Symposium International MICI 1999

Le point sur la recherche dans les MICI

Les MICI entrent dans le cadre des maladies multifactorielles ce qui inclut les facteurs d’environnement. JP Hugot (Paris) a rappelé qu’il existe une quasi certitude de prédisposition génétique avec au moins deux gènes de prédisposition sur les chromosomes 12 et 16.

Pour J Lennard-Jones (Londres), lorsqu’un des parents est atteint de MICI, le risque relatif de MICI est multiplié par 15 chez l’enfant, alors que la prévalence n’est pas très élevée : 1 à 4% si un seul parent est atteint, mais nettement plus si les deux parents sont porteurs de MICI. En cas d’atteinte du premier enfant le risque que le second soit porteur de l’affection est de l’ordre de 10%.

JF Colombel (Lille) a fait le point sur les pANCA et les ASCA. La prévalence de pANCA (antineutrophil cytoplasmic antibodies) dans la RCH est de 26 à 84 % contre 4 à 25 % dans la MC. A l’inverse les ASCA (anti-Saccharomyces cerevisae antibodies) s’observent dans 48 à 69 % des MC contre 5 à 15 % des RCH. Mais ces deux tests, utilisés isolément, ont une mauvaise sensibilité. Une étude récente sur une série pédiatrique montre que la combinaison des deux tests accroît considérablement la spécificité et la sensibilité (respectivement 95% et 96%). Cette combinaison pourrait être intéressante pour différencier la diarrhée des MICI des autres diarrhées, par exemple l’association pANCA- et ASCA+ aurait une VPP de 96% en cas de MC.
Selon P Desreumaux (Lille) la réponse immunitaire évolue en fonction des stades de la MC. Les cytokines immuno-régulatrices, intervenant dans la susceptibilté et la résistance aux agents infectieux dans les mécanismes allergiques et dans la régulations des cytokines inflammatoires, sont classés en 2 types de profil : Th1 et Th2. Elles sont synthétisées dans la muqueuse intestinale. Les Th1 sont impliquées dans l’activation du système immunitaire cellulaire, la résistance aux infections bactériennes, les réactions d’hypersensibilité retardée et dans la synthèse d’IgG2a. Les Th2 interviennent dans la synthèse d’IgE, l’activation et le recrutement des éosinophiles, la résistance aux infections parasitaires, les mécanismes allergiques et la susceptibilité aux infections bactériennes. Suivant le stade évolutif de la MC les profils changent, passant d’un profil Th2 en phase précoce à un profil Th1 en phase chronique. Mais cette réponse immunitaire n’est probablement pas spécifique de la MC.

Traitement médical des MICI

Les critères de TRUELOVE et WITTS sont souvent pris en défaut mais restent pratiques dans l’évaluation et la surveillance des RCH.

Dans une forme modérée de RCH, G Järnerot (Suède) utilise la prednisolone en ambulatoire, à la dose de 40 mg/j. En cas d’échec à la quatrième semaine, il hospitalise le patient pour un traitement plus énergique. Le traitement d’entretien ne fait pas appel aux corticoïdes mais à l’azathioprine et aux 5 ASA. A ce stade la 6 mercaptopurine donne 65 % de réponses mais on observe régulièrement une récidive à l’arrêt du traitement.
Dans la maladie de Crohn, J Schölmerich (Regensburg-Allemagne) conseille en premier lieu d’interrompre le tabac. Il a rappelé l’intérêt des micro-granules de mésalasine qui, à la dose de 4g par jour, donnent 75 % de réponses contre seulement 60 % avec la présentation en comprimés. L’intérêt du budésonide dans les formes iléo-coliques localisées est confirmé. La possibilité d’un traitement “fort” à 18 mg/j au lieu de 9 mg/j a été proposé dans les formes iléo-coliques étendues, si le CDAI > 300, sans dépasser 8 semaines (avec dans ce cas une réponse de 75 % vs 25 %). Mais, à ces doses, R Modigliani a rappelé que l’on observe alors des mêmes effets secondaires systémiques identiques à ceux de la corticothérapie classique.

L’azathioprine (AZA) au long cours est souvent utilisée pour le traitement d’entretien de la MC. Selon H Hodgson (Londres) à la dose habituelle de 2 à 2,5 mg/kg/j per os, 60 % des MC répondent au traitement. L’une des voies d’inactivation de l’AZA fait appel à TPMT (Thiopurine Méthyl Transferase) qui fait défaut dans 0,3 % des cas, ce qui augmente le risque de leucopénie. Il peut donc être intéressant de rechercher un déficit en TPMT.

