Journée Nutrition 2012

Journée de la Commission de Nutrition du CREGG

Conférences

La dénutrition pour les nuls

Dr Pascal Crenn

Résumé :

Les populations à risque de dénutrition sont les patients atteints de cancer, âgés et/ou précaires, les patients sortant de l’hôpital et ceux ayant des troubles du comportement alimentaire (souvent cachés).

Le dépistage est fondée sur l’évolution du poids (et l’IMC, spécifique uniquement en dessous en d’un seuil variable), et l’appréciation des ingesta. Ces derniers peuvent s’évaluer simplement par une échelle analogique (analogue à celle de la douleur).

Les compléments nutritionnels oraux (CNO) doivent être utilisés, après la proposition de l’enrichissement de l’alimentation. Une dénutrition sévère (perte involontaire de plus de 15% du poids) nécessite un bilan et une prise en charge spécialisée.

Les troubles fonctionnels intestinaux chez le patient obèse

Dr Michel Bouchoucha

Résumé :

CEFRED (Centre d’Exploration Fonctionnelle et de REeducation Digestive). Service de Gastroentérologie, Hôpital Avicenne, 125 rue de Stalingrad 93000 Bobigny France

Les relations entre troubles fonctionnels intestinaux (TFI) et obésité restent discutés, bien que la fréquence de TFI soit forte chez les patients souffrant d’obésité. De même l’étiologie de ces troubles et leur évolution après prise en charge endoscopique (ballon gastrique) ou chirurgicale reste inconnue. Nous voulons dans cet exposé résumer brièvement notre expérience.

Relation entre TFI et Obésité

Dans une étude rétrospective portant sur 1340 patients consultant pour TFI et/ou obésité, nous avons recherché à l’aide des critères de Rome III, une relation entre les TFI et l’indice de masse corporelle (IMC). Les patients ont été classés en 5 groupes : Maigreur (IMC<18.5, n=57), Poids normal (18.5<IMC<25, n=488), Surpoids (25<IMC<30, n=288), Obésité (30<IMC<40, n=334) et Obésité morbide (IMC>40, n=173). Les patients du groupe Obésité Morbide étaient plus jeunes (42.4±13.7 ans) et plus fréquemment de sexe féminin (89.5%) que les patients de poids normal. La fréquence des TFI est maximale chez les sujets en surpoids (94.4%), et minimale dans le groupe Obésité Morbide (85.0%) qui présentait la fréquence la plus faible quelque soit le type de TFI étudié (œsophagien, gastroduodénal, intestinal ou anorectal).

L’analyse par régression logistique a montré que l’obésité morbide est uniquement associée à la présence de troubles non spécifiques (p<0.001) alors que l’obésité est associée à une plus grande fréquence de Constipation fonctionnelle (p=0.002) et de Diarrhée fonctionnelle (p=0.003).

Physiopathologie des troubles fonctionnels intestinaux chez le sujet obèse.

Le rôle du microbiote dans la genèse de l’obésité et la pathogénie des TFI a été montré par la revue de la littérature. L’analyse des tests respiratoires à l’hydrogène chez 450 patients souffrant de TFI a montré que, en présence ou en absence de pullulation microbienne, le microbiote des sujets obèses avait une activité métabolique plus importante.

Devenir des troubles fonctionnels intestinaux après chirurgie bariatrique

L’étude a porté sur 93 patients avec anneau gastrique et 70 patients après gastrectomie longitudinale (« sleeve ») par comparaison à 134 patients avec obésité morbide. Après pose d’un anneau gastrique, il existe une plus grande fréquence de dysphagie fonctionnelle (OR=2.24 (1.02-4.72), p=0.04) et de constipation (OR=2.11 (1.28-3.48), p=0.003) et une diminution des troubles non spécifiques (OR=0.36 (0.18- 0.71), p=0.003). Après sleeve, nous trouvons des résultats similaires : augmentation de la dysphagie (OR=3.23 (1.45-7.20), p= 0.003) et de la constipation (OR=2.27 (1.18-4.23), p=0.008) et diminution des troubles non spécifiques (OR=0.46 (0.23-0.94), p=0.031).

Au total, chez les sujets souffrant d’obésité morbide, les troubles fonctionnels intestinaux ne sont pas spécifiques et leur fréquence est inférieure à celle trouvée chez les patients souffrant uniquement de TFI. En post opératoire, il existe une modification de la symptomatologie et une augmentation de la fréquence de la dysphagie et de la constipation.

Suivi nutritionnel après chirurgie bariatrique

Dr Bernard Grunberg

Résumé :

Le suivi d’un patient obèse opéré est indispensable. Les 2 premiers mois la surveillance doit être rapprochée, puis tous les trimestres la première année, puis une à deux fois/an – à vie -.

