible, un traitement préventif des rechutes est cependant souvent mis en route. Une surveillance régulière est bien sûr indispensable.

Le patient peut-il choisir la nature de son intervention ?

Certaines circonstances imposent sans discussion un type d’acte chirurgical ; tel est le cas de la survenue d’une complication en échec du traitement médical.

En revanche, dans d’autres circonstances plusieurs choix sont possibles et doivent être faits en tenant compte de l’avis de l’ensemble des professionnels de santé chargés du suivi (médecin traitant, gastro-entérologue et chirurgien) et du patient, correctement informé des avantages et des inconvénients propres à chaque solution. La décision entre essayer un nouveau traitement médical qui a peu de chance de marcher ou une chirurgie avec résection intestinale courte est souvent difficile. Certaines sténoses, si elles sont accessibles au cours d’une coloscopie (notamment les sténoses post-opératoires) peuvent parfois être traitées par dilatation endoscopique. Ce type de traitement nécessite parfois plusieurs séances. Une récidive est toujours possible, mais en cas de succès cela permet d’éviter une intervention.

Certains patients (souvent âgés) préféreront une ablation large se soldant par un anus artificiel, alors que d’autres choisiront la solution conservatrice (anastomoses* iléo-anales) avec l’inconvénient d’avoir des évacuations fréquentes, mais par l’anus.

Dans tous les cas, les résultats de la chirurgie seront d’autant plus profitables au patient et d’éventuelles séquelles seront d’autant mieux supportées, que le malade aura été correctement informé avant l’intervention, et que des réponses claires et précises auront été apportées à l’ensemble de ses questions.

Est-il possible d’envisager une intervention sous cœlioscopie ?

La chirurgie cœlioscopique ou laparoscopique (intervention à ventre fermé, par l’intermédiaire d’une caméra et d’instruments adaptés par une incision minime) est devenue la référence en chirurgie digestive.

Au cours des MICI, toutes les interventions sont réalisables sous cœlioscopie (résections segmentaires de l’intestin grêle*, réalisation d’iléostomies*, de colostomies, et même les coloproctectomies totales avec anastomose iléo-anale). Ce type de chirurgie ne peut se concevoir bien sûr que si elle est réalisée par un chirurgien à la fois expert dans le domaine des MICI et dans celui de la chirurgie sous cœlioscopie. Une intervention sous cœlioscopie diminue les douleurs post-opératoires, la durée d’hospitalisation, et a un avantage esthétique certain, mais peut s’avérer délicate, voire impossible notamment en cas de précédentes chirurgies abdominales. Les lésions multiples, infectées et des interventions antérieures sont autant de facteurs limitants.