Recommandations pour la pratique clinique du traitement de la maladie hémorroïdaire

Coordonnateur : Thierry Higuero

Auteurs : Laurent Abramowitz L, Hélène Pillant-Le Moult, Philippe Hemery, Ghislain Staumont, Thierry Higuero, François Pigot, Agnès Sénéjoux, Jean-Luc Suduca, Cécile Laclotte Duhoux, Alain Castinel, Nadia Fathallah, Béatrice Vinson-Bonnet, Laurent Siproudhis.

Groupe de lecture : Laurent Abramowitz, Paul Bendfredj, Dominique Bouchard, Carole Cordonnier, Hubert Dereux, Paul Dieterling, Jean-Luc Faucheron, Philippe Godeberge, Michel Gompel, Thierry Higuero, Pierre Moreau, François Mion, François Pigot, Elise Pommaret, Agnès Senéjoux, Laurent Siproudhis, Denis Soudan, Marc Souffran, Ghislain Staumont, Jean Jacques Tassou, Christian, Thomas, Béatrice Vinson-Bonnet et autres membres anonymes de la SNFCP.

Traitement médical de la maladie hémorroïdaire

L’objectif du traitement médical est de soulager les symptômes.

Les topiques sont recommandés en cas de manifestations aiguës de la maladie hémorroïdaire (Grade B). Leur bénéfice n’est pas démontré au long cours.

L’apport de fibres alimentaires (alimentation ou mucilages) est recommandé en cas de maladie hémorroïdaire dans le traitement des manifestations aiguës et dans la prévention des récidives (Grade B).

Les phlébotropes sont recommandés en cas de manifestations aiguës de la maladie hémorroïdaire (saignement et douleur) à court terme (Grade A). L’efficacité de cette classe thérapeutique peut être surestimée par la carence de publication des essais négatifs (zone grise).

Les AINS, la cortisone et ses dérivés, les antalgiques périphériques et centraux sont recommandés en cas de douleur en rapport avec une thrombose hémorroïdaire douloureuse (accord professionnel AP1).

En cas de thrombose hémorroïdaire, il est recommandé de proposer un traitement comportant des AINS, des antalgiques, des régulateurs du transit et des topiques. En cas de pathologie hémorroïdaire interne, il est recommandé de proposer un traitement comportant des régulateurs du transit et des topiques, les phlébotropes sont autorisés. Des AINS et des antalgiques peuvent y être associés en fonction de l’intensité de la douleur (accord professionnel AP2).

En cas de fissure anale, le traitement associant laxatifs et topiques locaux peut traiter les deux pathologies. En cas de suppuration anale et de colite inflammatoire, leur traitement prime sur celui des hémorroïdes.

Chez la femme enceinte et en post-partum, la régulation du transit peut diminuer le risque de poussée hémorroïdaire. Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (www.lecrat.org) permet l’utilisation des topiques, des laxatifs, du paracétamol et des phlébotropes dans la pathologie hémorroïdaire chez la femme enceinte ou allaitante. Pour les AINS, les corticoïdes et les antalgiques, il est nécessaire de se référer aux données actualisées du CRAT. Chez l’enfant, les traitements locaux et les laxatifs peuvent être prescrits ainsi que les AINS en cas de thrombose hémorroïdaire.

Traitement instrumental de la maladie hémorroïdaire

Il permet de traiter la maladie hémorroïdaire interne responsable de rectorragies ou d’un prolapsus réductible.

La ligature élastique, la photocoagulation infrarouge et les injections sclérosantes sont recommandées en cas de saignements expliqués par une maladie hémorroïdaire grade 1 et 2, après échec du traitement médical (Grade A).

La ligature peut être recommandée devant une procidence hémorroïdaire modérée ou localisée avant de proposer une chirurgie (Grade B).

La réalisation de trois ligatures en une seule séance donne des résultats comparables à ceux de trois ligatures en trois séances successives (Grade A).