Suivi pluridisciplinaire qui permet d’évaluer l’évolution de la perte de poids ; d’adapter les traitements des comorbidités (ADO , thyroïde , HTA, dyslipidémie, etc…); de corriger d’éventuels déséquilibres alimentaires ; de traiter des carences = protéines , troubles glycémiques , vitamines (B1, B12, Folates), Fer, oligoéléments (Mg, Zn)

Les supplémentations pourront se faire spécifiquement

  • par Cacit D3, Tardyferon, Vita B12 inject., Magné B6, Alvityl, Rubozinc
  • ou plus simplement et quotidiennement par Surgiline ou Vectipass

Bilan de surveillance systématique :

  • NFS, TP, Fer et saturation ferritine , Glycémie, Lipodogramme, Na, K, Créatinine, Azotémie, ASAT , ALAT, GammaGT, Ca, P, Mg, Vit B1 B6 B12 Folates et bien sûr Albumine et Préalbumine

C’est à ce prix que ces patients tireront vraiment profit de la chirurgie bariatrique, diminueront les risques de complications, et corrigeront leurs comorbidités…

Bon courage !

Intérêts et modalités pratiques de l’activité physique dans l’obésité

Dr Didier Chapelot

Résumé :

La préconisation de l’activité physique dans l’obésité a longtemps été considérée comme accessoire, et avec pour principal objectif l’oxydation des graisses qu’elle occasionnait durant sa pratique, conduisant à la prescription d’une activité « modérée et prolongée » fondée sur la notion de lipoxmax. Or, il est désormais bien établi que lorsqu’elle est suffisamment intense, l’activité physique permet cette oxydation tout au long des 24h qui suivent, et même en période postprandiale. Par ailleurs, renforcement musculaire et exercices intenses et brefs se sont révélés aussi, si ce n’est plus, efficaces sur les facteurs de risques liés à l’obésité que les protocoles aérobie traditionnels. Enfin, les preuves s’accumulent pour montrer que la condition physique permet de réduire, voire d’annuler, la pathogénie de l’obésité, aboutissant même à l’obesity paradox, c’est-à-dire la réduction de la mortalité observée chez les obèses dans certaines situations.

La dénutrition chez le patient obèse

Dr Pascal Crenn

Résumé :

Le diagnostic de la dénutrition chez l’obèse est difficile, l’IMC n’étant pas un paramètre sensible et est ici complètement pris en défaut. Le dépistage est fondé sur l’évolution du poids et l’appréciation des ingesta.

Il est utile de dépister la sarcopénie (perte de masse musculaire), mais son évaluation manque d’outil opérationnel validé pour la pratique usuelle. Un avis d’expert est souvent indispensable.

Comme chez la patient non obèse, les populations obèses à risque de dénutrition sont les patients atteints de cancer, les patients en réanimation, et ceux sortant de l’hôpital. Le suivi post-chirurgie bariatrique est de plus particulièrement important, notamment pour prévenir les carences multiples en micronutriments et vitamines, vectrices de neuropathies diverses.

Perspectives de la chirurgie bariatrique en 2012

Pr Jean Mouiel

Résumé :

La « globépidémie » a gagné la France qui compte désormais 2.2 millions d’adultes obèses et un nombre croissant d’enfants en surpoids ou obèses.

La Haute Autorité de Santé (HAS) a reconnu que seule la chirurgie était efficace à long terme et a publié des recommandations pour la prise en charge multidisciplinaire, le suivi et l’information des patients, ainsi que pour l’organisation de cette chirurgie.

Actuellement, 3 interventions sont pratiquées couramment, l’anneau ajustable, la gastrectomie longitudinale et le gastric bypass : leur gravité va croissant de l’anneau au gastric bypass, de même que leur efficacité sur l’amaigrissement et la guérison des maladies associées.

Le mécanisme des interventions fait l’objet de recherches intenses et l’aspect purement mécanique est complété aujourd’hui par un effet hormonal majeur, en particulier pour le gastric bypass qui permet de guérir le diabète.

C’est pourquoi cette chirurgie se développe considérablement et se structure en centres de traitement multidisciplinaires.

Chirurgie bariatrique et diabète

Dr Robert Caiazzo

Résumé :

La prise en charge nutritionnelle exclusive de l’obésité, reposant sur la modification des habitudes alimentaires, la reprise de l’activité physique et le soutien tant psychologique que social, offre des résultats inconstants et décevants à long terme. La chirurgie de l’obésité est une alternative, invasive, souvent irréversible, mais qui autorise une perte de poids importante et durable au prix d’une mortalité et d’une morbidité non négligeable. Trois interventions représentent en France la quasi totalité de l’activité de chirurgie bariatrique : l’anneau gastrique (AG), la gastrectomie longitudinale (Sleeve gastrectomy, SG) et le court-circuit gastrique (Gastric Bypass, GBP). Chaque intervention offre, à coté de la perte de poids, une amélioration significative de l’équilibre glycémique par diminution de l’insulinorésistance ou par augmentation de l’insulinosécrétion. L’objectif de cette mise au point est de rappeler les mécanismes amenant à la rémission du diabète dans 1 cas sur 2 après AG, 2 cas sur 3 après SG et 3 cas sur 4 après GBP

Gestion endoscopique des complications de la chirurgie bariatrique. Actualités 2012.

