Prévention du Cancer de l’Anus

Près de 95% des cancers de l’anus sont des carcinomes épidermoïdes : canal anal dans 75% des cas et marge anale dans 25%. Ils touchent surtout la femme d’âge mur et l’homme jeune particulièrement homosexuel et infecté par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

L’incidence du canal anal a été multipliée par 4 en 30 ans en partie secondaire à l’augmentation des patients immunodéprimés par le virus VIH. Ce cancer est viro-induit par l’infection avec le virus HPV (human papilloma virus).

Un diagnostic précoce des tumeurs de l’anus permet une guérison supérieure à 95% notamment grâce à leur forte sensibilité à la radiothérapie mais elles peuvent aussi être prévenues par le traitement des lésions pré-cancéreuses induites par l’HPV.

L’infection anale à HPV touche 40% des femmes, 12% des hommes hétérosexuels (47 à 60% si homosexuels) et jusqu’à 90% des patients homosexuels VIH+. L’HPV devient plus agressif en cas d’immunodépression laquelle empêche l’élimination du virus et augmente son pouvoir à entrainer des lésions dysplasiques de bas puis de haut grade et enfin cancéreuses.

Les lésions macroscopiques sont individualisées chez 10 à 36% des sujets infectés par le VIH, avec un portage le plus souvent asymptomatique. La population non VIH peut aussi en être porteuse mais la prévalence y est moins connue. Elles se présentent sous forme de lésions planes appelées condylomes, plus ou moins végétantes, appelées « crêtes de coq » ou lésions acuminées. Elles peuvent être de couleurs blanchâtres, grisâtres ou rosées. Les condylomes peuvent être isolées ou en nappes plus ou moins étendues. Plus rarement ces lésions ont un aspect extrêmement étendu, appelée alors tumeur de Buschke Lowenstein.

Les conséquences de l’infection HPV sont :

  • Les lésions macroscopiques sus décrites au niveau de la marge anale, en intra-canalaire ou sur les organes génitaux externes qui sont contaminantes au simple contact, pouvant atteindre d’autres localisation : gynécologique (col utérin) et ORL (cavité buccale).
  • les lésions dysplasiques (AIN pour anal intraépithélial neoplasia) classées en dysplasie de bas grade (AIN 1) dysplasie de haut grade (AIN 2 et AIN 3).
  • la maladie de Bowen qui se présente sous forme de lésions érythémateuses planes, isolées ou confluentes. De la marge anale, pouvant s’étendre jusqu’aux organes génitaux notamment chez les femmes.
  • le carcinome épidermoïde de l’anus.

Le potentiel évolutif vers la dysplasie anale augmente avec le type de virus HPV (les génotypes 16 et 18 étant les plus oncogènes) et le terrain, en particulier l’immunodépression. Le tabac semble aussi favoriser la persistance de l’infection HPV et la dysplasie (1).

En pratique

  • Le dépistage des populations à risque de cancer du canal anal est recommandé par un examen proctologique, car traité tôt ce cancer est de bon pronostic (80% de survie à 5 ans en l’absence de métastase). Il s’agit des patients homosexuels masculin VIH+, les femmes VIH+ aux ATCD de condylomes et/ou dysplasies ou cancers ano-génitaux. L’examen proctologique de dépistage comprend une analyse de la marge anale en déplissant chaque pli radié, un toucher rectal et une anuscopie.

La place de la cytologie anale et de l’anuscopie de haute résolution est en cours d’évaluation dans la pratique courante.

  • La prévention du cancer de l’anus commence par la destruction des condylomes afin d’arrêter leur progression locale, la contamination du ou des partenaires et leur transformation dysplasique.

La méthode de destruction la plus utilisée est la destruction thermique par électrocoagulation au bistouri électrique ou au laser. La cryothérapie et la photocoagulation infrarouge peuvent être utilisé mais avec une efficacité peut-être moindre.

Quelle que soit la technique, elle doit être optimale avec destruction en un temps de l’ensemble des lésions extracanalaires et intra-canalaires. L’analyse histologique de celles qui apparaissent suspectes est indispensable On peut s’assurer de ne laisser aucune lésion en s’aidant d’une coloration à l’acide acétique. Lorsque les lésions sont nombreuses, ces traitements sont réalisés sous anesthésie générale, le plus souvent en ambulatoire.

L’Imiquimod stimule l’immunité locale et permet en quelques semaines la disparition des lésions avec un taux de succès pour les condylomes mal évalué. La tolérance locale est médiocre. Il semble que l’Imiquimod réduise la dysplasie de 43% au lieu de 4% pour le placebo chez des patients homosexuels masculins VIH+.

Après destruction des lésions condylomateuses, la surveillance clinique avec anuscopie permet de s’assurer de l’absence de récidive qui est fréquente.

La vaccination contre HPV actuellement recommandée pour les jeunes filles doit faire partie de la prévention primaire.

Conclusions

Les lésions condylomateuses induites par HPV sont des lésions précancéreuses pouvant évoluer vers le carcinome épidermoïde de l’anus.

L’examen proctologique avec anuscopie doit être systématique quelle que soit la localisation initiale. Le dépistage dans les populations à risque des AIN est conseillé.

La destruction de toutes les lésions doit être la règle. Ces patients sont ensuite suivis régulièrement pour traiter les récidives très fréquentes. La surveillance d’une récidive est importante, surtout dans les populations à risque.

Références

  1. Cotton SC, Sharp L, Seth R, Masson LF, Little J, Cruickshank ME, Neal K, Waugh N. Lifestyle and socio-demographic factors associated with High-risk HPV infection in UK women. Br J Cancer. 2007 Jul 2 ;97(1) :133-9. Epub 2007 May 22
  2. Goldstone RN, Goldstone AB, Russ J, Golstone SE. Longterm follow-up of infrared coagulator ablation of anal high grade dysplasia in men who have sex with men. Dis Colon Rectum 2011;54:1284-92.
  3. Fox PA, Seet JE, Stebbing J, et al. The value of anal cytology and human papillomavirus typing in the detection of anal intraepithelial neoplasia: a review of cases from an anoscopy clinic. Sex Transm Infect 2005;81:142-6.
  4. Abramowitz L, Benabderrahmane D, Ravaud P et al. Anal squamous intra-epithelial lesions and condyloma in HIV-infected heterosexual men, homosexual men and women:prevalence and associated factors. AIDS 2007 Jul 11; 21(11) :1457-65.
  5. Abramowitz L, Mathieu N, Roudot-Thoraval F et al. Epidermoid anal cancer prognosis comparison among HIV infected and noninfected patients: a multicentric cohort study in 151 patients. Alim Pharm Ther 2009: Vol 30: 414-421.
  6. Abramowitz L, Jacquard AC, Jaroud F et al. Human papillomavirus genotype distribution in anal cancer in France: The EDiTH V study. Int J Cancer 2011; (129) 433-439.