Journées Francophones 2008

Après une brève escapade lyonnaise, les JFPD ont retrouvé Paris et son Palais des Congrès. Outre les mises au point réalisées au cours de la FMC-HGE en plénière et en atelier (qui seront accessibles d’ici quelques jours sur le site de le FMC-HGE : http://www.fmcgastro.org/), les communications (mise à part quelques publications concernant l’épidémiologie et le symposium « Endoscopie et MICI » de la SFED) ont surtout concerné la thérapeutique et en particulier les biothérapies.

Epidémiologie

La survenue de symptômes digestifs au cours d’une MC peut être en rapport avec un syndrome du côlon irritable. R Dainese et al. (Rouen) ont montré dans un essai prospectif, que celui-ci est présent chez 51 % des MC en rémission.

A partir de la série de 3100 MC suivies à l’hôpital Saint Antoine, P Seksik et al. (Paris) ont analysé les répercussions du tabagisme sur l’évolutivité de la MC. Le pourcentage d’années de MC active, le nombre d’hospitalisations augmentaient avec la consommation tabagique malgré une utilisation plus large des immunosuppresseurs chez ces patients. L’effet délétère du tabac est dose-dépendant, mais il reste significatif chez les petits fumeurs (< 10cg/j) comparés aux non-fumeurs. La même équipe montre que l’éventualité d’une extinction prolongée de la MC est rare. L’analyse de N Nourari et al. (Paris) révèle que 4 % des MC peuvent rester inactives pendant 15 ans. Les facteurs prédictifs d’extinction sont l’ancienneté de la maladie (OR : 1,75), une stomie définitive (OR : 1,26), l’absence de tabagisme (OR : 1,28). En comparant leur séries respectives de MC chez l’adulte (Saint Antoine, Paris) et chez l’enfant (Trousseau, Paris) B Arnaud-Pigneur et al. montrent que, pour la même ancienneté, l’évolution de la MC débutant dans l’enfance est plus sévère que celle débutant après l’âge de 16 ans. Si les taux de complications chirurgicales sont comparables dans les 2 groupes, les séquelles sont plus importantes dans les formes à début pédiatrique.

Endoscopie

L’endoscopie au cours des MICI a fait l’objet d’un symposium SFED. Diagnostic, suivi des traitements, place de l’interventionnel ont été abordés. L’ensemble des communications est dores et déjà disponible sur le site de la SFED (http://www.sfed.org/). Aucune nouveauté mais de bonnes mises au point. Nous retiendrons les points essentiels :

  • Patrice Pienkowski (Montauban) a insisté sur la nécessité, lors de toute endoscopie initiale pour colite de réaliser des biopsies coliques multiples étagées et iléales (même en zone macroscopiquement normale), avec au moindre doute des prélèvements à visée bactériologique.
  • La capsule, qui a obtenu l’AMM dans le cadre de la MC est, comme l’a mentionné JC Sauri n (Lyon), indiquée lors du bilan d’une colite inclassée, de la suspicion de MC sans atteinte iléo-colique et dans le suivi d’une MC en cas de dissociation entre les symptômes et/ou la biologie et l’absence d’atteinte colique. Toutefois elle ne doit être envisagée que lorsqu’une sténose, même asymptomatique, a été formellement éliminée par un entéro-scanner ou une entéro-IRM.
  • Le dépistage de la dysplasie au cours des colites inflammatoires (RCH et MC touchant plus de 1/3 du côlon) reste un élément essentiel. JC Grimaud (Marseille) a insisté sur la nécessité de réaliser systématiquement une chromo-endoscopie totale permettant de détecter des zones de dysplasie plane méconnue lors d’une coloscopie conventionnelle. Par contre la chromo-endoscopie n’autorise pas de sursoir aux biopsies systématiques (4 dans chaque quadrant tous les 10 cm). La coloscopie de dépistage doit être débuté dès la 8ème année d’évolution de colite dépassant l’angle gauche, à partir de la 15ème année en cas de colite gauche mais immédiatement en cas de cholangite sclérosante associée.
  • La découverte d’une lésion surélevée au cours d’une coloscopie pour colite inflammatoire pose le problème de sa nature. S’agit-il d’une DALM (Dysplasia Associated Lesion or Mass) ou d’une ALM (Adenome Like Mass). Marc Barthet (Marseille) a rappelé que la différence réside sur la muqueuse adjacente à la lésion soit il existe de la dysplasie : c’est une DALM imposant la colectomie compte tenu du risque de cancer associé (50 %), soit il n’y a pas de dysplasie et il s’agit d’une ALM qui peut-être prise en charge comme un polype classique (polypectomie, mucosectomie).
  • Ph Marteau (Paris) a insisté sur la nécessité de réaliser une coloscopie 6 mois après une résection iléo-colique droite. Seule celle-ci permettra d’adapter le traitement (en fonction du score de Rutgeerts) afin d’éviter les rechutes.
  • Enfin Ph Bulois (Lille) et Y Bouhnik (Clichy) ont fait le point sur la dilation endoscopique des sténoses iléo-coliques post-opératoires. Celle-ci est envisageable en cas de sténose symptomatique, cicatricielle (absence d’ulcération), axiale, unique, de moins de 6 cm, non compliquée (absence d’abcès ou de fistule). La dilatation est effectuée, au mieux sous scopie, en utilisant un ballon hydrostatique de diamètre adapté à la sténose mais devant atteindre idéalement au moins 15 mm. Le succès à court terme est de 80 à 100% mais avec un taux de récidive dans 1/3 à 2/3 des cas. La complication par perforation est en moyenne de 9 % (2-15%). La redilatation est possible mais doit être discutée au cas par cas. Quant à la place des prothèses, elle reste à définir et est actuellement anecdotique.