Pr Marc Barthet

Résumé :

Les difficultés de l’abord chirurgical chez l’obèse pour réaliser des sleeve gastrectomy ou des gastric bypass ont poussé certaines équipes à développer des méthodes endoluminales . Ces complications sont particulièrement graves compte tenu du surpoids, avec une reprise chirurgicale souvent difficile. Le problème majeur est le moment idéal de l’intervention secondaire. La majorité des fistules se tarit en effet dans les 15 jours mais si la fistule perdure au-delà, ses parois se fibrosent et sa lumière se réepithélialise, rendant sa prise en charge endoscopique difficile.

De nouveaux traitements endoscopiques ont été proposés récemment, au gré des progrès technologiques (3-7). Ils se substituent à une reprise chirurgicale souvent difficile, incomplète et dangereuse. Ces traitements associent l’utilisation de suture endoscopique par clip, l’injection de colles biologiques ou synthétiques, de prothèses expansives couvertes. Aucune étude randomisée n’est disponible et la plupart des séries reposent sur l’évaluation rétrospective de séries de cas. Les apports récents reposent sur la prise en charge plus précoce des complications fistuleuses grâce à une meilleure concertation médico-chirurgicale, l’utilisation de nouveaux clips (OVESCO), le recul des indications des prothèses couvertes, et l’apport des drainages internes par prothèse double queue de cochon, associée éventuellement à un drain naso kystique. Le clip (OVESCO :over the scope clip) est apparu récemment est permet une réparation primaire dans plus de la moitié des cas. Les prothèses double queue de cochon diminuent la durée d’hospitalisation et la répétition des gestes endoscopiques. Les prothèses couvertes intraluminales sont moins utilisées en raison de complications fréquentes (migration >50%), ulcérations de parois et d’une efficacité de plus en plus discutées. Elles gardent leur utilité « pour passer un cap »…

Endobarrier : By Pass endoscopique ?

Dr Vianna Costil

Résumé :

L’Endobarrier est un système temporaire d’exclusion duodéno-jéjunal endoscopique. Il comprenant une ancre en nitinol qui permet d’accrocher, de façon réversible, un tube expansible en polymère mesurant 60 cm au niveau du duodénum et du jéjunum proximal. Le tube est ouvert permettant aux aliments de passer, mais ils ne sont mélangés aux sécrétions biliaires et pancréatiques qu’à leur sortie. Cela entraîne une malabsorption en réalisant un Bypass de l’intestin proximal.

L’Endobarrier a fait l’objet de plusieurs études prospectives randomisées chez des patients candidats à la chirurgie bariatrique dont certains avaient un diabète. Le poids, l’IMC et la PEP ont baissé de façon significative par rapport aux témoins. Le diabète a été significativement mieux contrôlé avec parfois un arrêt du traitement dans le groupe ayant bénéficié de la pose de l’Endobarrier.

Ablation d’anneau gastrique : mode d’emploi

Dr Thierry Manos

Le point sur les ballons gastriques en 2012

Pr Robert Bénamouzig

Essai prospectif randomisé comparant le ballon gastrique et l’acide hyaluronique

Dr Jérome d’Argent

Résumé :

Pour gagner en crédibilité, la recherché de techniques moins invasives est impérative dans le domaine de la chirurgie bariatrique. Une des voies intéressante est la combinaison de techniques innovantes avec des techniques mini-invasives approuvées. Nous avons suggéré l’association sleeve gastrectomie avec une injection sous-hiatale d’acide hyaluronique AH (4 patients vs 4 patients contrôles), produit actuellement utilisé en esthétique et rhumatologie.

La seconde phase de l’essai a consisté en une série randomisée multi-centrique en simple aveugle, comparant les effets d’une injection endoscopique d’AH à ceux d’un ballon gastrique, et testant les effets d’une combinaison séquentielle. 98 patients ont été enrôlés dans 4 centres entre 2010 et 2012. Les résultats préliminaires en termes de perte de poids (notamment à un an) sont en faveur de la combinaison injection, puis ballon ; la voie inverse (ballon, puis injection) s’est avérée peu productive et potentiellement dangereuse (1 cas récent d’abcès hépatique). L’essai continue sur la base de la meilleure séquence, d’autres combinaisons sont à l’étude.