Prise en charge d’une première poussée d’iléite minime à modérée

Iléite minime à modérée : de quoi parle t-on ?

La définition n’est pas consensuelle.

Selon la Classification de Montréal, il s’agit d’une atteinte isolée de l’iléon (L1) non sténosante ni pénétrante (B1).

Une MC légère se définit par l’absence de remaniements tissulaires irréversibles quantifiables par le score de Lémann, c’est-à-dire une forme strictement luminale et inflammatoire ne nécessitant pas le recours à la chirurgie, aux immunomodulateurs, ni aux biologiques avec une absence de sténose, de fistule, de lésion anopérinéale ou de résection intestinale.

Une iléite continue ou discontinue est dite :

  • Localisée si < 30 cm.
  • Extensive si > 100 cm.
  • Entre les deux se situe une « zone grise ».

Le consensus ECCO définit l’activité de la maladie de Crohn (MC) comme légère, modérée ou sévère en fonction du score d’activité clinique CDAI et d’autres critères (Tableau 1).

Tableau 1. Graduation de l’activité selon le Consensus ECCO

Activité minime : CDAI entre 150 et 220. HBI entre 4 et 8

  • Patient en ambulatoire, sans gêne alimentaire, avec une perte de poids < 10 %.
  • Absence de signe d’occlusion, d’hyperthermie, de déshydratation, de masse abdominale ou de sensibilité à la palpation.
  • CRP en général augmentée au-dessus de la limite supérieure à la normale.

Activité modérée : entre 220 et 450. HBI entre 8 et 12

  • Vomissements intermittents ou perte de poids > 10 %.
  • Traitement des poussées minimes inefficaces ou masse sensible.
  • Absence de signe évident d’occlusion.
  • CRP augmentée au-dessus de la limite supérieure à la normale.

Activité sévère : CDAI > 450. HBI > 12

  • Cachexie (IMC < 18 kg/m²) ou occlusion évidente ou abcès.
  • Symptômes persistants malgré un traitement intensif.
  • CRP augmentée.

Il est désormais clairement établi que, pour évaluer l’activité de la maladie de Crohn, il ne faut plus se baser uniquement sur les symptômes mais également prendre en compte des signes objectifs d’inflammation tels que la CRP, la calprotectine fécale, l’activité observée sur l’imagerie en coupes (IRM principalement et scanner) ou échographie et/ou l’activité endoscopique.

Histoire naturelle de la Maladie de Crohn

• La maladie de Crohn se présente initialement sur un mode purement inflammatoire dans 80% des cas, tandis que 20%
des patients présenteront d’emblée une forme compliquée.
• 1/3 des patients ont une localisation purement iléale au diagnostic.
• Après 10 ans d’évolution près de 50 % des patients développent une évolution pénétrante (sténose, fistule).

Identifier les facteurs prédictifs d’une évolution péjorative

Il est déterminant d’isoler les patients à risque d’évolution péjorative qui devront justifier de traitements plus agressifs du fait
d’une histoire naturelle plus sévère.

Des facteurs d’évolution péjorative ont été retenus dans le consensus ECCO :

  • Un âge jeune au diagnostic (<40 ans).
  • Une maladie extensive.
  • La nécessité d’une corticothérapie à la première poussée.
  • L’absence de cicatrisation muqueuse sous traitement.

La présence d’au moins deux facteurs devra faire discuter un traitement précoce par thiopurine et ou biothérapie mais
ils restent peu discriminants en pratique clinique.

  • Le tabagisme actif a été associé à des formes plus agressives de la maladie.

Bilan morphologique initial : cartographie des lésions

  • Coloscopie avec iléoscopie et biopsies multiples : deux par segment colique (recherche d’une atteinte microscopique (statement 2F).
  • Endoscopie digestive haute avec biopsies duodénales, antrales et fundiques est conseillée mais reste encore non consensuelle (statement 2F).