Un complément thérapeutique ?

En montrant que de fortes doses de glutamine et d’arginine permettent une diminution de la production de cytokines pro et anti-inflammatoires (IL-8, IL-6, TNFa et IL1-?), S Lecleire et al. (Rouen) ouvrent la voie d’un éventuel bénéfice d’un apport entéral de glutamine et d’arginine chez les MC en poussée.

Immunosuppresseurs

Le méthotrexate (MTX) est potentiellement hépatotoxique (fibrose) et sa prescription exige une surveillance biologique. Il était classique de se méfier dès que la dose cumulée dépassait 1,5g. D Laharie et al. (Bordeaux) ont voulu évaluer prospectivement par FibroScan le risque de fibrose chez 506 patients (MICI, psoriasis, PR…) En prenant comme seuil 8,7 kPA , les auteurs ne retrouvent pas de corrélation entre la dose cumulée de MTX reçue et la valeur du FibroScan.

La ciclosporine (Cs) a prouvé son efficacité dans les colites graves. Classiquement déconseillée au cours de la grossesse, il semble qu’elle soit bien tolérée et efficace chez la femme enceinte. J Branche (Lille) et le GETAID rapportent 8 cas de colites graves au cours d’une grossesse traitées par Cs : aucune colectomie n’a été nécessaire, 6 grossesses ont pu être menées à terme, une grossesse en cours, un décès in-utéro sans rapport avec la prise de Cs.

L Beaugerie et al. avaient proposé des facteurs prédictifs de MC à haut risque (âge < 40 ans, lésions périanales, corticothérapie à la 1ère poussée). P Seksik (Paris), à l’occasion d’un séjour à la Mayo Clinic, a montré que ces facteurs prédictifs sont valides pour la population du Comté d’Olmsted et que désormais ils doivent être utilisés pour différencier les patients à haut risque et leur proposer une stratégie type top-down d’emblée.

L Beaugerie (Paris) a rapporté des résultats intermédiaires de la cohorte CESAME : 20819 MICI (MC : 60 %, RCH : 40 %). Il apparaît un risque accru de syndromes lymphoprolifératifs (SLP : un Hodgkin et 15 lymphomes non hodgkinien) soit un ratio d’incidence standardisé de 1,75 essentiellement chez des MICI sous thiopurine (11 vs 5). Tous les patients testés pour l’EBV étaient positifs, à noter l’absence de lymphome T hépato-splénique, 50 % des SLP sous thiopurine sont décédés. Afin d’atteindre l’objectif fixé, il est indispensable que tous les investigateurs mettent à jour leurs données sur le site www.cohorte-cesame.org/ ou les adressent par fax. Actuellement, le retour est de 60 % alors qu’un taux de 90 % est nécessaire pour conclure

Maladie de Crohn et Chirurgie laparoscopique

La chirurgie laparoscopique prend une place de plus en plus importante dans la prise en charge chirurgicale de la maladie de Crohn. Elle est classiquement réservée aux formes non compliquées. P Goyer et al. (Clichy) ont comparé les résultats de 124 résections iléo-coliques droites, 54 réalisées pour MC compliquées (abcès, fistules, récidive) à 70 MC non compliquées (sténose). Mortalité (0 %), morbidité (17 %) et durée d’hospitalisation (8j) sont comparables en cas de MC compliquée ou non compliquée mais le taux de conversion est plus élevé (37 % vs 14 %), et la durée de l’intervention plus longue (214 mn vs 191 mn) pour les MC compliquées.

