Les MICI à la 16ème UEGW 2008

Les MICI à 16ème UEGW 2008

Les MICI se sont octroyées la part du lion avec le plus grand nombre de présentations et de posters, devançant l’endoscopie. Tous les thèmes ont été abordés mais la place de choix concerne toujours les biothérapies.

Prise en charge thérapeutique

Le point fort de cette semaine aura était la présentation des résultats à 6 mois de l’étude SONIC. Cet essai clinique a porté sur 508 maladies de Crohn (MC) modérées à sévères (corticodépendantes ou nécessitant une seconde corticothérapie dans l’année ou n’ayant pas répondu au 5-ASA ou au budésonide) qui ont été inclus afin de comparer l’efficacité de l’infliximab (IFX) à la dose de 5 mg/kg (S0, S2, S6 puis toutes les 8semaines), à l’azathioprine (AZA) à la dose de 5 mg/kg/j et à l’association de ces 2 traitements. Une rémission sans corticoïdes a été obtenue à S26 chez 57 % des MC sous IFX + AZA, chez 44 % des MC sous IFX et chez 31 % des MC sous AZA, une cicatrisation muqueuse chez 44 % des MC avec l’association IFX + AZA, 30 % avec IFX seul et 17 % avec l’AZA. À noter une différence significative entre les groupes IFX+AZA vs AZA. Quant à la tolérance, elle a été identique dans les 3 groupes thérapeutiques. À noter que la différence en faveur de l’association AZA-IFX est très importante pour les patients ayant une CRP > 8 mg/l et/ou des lésions endoscopiques ; par contre, pour les MC ayant une CRP < 8 mg/l et sans lésion endoscopique, la seule prescription d’AZA est certainement suffisante. E. LOUIS et le GETAID ont rapporté les résultats de STORI, essai évaluant les résultats de l’arrêt de l’IFX chez les MC enrémission stable sans corticoïdes depuis un an avec l’association IFX AZA. À un an, 57 % des MC restent en rémission. En cas de rechute, la reprise de l’IFX est efficace. L’adalimumab (ADA) a maintenant fait sa preuve dans le traitement de la MC luminale.

Les résultats des grands essais sur l’ADA (CHARM, GAIN) ont été déclinés sur tous les tons. L’absence de réponse à S4 ne permet de préjuger de l’avenir. En effet, R. PANACCIONE et al. (Calgary) montrent que 60 et 28 % des 88 non-répondeurs à S4, étaient respectivement en réponse clinique et en rémission à S12. Comme l’IFX, l’ADA permet de réduire les hospitalisations et les gestes chirurgicaux majeurs. B-G. FEAGAN et al. (Calgary) montrent que le taux d’hospitalisation est réduit par rapport au placebo dès le 3ème mois (1,7 vs 7,9 %) et que la différence s’accroit jusqu’au 12ème mois (6,8 vs 13,7 %). S. SCHREIBER et al. (Kiel) constatent que le nombre d’interventions chirurgicales a été réduit de 80 à 90 % chez les MC recevant un traitement par ADA toutes les semaines ou toutes les 2 semaines. L’efficacité de l’ADA ne se limite pas à la MC luminale comme l’ont montré J-F. COLOMBEL et al. et S. LICHTIGER. J-F. COLOMBEL et al. rapportent l’efficacité de l’ADA à long terme dans le traitement des MC fistulisantes. Dans l’essai CHARM, l’ADA avait permis d’obtenir 55 % de cicatrisation à 6 mois et 58 % à 12 mois. Les patients qui ont accepté de poursuivre le traitement à raison d’une injection toutes les 2 semaines, voire toutes les semaines, ont été maintenus en rémission dans la majorité des cas : 60 % à 2 ans et 63 % à 3 ans. S. LICHTIGER et al. (New York), à partir de l’essai CHOICE, ont isolé les MC fistulisantes n’ayant pas répondu ou en perte de réponse à l’IFX et traitées secondairement par ADA. Sur 83 MC, une cicatrisation complète a été observée à S8 chez 41 % des MC. Cette étude confirme les résultats de l’essai CHARM.

Le passage de l’IFX est-il possible ? Quels en sont les résultats ? À partir de leur base de données, J-A. SHERIDAN et al. ont identifié 51 MC initialement traitées par IFX qui ont reçu ensuite de l’ADA, le switch a été réalisé pour réaction lors de la perfusion (13/51), pour perte d’efficacité (9/51), pour l’absence d’efficacité (3/51) et pour convenance personnelle (26/51). Le switch a été efficace chez 53 % lorsqu’il a été fait pour réaction à la perfusion et chez 78 % lorsqu’il a été fait pour perte de réponse. Par contre, il a été inefficace chez 35 % des MC pour lequel il a été réalisé pour convenance personnelle. Quelles sont les préférences des patients ? P-B. ALLEN et al. (Belfast) ont interrogé 78 MICI (68 naïfs d’IFX) afin de savoir, dans l’hypothèse où un anti-TNF leur serait prescrit, s’ils préfèreraient l’IFX ou l’ADA. Curieusement, qu’il s’agisse de patients naïfs d’IFX ou non, les réponses sont équivalentes : 58 % préféreraient l’IFX car les patients craignent les auto-injections et préfèrent des traitements plus espacés.

