Prévention du Cancer de l’Estomac

Fréquence

  • Près d’un million de nouveaux cas de cancers de l’estomac diagnostiqués chaque année – (4ème rang des cancers ; 2ème cause de mortalité par cancer).
  • En France : près de 6 500 nouveaux cas et 4 500 décès en 2011 (source InVS) (5ème rang des cancers et 2ème rang des cancers digestifs).
  • Diminution de l’incidence les cancers de type intestinal depuis une cinquantaine d’années dans la plupart des pays occidentaux, liée à la diminution de la fréquence de l’infection à Helicobacter pylori et une amélioration des conditions d’hygiène.
  • Augmentation de l’incidence des cancers de type diffus et des cancers l’estomac proximal.

Facteurs de risque

  • 80% des cancers de l’estomac sont en relation avec une infection à Helicobacter pylori qui colonise la muqueuse gastrique et y persiste toute la vie si elle n’est pas éradiquée.
  • Environ 1% des sujets infectés par la bactérie développent un cancer de l’estomac au cours de leur vie.
  • Autres facteurs impliqués : consommation excessive de sel, la faible consommation de fruits et légumes et l’ingestion de substances carcinogènes contenues dans l’alcool, le tabac et certains aliments.
  • Conditions précancéreuses : maladie de Biermer, maladie de Ménétrier, polypes gastriques adénomateux, antécédents d’ulcère gastrique ou de gastrectomie partielle.
  • Maladies génétiques à risque de cancer de l’estomac : cancer gastrique diffus héréditaire, polypose adénomateuse familiale, syndrome de Lynch.

Risque familial de cancer de l’estomac – mesures de prévention

  • Risque de cancer de l’estomac augmenté chez les apparentés au premier degré d’un patient atteint de cancer de l’estomac.
  • Fréquence de l’infection à Helicobacter pylori et des lésions précancéreuses de la muqueuse gastrique (atrophie, métaplasie intestinale et dysplasie) chez les apparentés au premier degré.
  • Ce risque justifie une démarche de prévention spécifique décrite ci-dessous :
    • si ces apparentés sont âgés de moins de 40 ans : recherche de Helicobacter pylori par test respiratoire ou sérologie,
    • au delà de 40 ans : exploration endoscopique de l’estomac pour rechercher Helicobacter pylori et des lésions précancéreuses.

Sujets à risque de cancer : surveillance et prévention

  • Pays à forte incidence de cancer de l’estomac : dépistage de masse de l’infection à Helicobacter pylori, traitement préventif systématique de l’infection précocement au cours de la vie.
  • Pays à incidence plus faible, comme le France : dépistage systématique de l’infection non recommandé ; nécessité de sélectionner les patients à haut risque de cancer en vue d’un traitement de l’infection.
  • Catégories principales de patients à risque:
    • personnes apparentées au 1er degré à un malade ayant eu un cancer de l’estomac,
    • patients ayant eu une gastrectomie partielle pour cancer ou ayant été traités par endoscopie pour une néoplasie gastrique superficielle (mucosectomie ou dissection sous muqueuse),
    • patients avec une lésion précancéreuse de l’estomac : pan gastrite sévère ou prédominant au niveau du corps de l’estomac, atrophie sévère et/ou métaplasie intestinale étendues, dysplasie, maladie de Biermer, maladie de Ménétrier,
    • patients traités par IPP (Inhibiteur de pompe à protons) depuis plus d’un an,
    • sujets issus de pays à forte incidence de cancer (pays asiatiques ou pays d’Amérique du sud),
    • sujets ayant un syndrome de prédisposition aux cancers digestifs (HNPCC/Lynch).

Exploration endoscopique des sujets à risque de cancer gastrique

  • Endoscopie en première intention chez les sujets à risque âgés de plus de 40 ans.
  • Examen méticuleux de la muqueuse gastrique. Colorations de surface et la chromoscopie virtuelle : facilitent la détection des foyers de métaplasie intestinale.
  • Réalisation systématique d’au moins 5 biopsies gastriques, même en l’absence de lésion évidente : 2 au niveau de l’antre, 1 au niveau de l’angle de la petite courbure et 2 au niveau du corps de l’estomac.
  • Stratification du niveau de risque de cancer par les scores histologiques (OLGA et OLGIM) en fonction de la sévérité et de la topographie des lésions de gastrite chronique atrophique et de métaplasie intestinale.

Traitement d’éradication de Helicobacter pylori

  • Traitement d’éradication justifié en cas d’infection à Helicobacter pylori, quelles que soit les lésions histologiques observées au niveau de la muqueuse gastrique.
  • Utilisation du schéma de traitement séquentiel ou de la quadrithérapie à base de Bismuth.
  • Contrôle de l’éradication par un test respiratoire à l’urée marquée au 13C, 4 semaines après l’arrêt de l’antibiothérapie et 2 semaines après l’arrêt du traitement IPP (sérologie non adaptée au contrôle de l’éradication).

Effet du traitement d’éradication de Helicobacter pylori sur les lésions précancéreuses

  • Risque de cancer gastrique lié à la sévérité et à l’étendue de l’atrophie gastrique, de la métaplasie intestinale, et de la dysplasie.
  • Réversibilité de l’atrophie gastrique et la métaplasie intestinale après éradication de Helicobacter pylori controversée.
  • L’éradication de Helicobacter pylori peut prévenir le développement du cancer gastrique, à condition d’être précoce (plus les lésions précancéreuses sont avancées, plus la probabilité de régression de ces lésions après éradication de la bactérie diminue).