En cas de prolapsus circulaire de grade 3, l’hémorroïdectomie pédiculaire et l’hémorroïdopexie sont plus efficaces que la ligature élastique et doivent lui être préférées (Grade A).

Les ligatures ne sont pas recommandées en cas de prolapsus de grade 3 circulaire et de grade 4 (Grade B).

En raison des ses complications potentielles, la ligature élastique pourrait être proposée aux échecs de la photocoagulation infrarouge pour les hémorroïdes hémorragiques sans prolapsus (Grade B).

L’amélioration du transit augmente l’efficacité des ligatures élastiques (Grade B).

Il n’y pas de consensus sur l’intérêt d’une antibioprophylaxie systématique en cas de ligatures élastiques ou d’injections sclérosantes (accord professionnel AP3). Il est cependant licite de la faire, notamment chez les sujets à risque infectieux tels les diabétiques et en immunodépression (avis d’expert).

Une maladie inflammatoire intestinale active et une suppuration ano-périnéale sont des contre-indications aux traitements instrumentaux. En cas grossesse et d’immunodépression sévère, les ligatures élastiques et les injections sclérosantes sont contre-indiquées (accord professionnel AP4).

Les traitements instrumentaux sont à risque hémorragique faible selon les recommandations de bonne pratique. L’aspirine à dose antiagrégante n’a pas besoin d’être interrompue pour la réalisation d’un traitement instrumental. Les autres antiagrégants plaquettaires, les anticoagulants et une coagulopathie sévère augmentent le risque de saignement.

Thrombose hémorroïdaire externe

L’incision ou l’excision de la thrombose hémorroïdaire externe (THE) n’est pas systématique. Elle est recommandée en cas de THE douloureuse, externe, unique ou en nombre limité, et peu ou non oedémateuse. Elle permet de raccourcir la durée des symptômes et de limiter les saignements en cas de THE partiellement rompue. La THE peut être traitée à chaque récidive par un nouveau geste d’incision ou d’excision. La thrombose hémorroïdaire interne ne doit pas être excisée ni incisée du fait des risques de complications hémorragiques et de fissure (accord professionnel AP5).

L’incision ou excision d’une THE est possible chez la femme enceinte, en cas d’immunodépression, de rectocolite hémorragique évolutive ou de maladie de Crohn active et chez les malades sous aspirine à dose antiagrégante. En cas de prise d’autres antiagrégants plaquettaires, d’anticoagulants et de coagulopathie sévère, le traitement médical est à privilégier.

Hémorroïdectomie pédiculaire

Le traitement chirurgical doit être proposé après échec du traitement médical et éventuellement instrumental, en respectant leurs indications respectives.

L’hémorroïdectomie pédiculaire est recommandée quelque soit le grade de la maladie hémorroïdaire (Grade A). Elle peut-être indiquée d’emblée en cas de complication aiguë (poly thrombose hyperalgique et/ou nécrotique résistant au traitement médical), d’une anémie sévère, et de maladie hémorroïdaire grade 4.

Les complications potentielles sont la douleur postopératoire, la rétention urinaire, les hémorragies, la sténose anale et les troubles de la continence. Il est recommandé de tenir compte dans l’organisation des soins du risque hémorragique qui persiste durant 3 semaines (accord professionnel AP6). Il est recommandé de ne pas faire de sphinctérotomie lors d’une chirurgie hémorroïdaire (Grade B) et d’être prudent dans l’utilisation des écarteurs anaux (Grade B).

Hémorroïdopexie agrafée circulaire

L’hémorroïdopexie agrafée circulaire est recommandée en cas de maladie hémorroïdaire de grade 2 et 3 (grade A).

Du fait du risque important de récidive du prolapsus l’hémorroïdopexie par agrafage circulaire n’est pas recommandée en cas de prolapsus de grade 4 (Grade B).

Certaines complications immédiates (rétention urinaire, thrombose, hémorragie, fécalome) et tardives (infection, sténose, incontinence, besoins impérieux) sont rapportées après hémorroïdectomie et hémorroïdopexie à des taux comparables. Il est rapporté des complications infectieuses très rares et potentiellement graves (cellulite pelvienne, perforation rectale avec

péritonite).

