Bilan à réaliser et situations particulières avant la mise en route d’une biothérapie ou d’un immunosuppresseur

La prescription d’un traitement immunomodulateur (corticoïdes, thiopurines, méthotrexate, anti-TNF, ciclosporine,…), impose de réaliser un bilan pré-thérapeutique pour limiter les risques infectieux (consensus ECCO). Certaines particularités devront s’appliquer en fonction de l’immunosuppresseur choisi. Le check list ECCO peut être utilisé : https://www.ecco-ibd.eu

À l’interrogatoire, vérifier l’absence :

  • D’infection sévère, chronique ou récidivante : bactériennes (spécialement urinaire), fongiques, virales : VHB, varicelle-zona, herpes simplex
  • De tuberculose latente ou active : (surtout avec les Anti-TNF):
    • date de la dernière vaccination
    • contact avec des patients tuberculeux
    • pays d’origine ou séjours prolongés dans un pays endémique pour la tuberculose
    • antécédents de traitement de tuberculose latente ou active
  • De séjour ou de voyage en zone tropicale ou dans des régions d’infections endémiques
  • D’antécédent d’affection auto immune systémique (lupus, hépatite, vascularite)
  • D’une Néoplasie récente < 5 ans, hémopathie, lymphome
  • De neuropathie démyélinisante comme la SEP (CI : anti-TNF), névrite optique
  • D’insuffisance cardiaque congestive sévère stade III ou IV NYHA (CI : anti-TNF)
  • De pneumopathie interstitielle, BPCO, asthme sévère
  • De grossesse évolutive ou un désir
  • De Vaccination récente avec un vaccin vivant (fièvre jaune, BCG)

À l’examen physique

Ne pas ignorer des signes cliniques mineurs qui peuvent avoir des conséquences chez des patients immunodéprimés :

  • Vérifier l’absence :
    • de signes locaux ou généraux d’infection (gingivite, candidose orale ou vaginale, intertrigo…)
    • de foyer infectieux : dentaire, urinaire, cutané, ORL…
    • d’Adénopathies
    • de signes broncho pulmonaires ou insuffisance cardiaque
    • de signes d’auto immunité
    • de signes orientant vers une hémopathie ou néoplasie

Les examens complémentaires à demander

Idéalement, réaliser ce bilan dès le diagnostic de maladie inflammatoire pour connaître le statut immunitaire des patients et identifier les risques avant la mise en route d’un traitement immunosuppresseur :

  • De façon systématique :  
    • NFS, CRP, bilan hépatique, électrophorèse des protéines sériques
    • Créatinine et ionogramme sanguin
    • Sérologies EBV, CMV et VZV si absence de varicelle documentée
    • Béta-HCG, si femme   
    • AC Anti nucléaires et anti-DNA natifs (risque de maladie auto-immune, lupus surtout avec les anti-TNF)
    • Radio thorax (pour les anti TNF)
    • IDR à la tuberculine (tubertest 5 UI ) ou QuantiFERON ou T.SPOT
  • Cas particuliers :  
    • Coproculture avec analyse parasitologique si risque d’infection parasitaire (voyage)
    • Sérologie de la strongyloïdose si retour de zone endémique
    • ECBU si ATCD d’infection urinaire à répétition
    • Cholestérolémie et magnésiémie pour l’utilisation de la ciclosporine   

Rechercher une tuberculose (Obligatoire avec les anti-TNF et certaines biothérapies)

La recherche de tuberculose est obligatoire pour les Anti-TNF et doit être considérée avant l’utilisation d’immunosuppresseur. Une recherche avant mise en route d’un traitement immunosuppresseur simplifie souvent l’interprétation des résultats ultérieurs :

  • Interrogatoire : cf. supra
  • Radio thorax de face
  • IDR 5UI (tubertest) : positif si diamètre de l’induration (48 à 72h)  supérieure à 5 mm ou virage tuberculinique en cas d’antécédents de vaccination par le BCG
  • ou test interféron-gamma : (QuantiFERON-TB® ou le T-SPOT.TB®) selon recommandation AFSSAPS

Organiser

  • Consultation gynécologique : frottis cervical (éliminer HPV et dysplasie)
  • Bilan dermatologique rechercher mélanome ou autre si doute à l’examen clinique initial

Contrôler et mettre à jour les vaccinations +++ (cf. fiche vaccination)

Vaccins recommandés :

  • vaccin VZV si sérologie négative ou absence de varicelle
  • vaccin HPV (Human papilloma Virus) si jeune fille adolescente
  • vaccin pneumoccique (prevenar / pneumo23)
  • vaccin hépatite B si non-fait et sérologie négative
  • vaccin contre la grippe saisonnière et A (H1N1) tous les ans

Précautions particulières

Azathioprine et 6-mercaptopurine :

  • l’association à l’allopurinol augmente les risques de toxicité, notamment hématologique
  • Il en est de même avec les 5 ASA à forte dose

Méthotrexate :

  • risques d’hépatotoxité accrus en cas de consommation excessive d’alcool, d’obésité et de diabète
  • ne doit pas être utilisé en association avec le Bactrim®
  • toxicité accrue en cas d’insuffisance rénale

Ciclosporine :

  • risque de surdosage en cas d’hypocholestérolémie et d’hypomagnésiémie

L’association de traitements immunosuppresseurs entre eux augmente les risques infectieux surtout en présence de corticoïdes.

Situations particulières avant de débuter un anti-TNF

  1. Cancers solides et anti TNF


    Avant le traitement : il convient de s’assurer avant traitement par anti-TNF que le dépistage recommandé pour tout sujet de même sexe et de même âge a bien été effectué.