Les alternatives à la corticothérapie classique (R Modigliani) comprennent l’utilisation du budésonide, stéroïde à haut pouvoir topique anti-inflammatoire et faible biodisponibilité due à la destruction hépatique rapide de la molécule. Dans les formes cortico-dépendantes de MC, le budésonide à la dose de 6 mg/j permet l’arrêt de la prednisolone dans 83% des cas. La rémission a été maintenue dans 68% des cas de substitution à 3 mois, dans une série de 110 patients cortico-dépendants. Dans les formes cortico-résistantes, les MC sévères peuvent bénéficier de la ciclosporine, de la nutrition parentérale ou de l’utilisation d’un anti-corps monoclonal (Infliximab).

A ce jour 18 000 MC ont été traitées aux USA par l’Infliximab. Une amélioration significative a été observée dans 62 % des formes notamment fistulisantes ou des poussées sévères, et cela pendant 10 semaines environ. Néanmoins 80 % des malades récidivent à 3 mois, ce qui soulève de nombreuses questions : Combien d’injections faut-il ? A quel rythme ? Quels sont les effets secondaires, notamment immuno-allergiques ? A noter que S Schreiber (Kiel) a signalé qu’aucun cas de lymphome n’a été rapporté.
P Rutgeerts (Louvain) a souligné que les récidives post-opératoires de la MC sont fréquentes. Des signes de récidives endoscopiques (souvent symptomatiques) apparaissent chez 73% des patients dès la 1ère année et chez 85% à la 3ème année. Les signes cliniques se manifestent en moyenne dans 40% des cas deux ans après l’intervention. Les formes iléocoliques récidivent plus fréquemment que les formes purement coliques. Le tabagisme favorise la récidive. Le ” flux fécal ” joue aussi un rôle dans la récidive de la MC, en effet, tant que l’anastomose chirurgicale est protégée par une stomie en amont, il n’y a pas de récidive lésionnelle.
Les avis divergent quant à l’attitude à adopter après résection chirurgicale. Pour H. Lochs (Berlin), il convient de mettre en route un traitement de 3 mois par métronidazole (à la dose de 20 mg/kg/j) relayé par les dérivés du 5 ASA en cas localisation iléale initiale ou par une association 5 ASA + AZA en cas de localisation iléo-colique initiale. G D’Haens (Louvain) procède de la façon suivante :

  • si l’iléocoloscopie post-opératoire ne révèle aucune lésion et qu’il s’agit de patients à faible risque on peut ne proposer aucun traitement préventif,
  • s’il y a quelques lésions endoscopiques, mais que le patient n’est pas ou peu symptomatique, il prescrit de la mésalazine (3 à 4 g/j),
  • si les lésions endoscopiques sont importantes et le patient symptomatique, il préconise le budésonide (3 mois) associé à l’AZA (2 à 2,5 mg/kg/j ),
  • les patients à haut risque de récidive, ou opérés à plusieurs reprises, sont immédiatement mis sous AZA au long cours associé à du métronidazole pendant 3 mois.

Marc Lémann (Paris) a insisté sur les fausses résistances au traitement plus fréquentes que les résistances authentiques. Ces fausses résistances peuvent être liées à la mauvaise compliance thérapeutique, à un syndrome de l’intestin grêle, à une surinfection à CMV., à des symptômes dus à une résection du grêle, à une intolérance médicamenteuse ou à un sevrage de corticoïdes., à l’aggravation de la maladie elle-même. Néanmoins, certaines résistances :

  • aux corticoïdes dans le traitement des RCH, pourraient avoir une origine génétique (expression accrues des récepteurs GCRb), gène MDR…),
  • aux immunosuppresseurs, AZA et 6 MP, seraient dues à l’expression accrue du TPMT. Il faut alors doser les métabolites actifs (thioguanines) pour adapter la posologie,
  • dans les formes résistantes de MC impliqueraient le gène MDR (Multiple Drug Resistance).

Traitement chirurgical des MICI

Malgré les nouveautés récentes de l’arsenal thérapeutique, la chirurgie garde une place de choix dans le traitement des MICI.

R. Parc (Paris) pense que si la coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale (IPAA) reste le ” gold standard ” dans le traitement chirurgical des RCH sévères, il reste une place, certes minime (4 à 5%), pour l’anastomose iléo-rectale qu’il propose à des malades très sélectionnés (absence d’impériosité, rectum distensible, maladie tardive, doute quant au diagnostic différentiel avec une MC, malade fidèle à la surveillance.).

