Colite aiguë grave

Définition

  • La colite aiguë grave (CAG) est une complication classique des MICI, plus particulièrement de la rectocolite hémorragique, chez 10 à 15%des malades. Elle peut être observée dans la maladie de Crohn et certaines colites infectieuses comme la colite à clostridium difficile qui peut compliquer également une MICI.
  • Elle peut être inaugurale (on parlera alors de « colite inclassée ») ou émailler l’évolution de la maladie.
  • La CAG est une poussée de la maladie qui peut être mortelle (mortalité estimée à 2 % encore).
  • La CAG est une urgence médicochirurgicale nécessitant une identification rapide et une prise en charge rapide.
  • La suspicion diagnostique repose sur des critères clinico-biologiques (formalisés par des scores) éventuellement étayés par des critères endoscopiques.

Identifier les formes graves :les critères clinicobiologiques (cf. annexe 1)

Une poussée de RCH avec au moins 6 évacuations glairo-sanglantes par jour et des signes généraux (T° > 37,8 ; pouls > 90) et/ou biologiques (hb < 10,5 g/ld ; VS > 30) doit être considérée comme une poussée sévère.

Les Scores de Truelove et de Lichtiger sont les scores actuellement retenus pour identifier rapidement et facilement, en pratique clinique, les malades en poussées sévères.
Un score clinique de Lichtiger > 10 définit la poussée sévère.

Le bilan à l’admission

5 étapes

  • Étape 1: Retentissement sur l’état général  
    • NFS, CRP, ionogramme, urée, créatinine, hémostase, albumine
    • Hémocultures, si fièvre
       
  • Étape 2: Rechercher une surinfection et la traiter :  
    • Coprocultures avec recherche toxine clostridium difficile et parasitologie
    • En fonction du contexte : cytomégalovirus (cf. fiche CMV)
       
  • Étape 3 : Éliminer une complication (colectasie, perforation, abcès)  
    • Au minimum : ASP, si possible TDM abdomino-pelvien
       
  • Étape 4 : Bilan endoscopique par rectosigmoïdoscopie prudent  
    • Arrêt dès la constatation de lésions de gravité (l’un des signes suivants est suffisant) :  
      • ulcérations creusantes, ulcérations en puits
      • décollement muqueux avec mise à nu de la musculeuse
         
    • Rechercher sur biopsies une infection par le CMV
       
  • Étape 5 : Anticiper l’usage d’un traitement immunomodulateur ou anti-TNF  
    • Cf. fiche MICI mémo 1 : Bilan à réaliser avant la mise en route d’un traitement immunosuppresseur
       

Prise en charge thérapeutique

L’objectif est simple : sauver la vie du malade.
La base du traitement repose sur une corticothérapie IV pour une courte durée, selon des règles bien définies et un recours rapide à la chirurgie si nécessaire.
La chirurgie (colectomie) doit être discutée à chaque étape, voire chaque jour.
Le score de Lichtiger est mesuré chaque jour.

5 étapes

  • Étape 1 : J 0  
    • Corticothérapie par voie veineuse : méthylprednisolone 0,8 mg/kg/j pour une durée maximale de 5 à 7 jours (ECCO 2012)
    • Lavement de corticoïde
    • Mise au repos digestif et support nutritionnel (calories-vitamines-minéraux)
    • HBPM à dose préventive
    • L’antibiothérapie et la nutrition parentérale totale n’améliorent pas les performancesdu traitement et ne sont donc pas systématiques.
       
  • Étape 2 : de J 1 à J 5
    Suivi quotidien médico-chirurgical : mesure quotidienne du score de Lichtiger
    Objectif : obtenir une réponse clinique rapide
    Définition : score < à 10 deux jours consécutifs et une baisse > à 3 points par rapport au score de départ
    À J 3 : la persistance de plus de 8 selles/j avec une CRP > 45 mg/l peut prédire l’échec du traitement
    L’échec des corticoïdes doit être anticipé dès J 3 afin d’envisager, soit une colectomie précoce, soit un traitement médical de 2e ligne.
  • Étape 3 : Évaluation à J 5-7  
    • Succès : retour au schéma de prise en charge classique
    • Échec : après avoir rediscuté l’option chirurgicale, discuter d’un traitement immunosuppresseur en fonction de l’utilisation antérieure :  
      • patient naïf d’immunosuppresseur : IFX ou ciclosporine IV 2 mg/kg/j (en attaque)
      • patient sous immunosuppresseur : Infliximab 5 mg/kg (S0, S2 et S6).
         
      L’utilisation de la ciclosporine imposera la réalisation d’un «bridge »par l’azathioprine àcourt terme.
  • Étape 4 : de J 5-7 à J 14-21  
    • Suivi quotidien toujours médico-chirurgical.
       
  • Étape 5 : Évaluation finale : J 14 à 21  
    • Succès : retour au schéma classique
    • Échec :  
      • la chirurgie est recommandée après échec de deux lignes de traitement médical en dehors d’essai
      • les « cross over » ciclosprine/infliximab ou vice-versa ne sont pas, pour l’instant, validés (limités aux centres experts).
         
       

Annexe 1 : Les scores clinicobiologiques

Score de Truelove et Witss modifiés

Critères de Truelove et Witts modifiés
Poussée sévère : présence du premier critère et d’au moins 1 des 6 autres
Nombre d’évacuations par 24 h>5
Rectorragiesimportantes
Température (°C)> ou = 37.5
Pouls (/min)> ou = 90
Taux Hémoglobine< ou = 10
VS (en mm à la 1ère heure)> ou = 30
Albuminémie (en g/l)< ou = 35

Critères d’Oxford modifiés : 2 critères + Albuminémie < 35 g/l*

Score de Lichtiger

Score
Diarrhée : nombre/24h0-20
3-41
5-62
7-93
104
Diarrhée nocturne Non0
Oui1
Rectoragies visibles :
% de nombre de selles   
00
< 50%1
> 50%2
100%3
Incontinence fécale Non0
Oui1
Douleurs abdominales   Non0
Minimes1
Modérées2
Sévères3
État général     Parfait0
Très bon1
Bon2
Moyen3
Mauvais4
Très mauvais5
Tension abdominale   Non0
Minime localisée1
Minime à modérée diffuse2
Sévère/tendue3
Traitement anti-diarrhéïque Non0
Oui1
TOTAL

Arbre décisionnel

D’après A. Bitton et al. Am J Gastroenterol 2012

Colite aigüe : arbre décisionnel

Indications de colectomie subtotale en urgence

  1. Colectasie ou mégacôlon toxique :
    1. Distension colique radiologique >6cm
    2. Tableau toxique (tachycardie >120/min, fièvre >38,5°, GB >11000/mm
     
  2. Perforation colique
  3. Abcès abdominal
  4. Hémorragie digestive basse massive