Foie et MICI

Les atteintes hépatiques associées aux MICI sont fréquentes et variées selon le type de MICI (maladie de Crohn (MC) ou rectocolite hémorragique, RCH).

Les anomalies biologiques hépatiques observées, peuvent être transitoires et surviennent habituellement au cours d’une poussée de la maladie ou bien durables et persistent en phase de rémission de la MICI

Quelles pathologies rechercher ?

On distingue de façon schématique :

  • les hépatopathies dites « auto-immunes » qui comprennent la cholangite sclérosante primitive (CSP) la plus fréquente, la cholangite à IgG4, les hépatites auto-immunes, la cholangite biliaire primitive ainsi que les formes de passage et les hépatites granulomateuses rares
  • les manifestations hépato-biliaires et vasculaires compliquant les poussées de MICI : lithiase biliaire, stéatose, amylose, thrombose portale, abcès hépatiques
  • les conséquences ou complications hépatiques de la prise en charge thérapeutique des MICI, notamment par les médicaments ou la nutrition parentérale.

Affections hépatobiliaires associées aux MICI

Lésions fréquentes Lésions diverses rares
Cholangite sclérosante (CSP) Abcès du foie
Hépatite auto immune Thrombose portale
Hépatite granulomateuse Lésions vasculaires du foie
Stéatose Amylose
Lithiase biliaire Obstruction de la VBP

Cholangite Sclérosante Primitive (CSP)

La CSP est une entité particulière associée au MICI. Elle correspond à une atteinte inflammatoire et fibrosante des voies biliaires intra- et/ou extra-hépatiques pouvant évoluer vers la cirrhose. Elle prédomine chez l’homme jeune (moins de 40 ans) avec un mode de révélation très polymorphe.

Découverte :

  • souvent fortuite devant des tests hépatiques anormaux dans le cadre du bilan d’une MICI.
  • parfois tableau biliaire d’angiocholite.
  • rarement tableau d’hépatopathie chronique +/- cirrhose avec HTP.

Dans 2/3 cas la MICI est diagnostiquée avant la CSP.

Son diagnostic est parfois difficile à poser et repose sur l’association d’au moins deux des quatre critères suivants (incluant au moins le critère radiologique ou histologique).

  • des anomalies des tests biologiques hépatiques sous forme d’une cholestase parfois fluctuante et modérée (pANCA présents dans 1/4 à 3/4 des cas)
  • des anomalies radiologiques des voies biliaires intra- ou extra-hépatiques détectées en cholangio-IRM
  • des signes histopathologiques compatibles avec une hépatopathie cholestatique chronique (allant de la classique mais rare cholangite fibreuse et oblitérante qui est pathognomonique, à l’inflammation portale péri-biliaire, l’atrophie des canaux biliaires, ou la simple prolifération ductulaire voire la ductopénie)
  • association à une MICI.

La PBH : non indispensable au diagnostic lorsque signes radiologiques francs mais valeur pronostique. Une PBH normale n’exclue pas le diagnostic (lésions très hétérogènes).

Mauvaise corrélation entre la biologie et la radiologie : le diagnostic de CSP doit être évoqué devant toute anomalie chronique des tests hépatiques d’étiologie indéterminée en présence d’une MICI.

Deux risques majeurs sont associés à l’évolution et au pronostic de la CSP : la survenue d’une cirrhose biliaire secondaire et la dégénérescence sous forme d’un cholangiocarcinome, souvent de topographie hilaire.

Une surveillance annuelle par imagerie (échographie, cholangio-IRM) doit être proposée avec un dosage du ca 19-9.

L’association fréquente de la CSP à une MICI (dans environ 50 % des cas) doit conduire à réaliser une coloscopie et des biopsies coliques étagées systématiques à la recherche de signes endoscopiques et/ou histologiques compatibles avec une MICI.

La CSP est un facteur de risque indépendant de survenue d’un cancer colorectal associé à l’inflammation intestinale et doit conduire à inclure le patient dans un programme régulier (tous les ans) de surveillance endoscopique avec chromomendoscopie dès le diagnostic de CSP.

Une chimio-prévention de la dysplasie colique par l’acide ursodesoxycholique (AUDC) a montré son bénéfice dans ce contexte et doit donc être proposée.

Stéatose

Favorisée par la dénutrition, la corticothérapie, l’alimentation parentérale.

La stéatose, souvent asymptomatique est présente au cours des MICI chez prés de 40% des patients.

Lithiase biliaire

Plus fréquente dans la maladie de Crohn que dans la RCH.

Prévalence estimée entre 13 et 34%.

Fréquente en cas de maladie de Crohn iléale et/ou de résection iléale.

Cholécystectomie systématique non recommandée en cas de résection iléale.

Hépatite auto-immune

Non exceptionnelle, plus fréquemment associée aux RCH.

Difficulté diagnostique parfois entre HAI et CSP : forme mixte chez l’enfant et l’adulte jeune

Pathologies liées au traitement

Elles justifient le suivi strict au début puis tous les 3 mois/sans relâchement.