Biothérapies

  • Au cours de la RCH
    A Baudet et al. montrent, dans une étude rétrospective portant sur 18 RCH sévères que l’infliximab (IFX) est efficace dans 72 % des cas mais que sa place par rapport à la ciclosporine reste à préciser.
  • Au cours de la maladie de Crohn
    • La stratégie du pont est à revoir.
      Dans la MC, une induction de la rémission par 3 doses d’IFX est parfois utilisée, dans une stratégie de pont, pour attendre l’efficacité de l’azathioprine. L Costes et al. (Lille), dans un essai contrôlé portant sur 77 MC corticodépendantes, montrent que la stratégie de pont classique (3 doses d’IFX) est inefficace. La probabilité d’intervention chirurgicale ou de reprise de l’IFX était à un an de 26 % dans le groupe IFX vs 24 % dans le groupe placebo, à 4 ans elle était respectivement de 69 % vs 59 %. La question qui se pose est de savoir si, lorsqu’une stratégie de pont est envisagée, le traitement d’induction ne doit pas être plus prolongé.
    • Traitement d’entretien ou à la demande ?
      Pour l’adalumimab (ADA), JF Colombel et al. (Lille) rapportent également, à partir d’une sous-analyse de l’étude CHARM, qu’un traitement de maintenance par ADA est plus efficace qu’un traitement à la demande suivi en cas de rechute d’une réinitiation suivi d’un traitement d’entretien : 50 % de rémission vs 38 % à 56 semaines. Simultanément les hospitalisations étaient moins nombreuses qu’elles soient liées à la MC ou toutes causes confondues.  
    • MC fistulisantes
      Actuellement seul l’IFX dispose de l’AMM pour la MC fistulisante. JF Colombel et al. (Lille) avaient déjà montré, dans l’essai CHARM que l’ADA était supérieur au placebo dans le traitement des fistules à un an. Soixante dix MC ayant répondu au terme cet essai ont reçu soit de l’ADA toutes les 2 semaines soit toutes les semaines. Douze mois plus tard, soit 24 mois après le début du traitement par ADA, une fermeture de plus de 50 % des orifices fistuleux était obtenue chez 71 % des MC et une fermeture totale chez 60 %.  
    • Rechute sous traitement d’entretien par Certolizumab Pegol (CZP)
      Les résultats de l’étude PRECISE 4 rapportés par JF Colombel et al. montrent que chez les patients mis en rémission par le CZP et qui rechutent au cours d’un traitement d’entretien par 400 mg toutes les 4 semaines, un nouveau traitement d’induction par CZP 400 mg à S0, S2 et S4 est efficace pour induire, maintenir la réponse et la rémission clinique.
    • Une 3ème ligne d’anti-TNF peut-elle être efficace ?
      En cas d’arrêt ou de perte d’efficacité de l’IFX au cours de l’IFX, plusieurs études ont montré que l’ADA ou le certolizumab pegol (CZP) pouvaient être efficaces. Mais après l’utilisation de 2 anti-TNF, un 3ème peut-il être efficace ? N Mozziconacci et al. (Lille) montrent, à partir de 29 MC qu’une 3ème ligne d’anti-TNF permet d’obtenir un bénéfice clinique chez 50 % des patients dès la 6ème semaine. Une intolérance est signalée  chez 24 %, un échec chez 17 %. A noter que le traitement de 3ème ligne a été le CZP dans 83 % des cas, l’ADA dans 17 %.
    • Tolérance des anti-TNF
      La tolérance des anti-TNF est dans l’ensemble bonne. L Peyrin-Biroulet et al. (Nancy) dans une méta-analyse de 21 essais randomisés contrôlé contre placebo portant sur 5356 MC, montrent qu’il n’y a pas de différence statistiquement significative pour les infections sévères, les cancers et les décès entre les MC traités par anti-TNF et ceux ayant reçu le placebo que ce soit dans les études d’induction ou de maintien de la rémission. En parallèle, JF Colombel et al., dans 2 posters, révèlent que pour l’ADA, à partir des essais GAIN (suivi : un an) et CHARM (suivi : 2 ans), sur près de 1200 MC traitées : 82 infections sévères sont survenues, 28 infections opportunistes, 21 tumeurs malignes (11 cancers cutanés, 1 lymphome). Pour le CZP, à partir d’une analyse portant sur plus de 900 patients traités pendant un an 66 infections sévères, 6 cancers (2 du rectum, 2 du grêle, 2 cutanés).