En ce qui concerne les RCH bénignes à modérées, signalons les publications montrant l’avantage de la prise unique dans le maintien de la rémission avec l’analyse de l’essai PODIUM, portant sur 362 RCH bénignes ou modérées. Cet essai avait pour but de comparer la prise de 2 g de mésalazine en une ou deux prises quotidiennes. A-U. DIGNASS et al. montrent qu’à un an 70,9 % des RCH prenant la mésalazine en une prise restent en rémission vs 58,9 % dans le groupe la prenant en 2 prises. B. BOCKEMEYER et al. révèlent que cette prise unique permet une meilleure compliance et une meilleure acceptabilité mais qu’à compliance égale, les résultats sont curieusement meilleurs pour la prise unique. Enfin, M. CONNOLY et al. montrent que cette prise unique, en réduisant les rechutes, réduit les coûts. L’essentiel des interventions sur le traitement de la RCH a concerné l’utilisation de l’infliximab dans les RCH sévères. A. WALCH et al. (Vienne) montrent que le risque de colectomie après traitement par ciclosporine (Ci) est moins élevé qu’après traitement par IFX après étude de 2 cohortes de RCH (49 Ci et 46 IFX) : à un an, 27 % des RCH traitées par Ci avaient été colectomisées vs 45 % de celles traitées par IFX, la plupart des autres publications montrent les bénéfices de l’IFX dans ces formes sévères, en évitant la colectomie à court terme mais également à plus long terme. K. PAPAMICHAEL et al. (Athènes) ont, dans une étude prospective, traité 23 RCH sévères (17 pancolites, 6 colites gauches) par IFX à la dose de 5 mg/kg : 5/23 n’ont pas répondu et ont été colectomisés. Les 18 autres ont reçu de l’IFX à S2 et S6 puis toutes les 8 semaines. Quatorze on été mises en rémission et sevrées en corticoïdes, 4 patients ont été colectomisés avant la 4ème perfusion. Les 12 RCH qui ont été suivies jusqu’au terme de l’essai (24 mois), avaient une nette amélioration endoscopique avec un score de Mayo de 0 pour 8 et de 1 pour 4. Dans une série de 45 RCH sévères corticorésitantes traitées initialement par corticoïdes associés à une seule injection d’infliximab (24) ou un placebo (21) et suivies pendant 3 ans, GUSTAVSSON et al. (Göteborg) mentionnent que 12/24 RCH sous IFX ont été colectomisées vs 16/21 sous placebo. A. KOHN et al. (Rome), à partir d’une série de 83 RCH montrent que l’IFX permet d’éviter la colectomie dans 2/3 des cas, que les résultats sont meilleurs chez les patients recevant systématiquement 3 injections d’IFX (S0, S2, S6) par rapport à ceux traités à la demande. En cas d’échec, l’IFX ne favorise ni la survenue de complications infectieuses ni de pochite comme le montrent M. FERRANTE et al. (Louvain) à partir d’une série de 130 colectomies avec anastomose iléo-anale (AIA) pour RCH ayant été traitées par IFX dans les 12 semaines précédant l’intervention. Mais l’ADA aura certainement sa place dans le traitement de ces RCH sévères comme le montrent K. KARMIRIS et al. (Louvain) qui ont proposé, chez 18 RCH en perte de réponse avec l’IFX, un traitement par ADA. Une réponse clinique à S4 a été observée chez 50 % des patients, un passage à une injection par semaine a été nécessaire chez 83,3 % des RCH permettant la réponse clinique dans 73 % des cas.

Endoscopie

Deux sujets ont retenu notre attention : la place du NBI dans la détection de la dysplasie au cours des colites inflammatoires et les dilatations endoscopiques. Les premières générations de NBI s’étaient révélées décevantes dans ce type d’indication. VAN DEN BROEKCET et al. (Amsterdam) ont évalué l’intérêt de la nouvelle génération de NBI, incorporant un système haute résolution (HRE) au NBI classique, dans une étude randomisée avec cross-over portant sur 50 RCH. Les résultats préliminaires portant sur 25 RCH sont décevants : le NBI classique a découvert 7 lésions néoplasiques vs 9 avec le NBI et HRE mais sur les 4 DALM, une n’a été détectée que par le NBI classique. A noter, les très mauvais scores de sensibilité (64 %) et de spécificité (62 %) du ? pit pattern ? pour différencier muqueuse néoplasique et non néoplasique.

Ainsi, les auteurs ne considèrent pas que le HRE améliore le diagnostic. D’autre part, A. IGNJATOVIC et al. (Londres) montrent dans une étude randomisée que le taux de détection de la dysplasie au cours de la RCH est plus élevé au cours de la coloscopie standard haute définition qu’avec le NBI. Le taux de détection dans le groupe coloscopie standard a été de 21 % vs 14,3 % dans le groupe NBI. Le taux de faux positif est plus élevé dans le groupe NBI, ceci est certainement lié au fait qu’il est difficile de distinguer inflammation et dysplasie.

Deux grandes séries de dilatations endoscopiques au cours de la MC ont été présentées. V. KESSLER BRONDOLO et al. (Lausanne) ont rapporté les résultats de 237 dilatations endoscopiques (54 % réalisées pour sténose anastomotique), ils notent que si la première dilatation est efficace, la récidive est fréquente (médiane : 2,25 dilatation/MC) et survient en moyenne après 4 mois. C. THIENPONT et al. (Louvain) rapportent 237 dilations endoscopiques pour sténose chez 138 MC (84 % de sténoses anastomotiques). La première dilatation a été efficace dans 97 % des cas, les accidents sont rares (7 perforations, 2 traitées médicalement). Avec un suivi médian de 5,8 ans, une récidive nécessitant une nouvelle dilatation a été réalisée chez 41 % des patients et une résection chirurgicale chez 21 %. Une 3ème dilatation ou un geste chirurgical a été nécessaire chez 59 % des patients après un délai médian de 8 mois. La CRP et l’activité de la MC ne sont pas des facteurs prédictifs de récidive.

Gilbert TUCAT
Membre de la Commission MICI