    En présence de lésion précancéreuse, un avis auprès du spécialiste concerné devra être pris avant l’instauration du traitement.

    En cas d’antécédent de cancer solide :
    • Cancer solide < 5 ans.L’instauration d’un traitement par anti-TNF n’est pas recommandée. Il est préférable d’envisager d’autres thérapeutiques dans cette population à risque. En l’absence d’alternative une discussion en RCP oncologique devra se faire après information du patient
    • Cancer solide > 5 ans et présumé guéri. Il est possible d’instaurer un traitement anti-TNF en cas de cancer > 5 ans et présumé guéri (grade C). Il est recommandé de prendre cette décision en concertation avec le spécialiste qui a pris en charge la tumeur initiale ou un cancérologue et après information du patient.
      Cas particulier des cancers cutanés non mélaniques :
    • pour les carcinomes basocellulaires, un traitement anti-TNF peut être débuté si le cancer est localisé et a été traité (AE)
    • pour les carcinomes cutanés épidermoïdes (aussi appelés spino- cellulaires) traités, il est recommandé de prendre un avis spécialisé avant d’instaurer le traitement.
      Surveillance carcinologique d’un patient sous anti-TNF :
      Il est recommandé de poursuivre le dépistage de cancer selon les pratiques en vigueur pour un sujet de même âge etde même sexe.Une surveillance particulière doit être proposée en cas de lésion pré-néoplasique connue
      Que faire en cas de survenue d’un cancer sous anti-TNF ?
      En cas de découverte d’un cancer solide sous anti-TNF, l’arrêt de l’anti-TNF est recommandé (AE).
  2. Infections et anti-TNF

    • Le VIH

      • Les anti-TNF peuvent être proposés chez des patients séropositifs pour le VIH en concertation avec un médecin spécialiste dans le domaine du VIH, afin d’évaluer le rapport risque/bénéfice pour chaque patient (AE)
      • Il est recommandé que le traitement par anti-TNF ne soit débuté que si le patient est estimé contrôlé d’un point de vue immunovirologique en termes de lymphopénie CD4 et de charge virale
      • Sous traitement anti-TNF, un suivi clinique et biologique (lymphocytes CD4 et charge virale) régulier auprès d’un médecin spécialiste du VIH est recommandé (AE)
      • Le calendrier vaccinal doit être mis à jour en tenant compte des spécificités du sujet VIH et des contre-indications liées aux anti-TNF (AE)
    • L’Hépatite B (VHB)

      • Chez les patients séronégatifs pour le VHB :
        • il est recommandé de proposer la vaccination anti-VHB avant l’instauration des anti-TNF (AE)
        • Il est recommandé d’effectuer une mesure de l’ADN du VHB (charge virale du VHB) dans les situations dites à risque de réactivation virale : positivité de l’AgHBs et/ou des Ac anti-HBc (AE)
      • Chez les patients porteurs de l’AgHBs (hépatite chronique active ou porteurs inactifs) :
        • il est recommandé d’instaurer un traitement pré-emptif systématique par analogues nucléos(t)idiques après avis spécialisé
        •  avec une surveillance régulière (à 1 mois puis tous les 3 mois) des transaminases et de l’ADN du VHB
        • en cas d’arrêt du traitement anti-TNF, le traitement pré-emptif sera poursuivi 6 à 12 mois après l’arrêt du traitement par anti-TNF.
        • Chez les patients traités par analogues nucléos(t)idiques pour l’infection chronique par le VHB, il est recommandé d’attendre la négativation de l’ADN du VHB avant de débuter le traitement par anti-TNF (AE).
      • Chez les patients aux antécédents d’hépatite B ancienne et guérie :
        • il est recommandé de réaliser une surveillance régulière (à 1mois puis tous les 3mois initialement) des transaminases, de l’AgHBs et de l’ADN du VHB
        • mais pas de traitement pré-emptif systématique.
          En cas de réactivation virale B confirmée, la mise en route d’un traitement antiviral B est alors recommandée. L’arrêt du traitement par anti-TNF sera préféré, mais son maintien pourra se discuter au cas par cas (AE).
  3. Sujets âgés et anti-TNF

    • L’utilisation des anti-TNF n’est pas contre-indiquée chez les sujets âgés de plus de 65 ans (AE).
    • il n’y a pas lieu d’envisager d’adaptation posologique chez les sujets âgés de plus de 65 ans (AE)
    • au cours du bilan préalable à l’instauration d’un anti-TNF, il est recommandé de rechercher à l’interrogatoire les antécédents de néoplasie solide et d’hémopathie maligne et de suivre les recommandations correspondantes.
    • il n’est pas recommandé de renforcer le dépistage carcinologique avant et pendant le traitement par anti-TNF(PSA, sénologie. . .) des patients de plus de 65 ans par rapport à la population du même âge et de même sexe(grade C).
  4. Grossesse  

    (voir fiche correspondante)
    • il n’y a pas de contre indication à mener une grossesse sous anti TNF
    • le traitement pourra être poursuivi sous certaines conditions
    • il n’y pas lieu de préconiser une interruption de grossesse

Référence

JF Rahier et al. Second European evidence-based consensus on the prevention, diagnosis and management of opportunistic infections in inflammatory bowel disease. Journal of Crohn’s and Colitis (2014) 8, 443-468

V Goëb et al, Conseils d’utilisation des traitements anti-TNF et recommandations nationales de bonne pratique labellisées par la Haute Autorité de Santé Française. Société Française de Rhumatologie : 2013. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1701342/fr/label-de-la-has-anti-tnf-conseils-d-utilisation-et-recommandations-de-bonne-pratique