Surveillance endoscopique des lésions précancéreuses

  • Les patients présentant des lésions d’atrophie sévère ou de métaplasie intestinale au niveau de tout l’estomac ou de sa partie proximale doivent être régulièrement surveillés.
    • En l’absence de dysplasie, contrôle endoscopique à 3 ans.
    • En cas de dysplasie de bas grade et en l’absence de lésion endoscopique visible, contrôle endoscopique à 1 an.
    • En cas de dysplasie de haut grade sans lésion endoscopique visible, réévaluation endoscopique immédiate avec biopsies multiples et endoscopie de contrôle à 6 mois puis tous les ans.
    • En cas de lésion endoscopique visible, résection endoscopique pour un diagnostic histologique plus précis.

Surveillance des conditions précancéreuses

Maladie de Biermer

  • Prévalence de l’adénocarcinome gastrique en cas de gastrite chronique atrophique de type A : 1 à 3%.
  • Prévalence des tumeurs carcinoïdes gastriques : 1 à 7 %.
  • Endoscopie recommandée lors du diagnostic de maladie de Biermer pour la recherche de lésions précancéreuses ou de tumeurs carcinoïdes.
  • Intérêt de la surveillance ultérieure non démontré.

Polypes gastriques adénomateux

  • Après une résection endoscopique d’un ou de plusieurs polypes gastriques adénomateux : contrôle à 1 an (recherche de récidive locale ou d’autres polypes).
  • En cas de contrôle négatif : surveillance endoscopique tous les 3 à 5 ans

Antécédents de gastrectomie partielle

  • Cancer du moignon gastrique après gastrectomie partielle : 4 à 6 % des cas.
  • Risque accru 15 à 20 ans après la gastrectomie.
  • Surveillance endoscopique :
    • endoscopie initiale (recherche d’Helicobacter pylori et de lésions précancéreuses au niveau de l’anastomose et du moignon gastrique),
    • en l’absence de lésion : début de la surveillance 15 à 20 ans après la gastrectomie.

Prévention du cancer gastrique au cours des maladies génétiques

Cancers gastriques diffus héréditaires

  • Transmission autosomique dominante ; pénétrance élevée.
  • Mutation germinale du gène CDH1 identifiée dans 50 % des cas.
  • Augmentation du risque de carcinome mammaire de type lobulaire infiltrant et d’adénocarcinome colorectal.
  • Situations cliniques justifiant la recherché d’une mutation du gène CDH1 :
    • au moins deux cas de cancers gastriques de type diffus avérés chez des apparentés au premier ou second degré dont un cas diagnostiqué avant l’âge de 50 ans,
    • au moins trois cas de cancers gastriques de type diffus avérés chez des apparentés au premier ou deuxième degré quel que soient les âges au diagnostic,
    • cancer gastrique de type diffus diagnostiqué à un âge inférieur à 45 ans,
    • association d’un cancer gastrique de type diffus et d’un carcinome mammaire de type lobulaire infiltrant ou d’un carcinome colorectal à cellules indépendantes chez un même individu ou chez deux apparentés au premier ou au second degré,
    • agrégations familiales de carcinomes mammaires de type lobulaire infiltrant non liées à BRCA, en l’absence d’antécédent familial de cancer gastrique.
  • Gastrectomie totale prophylactique chez les individus porteurs d’une mutation du gène CDH1.

Syndrome de Lynch

  • Risque cumulé de cancer de l’estomac : 5 % à l’âge de 70 ans.
  • Pas d’agrégation familiale des cas de cancers de l’estomac.
  • Surveillance endoscopique régulière de l’estomac non recommandée chez les sujets atteints de syndrome de Lynch (recommandations européennes).
  • Proposer une endoscopie OGD en même temps que la coloscopie initiale afin de rechercher une infection à Helicobacter pylori et de l’éradiquer.
  • Surveillance endoscopique de l’estomac souhaitable chez les sujets atteints de syndrome de Lynch issus de pays à forte incidence de cancer de l’estomac.

Polypose adénomateuse familiale

  • Risque de cancer de l’estomac : faible.
  • Risque de cancer du duodénum ou du jéjunum proximal : 300 fois celui de la population générale.
  • Âge de début de la surveillance digestive haute : 20 à 30 ans.
  • Suivi de la polypose glandulo-kystique de l’estomac non recommandé (dysplasie rarement identifiée au niveau des polypes glandulo-kystiques).
  • En cas d’adénomes de l’antre : résection endoscopique.

Références

  1. Malfertheiner F, Megraud F, O’Morain et al Management of Helicobacter pylori infection – the Maastricht IV/Florence consensus Report Gut. 2012;61:646-64.
  2. Fukase K, Kato M, Kikuchi S et al. Effect of eradication of Helicobacter pylori on incidence metachronous gastric carcinoma after endoscopic resection of early gastric cancer : an open-label, randomized controlled trial. Lancet 2008; 372: 392-7.
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  4. Uemera N, Okamoto S, Yamamoto S et al. Helicobacter pylori infection and the development of gastric cancer. New Engl J Med 2001;345:784-9
  5. Wong BC, Lam SK, Wong WM et al. Helicobacter pylori eradication to prevent gastric cancer in high-risk region of china : a randomized controlled trial. JAMA 2004; 291:187-94.
  6. Malfertheiner P, Bazzoli F, Delchier,JC et al Helicobacter pylori eradication with a capsule containing bismuth subcitrate potassium, metronidazole, and tetracycline given with omeprazole versus clarithromycin-based triple therapy: a randomised, open-label, non-inferiority, phase 3 trial. Lancet 2011; 377: 905-13.