L’imputabilité des médicaments des MICI est parfois difficile car les causes sont diverses.

Dérivés 5 ASA

Atteinte hépatique aiguë à type de cytolyse et de cholestase ou mixte,

Parfois hépatite granulomateuse.

Manifestations d’hypersensibilité (éruption, hyperéosinophilie), survenant le plus souvent dans les deux premiers mois
de traitement.

ANTI-TNF

Hépatotoxicité propre rare. La toxicité hépatique peut survenir de 2 semaines à 1 an après le début du traitement.

Rechercher facteurs confondants : sepsis, interférence médicamenteuse et virus B et C (risque de réactivation virale B).

Cas particulier : chez le patient porteur de l’AgHbs, après bilan, il est recommandé d’instaurer un traitement pré emptif
systématique. (cf fiche bilan initial IS).

Chez les patients aux antécédents d’hépatite B ancienne et guérie, il est recommandé de réaliser une surveillance
régulière (à 1mois puis tous les 3mois initialement) des transaminases, de l’AgHBs et de l’ADN du VHB.

Méthotrexate

Risque de fibrose hépatique surestimée en raison de séries anciennes, rétrospectives et observationnelles.

Risque décrit pour des durées de traitement > 2 ans et des doses cumulatives > 1 500 mg.

Rechercher des facteurs confondants de fibrose : intoxication éthylique, obésité et diabète. PBH moins recommandée sauf si facteurs confondants ou si valeur Fibroscan > 8,7 kpa (seuil à préciser).

Thiopurines (Azathioprine)

Cytolyse et cholestase précoce sous AZA : rechercher hépatotoxicité

  • peut régresser spontanément
  • si ne régresse pas, diminuer la dose d’AZA (pas de valeur seuil)
  • sinon, pause et switch AZA/6-MP, après normalisation du bilan hépatique
  • la récidive à la ré-administration confirme l’hépatotoxicité.

Cytolyse et cholestase d’apparition secondaire penser à :

  • une CSP
  • une réactivation virale
  • une atteinte de l’endothélium vasculaire (peliose, maladie veino-occlusive…)
  • une HNR ++ (hyperplasie nodulaire régénérative).

HNR : Hyperplasie Nodulaire Régénérative

  • atteinte non fibrosante du foie pouvant induire une HTP symptomatique sans IHC habituellement
  • prévalence et facteurs de risque mal connus
  • diagnostic difficile avant les complications, valeur de la thrombopénie
  • diagnostic affirmé par la PBH
  • risque cumulatif sous thiopurines de 1,25 % à 10 ans, délai moyen d’apparition à 48 mois. Imagerie parfois prise à défaut avec foie nodulaire à l’IRM et diagnostic de cirrhose à tort
  • facteurs de risque : sexe masculin et forme sténosante (résection supérieure à 50 cm de grêle). Complications
    possibles : HTP et CHC
  • surveillance « comme une cirrhose », avec échographie et dosage AFP tous les 6 mois et EOGD pour rechercher de varices œsophagiennes.

Quel bilan demander ?

↑des Transaminases (+/- GGT)
Hépatite ou cholestase aiguë
↑Phosphatases (+/- GGT)
Hépatite chronique
Toxicité médicamenteuse Cholangite sclérosante
Hépatites virales A, B, C, E, CMV, EBV, herpès HNR (médicamenteux)
Hépatite auto-immune Hépatite chronique virale B et C
Cholangite sclérosante Intoxication OH chronique
Migration lithiasique Hépatite auto-immune
Sepsis Stéato-hépatite métabolique
Amylose

En première intention, on pourra réaliser le bilan suivant :

  • Hémogramme, Electrophorèse des protides, glycémie, bilan lipidique.
  • TSH.
  • Sérologies virales B et C.
  • ACAN, Ac anti-muscles lisses, Ac anti-LKM et Ac anti-mitochondrie.
  • Si hépatite d’allure aiguë : rajouter sérologies virales A, E, CMV, EBV, herpès.
  • L’échographie hépatique : devra rechercher une stéatose, une pathologie lithiasique ou des anomalies des petites voies biliaires et des vaisseaux.

En deuxième intention

  • Cholangio IRM : rechercher CSP à faire en première intention si forte suspicion.
  • PBH : recherche HNR, surtout si le patient est traité par Azathioprine depuis quelques années.
  • Coloscopie annuelle si CSP et RCH ou Crohn colique.

Avant d’instaurer un traitement immunosuppresseur

Il est nécessaire de faire un bilan à visée hépatobiliaire :

  • NFS, ALAT, ASAT, GGT, PAL, Bilirubine totale et conjuguée.
  • Sérologies virales B, C, E, CMV, EBV.
  • Une échographie hépatique peut se discuter chez certains patients à risque de syndrome métabolique.
  • Une élastométrie peut également se discuter avant la mise en route d’un traitement par MTX.

Réalisé avec le soutien institutionnel de

msd