Ces 29èmes Journées Francophones ont été, une nouvelle fois, l’occasion de nombreuses présentations sur les MICI. Contrairement aux dernières éditions, la place des publications sur les biotechnologies a considérablement diminuée pour retrouver des thèmes plus classiques dont la physiopathologie, les enquêtes de pratique, le traitement et les résultats de la coelio-chirurgie …
J Gay et al. (Lille) ont montré l’importance des adipocytes du mésentère au cours de la maladie de Crohn (MC). Colonisés par des bactéries de la flore intestinale, selon un phénomène de translocation bactérienne, ils génèrent la production de médiateurs inflammatoires (TNFa, IL-1ß, IL-6) et lipogéniques (PPAR?), rendant compte de l’hypertrophie de la graisse mésentérique au cours de la MC. M Seddik et al. (Lille), ont déterminé qu’histologiquement le grade de lipomatose est supérieur au cours de la RCH qu’au cours de la MC, les auteurs évoquent un trouble de l’adipogénèse dans la sous-muqueuse intestinale. Les adipocytes, se comportant comme des cellules macrophage-like, produiraient des médiateurs inflammatoires.
L’enquête réalisée par le CREGG auprès des 2039 HGE libéraux durant une période de 2 semaines a permis à B Richard-Molard et col. de montrer que 34 % des patients porteurs de MICI suivis en ville recevaient des immunosuppresseurs (IS), 30 % de l’azathioprine (AZA) et 4 % du méthotrexate. La prescription des IS est plus importante au cours de la MC (48 %) qu’au cours de la RCH (20 %) et des colites indéterminées (18 %). Dans cette même population, J Lapuelle et col. ont montré qu’au cours des MICI, la coloscopie était essentiellement réalisée dans un but diagnostique, qu’il y a peu d’endoscopies thérapeutiques (2 %) et que la recherche de dysplasie était réalisée e chez seulement 44 % des colites évoluant depuis plus de 8 ans. Des progrès restent à faire dans ce domaine.
Le dosage des 6-TGN permet de s’assurer de l’adhérence à un traitement par AZA. En outre, X Roblin et al. (Grenoble) ont montré qu’un taux de 6-TGN supérieur à 400pmol/8×10 8 érythrocytes est un facteur prédictif de résistance à l’AZA justifiant de choisir une autre alternative thérapeutique.
L’essai ENACT-2., dont les résultats ont été rapportés par JF Colombel (Lille), avait pour but d’évaluer l’efficacité d’un traitement d’entretien par Natalizumab (300 mg en perfusion toutes les 4 semaines pendant un an), chez les patients ayant répondu à un traitement d’attaque (essai ENACT-1). Chez 309 MC, le maintien de la réponse et de la rémission est obtenue chez respectivement 53,6 et 39,2 % des patients traités, contre 20 et 15 % chez les patients sous placebo. La tolérance a été satisfaisante mais l’information importante est que ce produit, indiqué dans le traitement de la PR et de la SEP, vient d’être retiré du commerce aux USA et au Canada suite à la survenue de 2 décès en rapport avec une encéphalopathie multi-focale progressive. Avenir compromis pour cette molécule.
A Wicher et al. (Besançon) ont montré que l’utilisation de ciclosporine par voie orale à la dose de 4,8 mg/kg/j en 2 prises associée à un régime sans résidu permettait d’obtenir un résultat comparable à la voie veineuse tout en évitant les complications liées à l’hypocholestérolémie.
Progressivement, les biotechnologies voient leur champ s’élargir à la RCH. G Van Assche (Louvain) a rapporté une étude de phase I-II montrant un effet rapide (clinique et endoscopique) du Vislizumab (anticorps humanisé anti-CD3) dans les RCH résistantes aux corticoïdes. La tolérance a été bonne, en dehors d’un phénomène de largage des cytokines pouvant durer plusieurs heures à la suite de l’injection.
Malgré les progrès médicaux réalisés durant ces dernières années, il reste encore une place non négligeable pour la chirurgie dans la prise en charge des patients porteurs de MICI.
Il n’est pas rare qu’après colectomie totale pour RCH, l’apparition de lésions digestives conduisent à conclure que le diagnostic initial aurait dû être celui de maladie de Crohn (MC). Une telle situation est survenue dans 15 % des colectomies réalisées dans la série de Saint Antoine. Quelles sont les conséquences d’une telle situation en fonction du type d’anastomose réalisée ? I Nion-Larmurrier et al. (Paris) ont montré que si les patients ayant eu une AIA ont besoin de plus d’IS que ceux ayant subi une AIR, le risque de stomie définitive n’est pas différent dans les 2 groupes (risque actuariel à 10 ans : 20 %).
A Alves a rapporté les résultats de l’équipe chirurgicale de Lariboisière dans les résections intestinales par voie laparoscopique. Entre novembre 98 et septembre 2004, tous les patients ayant subi soit une résection iléo-cæcale (76), soit une colectomie subtotale (36) soit une coloproctectomie totale (33) ont été analysés. Le taux de mortalité a été nul. Chez 17 % une conversion en laparotomie a été nécessaire. Une ré-intervention a été indispensable chez 8 patients pour fistule anastomotique (3), occlusion du grêle (1), ou hémopéritoine (4). Les durées d’hospitalisation ont pu être réduites par cette technique (4,8 jours pour résection iléo-cæcale, 9,3 jours pour colectomie subtotale et 11,3 jours pour anastomose iléo-anale). La même équipe montre que dans le sous-groupe de patients ayant subi une résection iléo-cæcale, chez les 30 % pour lesquelles une conversion a été nécessaire, le nombre de poussée inflammatoire, la découverte per-opératoire d’un abcès, d’une fistule sont des facteurs de risque de conversion sans que cela augmente la morbidité.
L’expérience personnelle et l’analyse de ces résultats a permis à Y Panis (Paris), au cours d’une conférence sur le traitement chirurgical de la MC, de distinguer 3 situations :
- Les sténoses du grêle terminal nécessitant une résection iléo-caecale : elles sont l’indication idéale de la coelioscopie avec tous ses avantages (esthétique, moindre traumatisme, moins d’adhérences, meilleur vécu).
- La MC perforante est également une excellente indication de la coelioscopie avec une mortalité faible (0 à 1 %), et une faible morbidité (13 % de complications septiques, 5,7 % de fistules). Les complications sont favorisées par une corticothérapie récente, la dénutrition, la découverte per-opératoire d’abcès ou de fistule. Le risque de récidive est identique après coelioscopie ou laparotomie.
- Dans les situations difficiles (récidive après chirurgie, échec et résistance au traitement médical, colectasie, hémorragie, perforation) la coelioscopie peut également trouver sa place.
Que ce soit dans la chirurgie de la maladie de Crohn ou dans la chirurgie de la RCH, nos collègues chirurgiens ont fait d’énormes progrès. Les techniques actuelles permettent la réalisation de la plupart des gestes par voie laparoscopique. Cette technique moins traumatisante, avec ses multiples avantages permet, de réduire les durées d’hospitalisation et d’alléger les coûts, mais ne peut se concevoir que dans des centres spécialisés à la fois dans cette technique et dans la prise en charge des MICI, sinon gare aux catastrophes.