Un bilan d’extension de la maladie sur le grêle doit être réalisé avec une imagerie en coupe qui est complémentaire

Le développement de nouvelles techniques d’exploration de l’intestin grêle, telles le TDM et l’IRM, ou la vidéocapsule, ont permis d’accroitre la mise en évidence de lésions de l’intestin grêle parfois asymptomatiques.

  • Une EntéroIRM / EntéroTDM / Echographie de la fosse iliaque droite pourront être demandées en évaluant le risque d’irradiation avec le scanner.
  • L’IRM, le TDM, l’échographie ont une haute sensibilité pour le diagnostic des sténoses grêliques et complications pénétrantes.
    L’IRM peut aider à déterminer la composante fibreuse ou inflammatoire des sténoses (2I) ;
  • La place de la vidéocapsule du grêle reste à définir. Cet examen apporte probablement des informations plus pertinentes que l’imagerie en coupe sur l’atteinte de la muqueuse du grêle. Néanmoins son indication en première intention dans la maladie iléale du grêle reste à définir. Le consensus ECCO positionne cet examen plutôt dans le diagnostic lorsque
    les autres examens sont négatifs (2L).
  • Il n’y a pas de place pour les marqueurs sériques.
  • Une coproculture sera à discuter avec recherche du Clostridium Difficile et de sa toxine. En fonction des zones de voyage d’autres bactéries ou parasites sont à rechercher (2 E).

Prise en charge thérapeutique

  • L’enjeu est d’introduire le traitement qui permettra de réduire les complications de la maladie et celles d’un surtraitement précoce.
  • Le traitement de premier choix de l’iléite minime à modérée reste le Budésonide 9mg/j (5B) avec obtention d’une rémission à 8 semaines dans 60% des cas. Un schéma de décroissance est préconisé.
  • La corticothérapie systémique peut également être envisagée (5C).
  • Les 5 ASA n’ont pas montré leur efficacité pour le maintien en rémission. Toutefois, ils peuvent être envisagés dans le cadre d’une forme minime avec une atteinte muqueuse superficielle.
  • La prescription systématique d’antibiotiques n’est pas recommandée.
  • L’absence de traitement d’entretien est une option chez certains patients (5A).
  • Les immunomodulateurs se justifient en cas de corticodépendance avec introduction d’une thiopurine ou du methotrexate (6A).
  • Il a été démontré qu’une introduction précoce de thiopurine ne modifiait pas l’histoire naturelle de la maladie (étude RAPID).
  • Dans les formes d’emblée compliquées, avec facteurs péjoratifs ou corticorésistantes, ECCO recommande l’utilisation d’emblée d’un anti-TNF. En cas d’échec ou d’intolérance le Védolizumab est une alternative (5C).
  • La chirurgie est une alternative en cas d’atteinte localisée non inflammatoire avec présence de symptômes obstructifs (7A).

Surveillance

  • La stratégie thérapeutique doit impliquer un suivi rapproché pour réajuster le cas échéant l’option initiale choisie en fonction de la réponse obtenue.
  • Il est nécessaire d’évaluer si le traitement proposé permet d’obtenir une cicatrisation muqueuse et une normalisation des marqueurs de l’inflammation.
  • Les dosages de la CRP et la calprotectine fécale peuvent être utilisés pour la surveillance et prédire la récidive clinique (EL2).
  • En l’absence de rémission profonde à 6 mois une optimisation thérapeutique doit se discuter.

Proposition d’algorithme selon le consensus national

 

Références

  • 3rd European Evidence-based Consensus on the Diagnosis and Management of Crohn’s Disease 2016. Journal of Crohn’s and Colitis 2016
  • Peyrin-Biroulet L, et al Algorithmes de prise en charge de la maladie de Crohn en 2016 : Consensus National Français. Hepato Gastro 2016 ; vol. 23 n° 7 : 619-633, septembre 2016

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