Lyon n’a pas rebuté les gastro-entérologues qui sont venus nombreux à la fois aux journées de FMC et aux journées scientifiques. Les MICI restent toujours un sujet qui passionne la profession. Nous rapporterons ici les principales communications en écartant la plupart de celles qui ont déjà fait l’objet de publications antérieures notamment lors de l’UEGW de Berlin.
Epidémiologie
En ce qui concerne l’épidémiologie, C Declercq et al. ont étudié la répartition géographique des MICI dans la région Nord Pas-de-Calais à partir de 2582 cas incidents de MC et de 1637 cas de RCH. Cette étude suggère que des facteurs environnementaux et sociodémographiques pourraient influer sur la survenue de MICI. En effet, le risque relatif de MICI est plus élevé dans les zones rurales et périurbaines du sud de la région et le risque relatif de RCH est significativement moins élevé dans les cantons les plus défavorisés. Dans une étude réalisée à partir des décision d’ALD pour MICI prononcées entre 2000 et 2002 sur tout le territoire français, V Nerich et al. retrouvent un gradient nord sud pour la maladie de Crohn mais pas pour la RCH. Entre 1988 et 2002, 472 MC de l’enfant ont été enregistré dans le registre EPIMAD soit une incidence de 2,5/105. Dans cette population on note une forte prévalence des atteintes étendues avec une localisation digestive haute chez près d’un enfant sur 2 et une évolution rapide vers des formes compliquées sténosantes et pénétrantes. Malgré un recours rapide aux corticoïdes et fréquent aux immunosuppresseurs, un tiers des enfants avait du subir une résection chirurgicale à 5 ans.
Qualité de vie
Le vécu de la maladie a été abordé par l’enquête « Regards sur les MICI » réalisée auprès de 2424 patients sous l’égide de l’AFA et rapportée par H Hagège et al. Cette étude confirme la dégradation de la qualité de vie des patients qui sont inquiets par le caractère imprévisible de la maladie, le risque de stomie, d’être en moins « bonne forme » et d’être ré-opéré. Cette étude montre également que le médecin a tendance à sous-estimer les répercussions de la maladie et à surestimer le degré d’information de son patient.
Traitement de la RCH
J Moreau et al. rapportent la première expérience française de leucocytaphérèse chez 8 RCH corticodépendantes en poussée modérées. La tolérance a été excellente en dehors d’hypocalcémie et d’une discrète chute de l’hémoglobine. Une rémission avec sevrage en corticoïde a été obtenue chez 60 % des RCH. Ces résultats mériteront d’être confirmés par une étude portant sur un plus grand nombre de patients. Ce traitement pourrait être proposé pour permettre un sevrage rapide en corticoïdes tout en attendant l’efficacité des immunosuppresseurs ou avant d’envisager un traitement par anti-TNF ou ciclosporine.
Dans une étude rétrospective portant sur 84 RCH traitées par azathioprine (AZA), L Zgarni et al. ont obtenu une réponse chez 66 % des patients. Chez ceux ayant poursuivi le traitement au moins 6 mois, les probabilités de maintien en rémission à 1 et 2 ans étaient de 98 et 96 %, les probabilités de rechute à 1 et 2 ans étaient de 52 et 64 %. Le taux de colectomie a été de 3,6 % chez les RCH sous AZA au long cours vs 79 % chez ceux dont l’AZA a été arrêté précocement.
Cancer et MICI
Au cours des journées de FMC, A Cortot a rappelé que, au cours de la MC, le risque global d’adénocarcinome du grêle (ACG) est multiplié par 17. G Piton et al., dans une étude rétrospective portant sur 29 ACG sur MC comparés à 87 MC sans ACG, montrent qu’un antécédent de résection du grêle et un traitement par salicylés pendant au moins 2 ans sont associés à une réduction du risque d’ACG.
H Sokol et al. indiquent dans leur série (5274 MICI) que, si la fréquence de la cholangite sclérosante primitive (CSP) est faible (0,97 %), ces patients n’ont pas une maladie plus active mais par contre l’incidence cumulée de cancer colique est de 16 % chez les MICI avec CSP contre 1,5 % pour les MICI sans CSP.
Traitement de la Maladie de Crohn
Dans leur série de 1860 MICI ayant reçu pendant plus de 2 mois de l’azathioprine (AZA), J Cosnes et al. rapportent 13 cas d’hyperplasie nodulaire régénérative (HNR) après une durée médiane de traitement de 44 mois. Le risque cumulé d’HNR était de 0,7 ± 2,5 % après 5 ans d’AZA, et de 1,3 ± 4,8 % après dix ans. Les facteurs de risque de survenue d’une HNR sous AZA sont dominés par le sexe masculin et une résection étendue du grêle : les hommes ayant subi une résection du grêle ont un risque de 11,4 % à 10 ans. Tous les anti-TNF sont ils aussi efficaces pour permettre le maintien de la rémission de la MC ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre L Peyrin-Bicoulet et al. en comparant les 3 grands essais cliniques publiés avec l’IFX, l’adalimumab (ADA) et le certozilumab (CZ). Il en ressort que l’efficacité de l’IFX, de l’ADA et du CZ semble comparable mais les critères de sélection et de randomisation différents, la définition différente de la réponse clinique rendent la comparaison difficile. La différence se fera certainement sur la mode d’administration, la tolérance, l’immunogénicité et le rapport coût/efficacité.
JF Colombel et al. ont montré chez 193 MC ayant reçu antérieurement de l’IFX que 54 % répondaient à un traitement d’induction par CZ. Un traitement d’entretien par 400 mg de CZ toutes les 4 semaines permettait le maintien de la réponse et de la rémission à S26 chez respectivement 44 % et 33 % des MC vs 25 % et 14 % pour le placebo. Dans un autre essai les mêmes auteurs montrent que le CZ est plus efficace dans la MC récente qu’ancienne.
Après échec de l’IFX au cours de la MC, les autres anti-TNF sont-ils efficaces ? Douze MC intolérantes ou en échec thérapeutique avec l’IFX ont été traitées par L Arfi et al. avec de l’ADA (80 mg à S0, 40 mg à S2 et S4). Une réponse et une rémission à S4 ont été obtenues dans 75 % et 50 % des cas. A la suite du traitement d’entretien d’un an, 66 % des patients restaient en rémission. J Colombel et al. ont rapporté les résultats de l’étude GAIN qui montrent que chez les MC en échec ou devenus intolérants à l’IFX, l’ADA peut être une alternative. L’ADA permet, à S4, une rémission ou une réduction de 100 points du CDAI chez respectivement 21 % et 38 % des patients contre 7 % et 25 % pour le placebo.
Une voie d’avenir est peut-être celle des agonistes des récepteurs cannabinoïdes CB2. Ceux-ci se trouvent dans certaines parties du système immunitaire. Chez la souris, l’administration d’un ligand de CB2 permet d’améliorer la colite induite par le DSS. X Thuru et al. ont également mentionné que, sur des biopsies isolées de patients atteints ou non de MICI, ils ont observé une augmentation de la transcription du gène CB2 dans les zones non inflammées des MC par rapport à des témoins et aux RCH. Ainsi l’activation de CB2 exerce un puissant effet anti-inflammatoire à la fois in vivo et in vitro, ce qui pourrait permettre aux agonistes sélectifs des récepteurs CB2 de devenir une nouvelle arme thérapeutique dans le traitement de la MC.