Ligature artérielle guidée par Doppler (DGHAL)

La DGHAL est recommandée en cas de maladie hémorroïdaire grade 2 et 3 (Grade B). La récidive est plus faible en cas de mucopexie associée (avis d’expert). La DGHAL n’est pas recommandé en cas de prolapsus de grade 4 (Grade C). La DGHAL associé à la mucopexie peut être proposé en alternative à l’hémorroïdopexie (Grade B). La DGHAL et la mucopexie sont des techniques avec une morbidité faible à ce jour.

Cas particuliers de la chirurgie hémorroïdaire

Pendant la grossesse et dans le post-partum immédiat, la chirurgie hémorroïdaire doit être réservée aux complications sévères et résistantes au traitement médical. En cas de maladie inflammatoire intestinale, il est conseillé de n’opérer qu’en phase quiescente, en l’absence d’atteinte ano-rectale évolutive et de suppuration, et en privilégiant les gestes partiels mono pédiculaires. Il n’y a pas de contre indication à la chirurgie hémorroïdaire chez les malades infectés par le VIH (accord professionnel AP7).

Il n’y pas de donnée dans la littérature concernant les patients immunodéprimés.

Le risque hémorragique sous anticoagulants et antiagrégants est à mettre en balance avec celui cardiovasculaire lié à l’arrêt des traitements. La chirurgie hémorroïdaire est considérée comme à risque hémorragique modéré selon les recommandations de bonne pratique. Elles peuvent être réalisées sous aspirine à dose antiagrégante lorsque l’état cardiologique l’impose.

Gestions des douleurs post opératoires (DPO)

La prise de laxatifs ou de son, débutés quelques jours avant la chirurgie est recommandée car elle rend la première selle moins douloureuse (Grade A).

Les blocs pudendaux utilisant des anesthésiques locaux à demi vie longue effectués en début d’intervention sont recommandés car diminuent la DPO jusqu’à la 24ème heure (Grade A).

La sphinctérotomie associée à l’hémorroïdectomie n’est pas recommandée pour diminuer la DPO en raison du risque d’incontinence (Grade A).

Les antalgiques doivent être administrés dès la prémédication, ou en per-opératoire pour anticiper la douleur postopératoire précoce et poursuivis en post-opératoire. On utilise en première intention des analgésiques non opiacés : paracétamol associé aux anti-inflammatoires non stéroïdiens en raison des effets secondaires des opiacés (rétention d’urines, nausées vomissements, constipation). Le néfopam en postopératoire immédiat augmente le risque de rétention d’urines. Les opioïdes faibles (codéine et tramadol) sont utiles en cas d’inefficacité des analgésiques précédents, notamment lors de la levée du bloc

pudendal (accord professionnel AP8).

Possibilités de réalisation en ambulatoire

La prise en charge ambulatoire de la chirurgie hémorroïdaire concerne la chirurgie réglée. Il est recommandé de respecter les critères d’éligibilité médico-sociaux à la pratique ambulatoire. Il est recommandé de fournir des documents écrits en support de l’information qui doit porter sur le traitement de la douleur et la possibilité de complications postopératoire. Il est conseillé de contacter les patients par téléphone le lendemain ou le surlendemain de l’intervention. Le choix de la technique chirurgicale ne doit pas être basé sur le mode de prise en charge décidé (accord professionnel AP9).

Du fait du risque de rétention aiguë d’urine il est recommandé de ne pas utiliser la technique de rachianesthésie sans adaptation (diminution des doses, anesthésique local de courte durée d’action) (accord professionnel AP10).

Lors de la prise en charge chirurgicale ambulatoire, il est recommandé de prescrire des laxatifs, des antalgiques, de s’assurer d’une miction (ou absence de globe), de l’absence de DPO et de saignement avant la sortie d’hospitalisation (accord professionnel AP11).