Y Panis (Paris) pense qu’il reste une place pour l’anastomose iléo-anale avec confection d’un réservoir dans des cas très sélectionnés de MC (absence d’atteinte ano-périnéale, de lésions du grêle). Néanmoins, un nombre important de ces patients ont du subir ultérieurement l’ablation de leur réservoir. La chirurgie laparoscopique dans la MC et dans la RCH a été défendue par M.A.Cuesta (Amsterdam), sur une série personnelle de 44 malades (30 MC et 14 RCH). Il n’a eu qu’une conversion en laparotomie à faire au cours d’une RCH très sévère, et deux complications sévères (une hémorragie, et un abcès réopérés). La faisabilité et la sûreté de la technique, avec des suites post-opératoires simples, raccourcissant les délais de séjour, lui font choisir cette technique en première intention.

La classification de Vienne

En 1998, une approche intéressante avait été proposée par la classification de Vienne qui isolait des sous-groupes de MC. C. Gasche (San Diego) s’intéresse aux formes dites ” pénétrantes ” et aux formes ” non pénétrantes “. Il rappelle que le sous-type B3 correspond aux formes ” pénétrantes ” qui ont tendance à développer des fistules. Quatre vingt seize pour cent se développent en amont d’un rétrécissement. Un nombre important de fistules sont borgnes, ne pénétrant que dans le mésocolon. L’échographie, pratiquée par des échographistes entraînés est aussi sensible que l’IRM et le scanner spiralé, pour les reconnaître.
La répartition des MC entre formes perforantes et non perforantes ne fait pas l’unanimité. D. Sachar (New York) est “pour” car il pense que cette classification est utile pour la clinique et la thérapeutique ; alors que G.Hellers (Stockholm) est “contre”, car l’on ne peut comparer les fistules abdominales et les fistules périnéales de la MC. Après chirurgie, le taux de récidive a paru plus faible dans les formes fistulisées que dans les autres.

Atteintes ostéo-articulaires au cours des MICI

S Meurissen (Amsterdam) a souligné que les manifestations articulaires sont fréquentes au cours des MICI. Le mécanisme de cette atteinte est auto-immun faisant intervenir l’effet des antigènes bactériens sur la synoviale et une protéine d’adhésion vasculaire (VAP).
Cette spondyloarthropathie est plus fréquente en cas d’atteinte colique étendue ou de pouchite. Le traitement est difficile, et peut faire appel aux AINS, qui sont parfois mal tolérés. La corticothérapie locale, la rééducation, la physiothérapie, le repos, les analgésiques et la salazosulfapyridine sont prescrits avec plus ou moins de bonheur.
La sacro-iléïte est volontiers associée à la présence d’HLA-B27. Il est essentiel de surveiller la déminéralisation au cours des MICI, où l’ostéopénie et l’ostéoporose sont très fréquentes. La malabsorption y joue un rôle important, la corticothérapie aussi, sans oublier les déficits hormonaux induits par l’activité de la maladie, le tabac.
Il est utile d’effectuer des ostéodensitométries (DXA-scan), de traiter par calcium, vit-D et sans doute bisphosphonates et de donner un traitement substitutif à la ménopause.

Brièvement l’avenir, la prévention, les traitement

L’avenir est ponctué par des recherches sur la dysrégulation immunitaire dans les MICI et le rôle des bactéries, ce qui ouvre la porte aux essais thérapeutiques avec les IL (10 surtout), les oligonucléotides anti-sens, les probiotiques. A Ekbom (Stockholm) a exposé les avantages et les faiblesses d’un dépistage systématique du cancer dans les MICI. Il conclut que la décision d’adhérer au programme doit être prise en concertation avec le patient après exposé des avantages et inconvénients.
D Rachmilewitz (Tel-Aviv) a abordé, ce qu’il appelle les traitements anecdotiques : Héparine, Cox2, leucotriènes (huile de poisson), NO, l’oxygénothérapie hyperbare etc. Peut-être en s’agira-t-il de traitements d’avenir mais des travaux plus convaincants mériteront d’être réalisés.
Terminons cette revue dans un nuage de fumée avec J. Cosnes (Paris), dans la RCH le nombre ” utile ” de cigarettes s’établit autour d’une quinzaine par jour, par contre dans la MC pas d’état d’âme : il faut stopper le tabagisme.