Les Journées Francophones 2004 nont pas apporté de grandes nouveautés. Par contre elles ont permis de conforter, daffiner certains problèmes et de nombreuses publications ont été faites sur les immunosuppresseurs (IS) alors que les produits issus de la biotechnologie sont apparus cette année au second plan, mis à part lessai international ENACT-1 sur le Natalizumab présenté en séance plénière. A signaler également la synthèse de Ph Marteau sur la RPC pour le traitement de la RCH qui paraîtra prochainement dans GCB.
La seule enquête épidémiologique a été rapportée par S Louafi et al. (Besançon) à laide des ALD pour MICI attribuées en 2000 par les différentes caisses dassurance maladie. Cette équipe a montré que lincidence de la maladie de Crohn (MC) était en France de 8,2 pour 105 hab. pour la MC et de 7 pour 105 hab. pour la RCH. Lanalyse de lincidence en fonction des différentes régions, permet de détablir un gradient Nord-Sud pour la MC avec une sur-incidence dans le Nord-Est de la France. Ce gradient nest pas observé pour la RCH.
En ce qui concerne les manifestations extra-intestinales des MICI, signalons létude rétrospective de N Lesavre et al. (Marseille) portant sur 30 MICI avec pancréatite. Ils ont montré que si les manifestations pancréatiques survenant au cours des MICI sont souvent considérées comme dorigine médicamenteuse, elles sont en fait associées à une insuffisance pancréatique externe sévère et fréquente alors que les canaux pancréatiques sont normaux en IRM. Il pourrait donc exister une pancréatopathie sous-jacente, témoin dune maladie acineuse avant dêtre canalaire.
En ce qui concerne les anti-TNF, il faut mentionner la publication de M Simon et al. (Paris) sur la thalidomine. Lavantage de son faible coût est malheureusement contrarié par son efficacité modérée et surtout une tolérance médiocre. A la dose de 100 mg/j, chez 40 MC (ayant résisté aux corticoïdes, aux IS voire à linfliximab) suivis durant une période médiane de 20,1 mois, 33 patients (82 %) ont interrompu le traitement pour absence defficacité (32 %) ou pour effet indésirable (50 %). D Laharie et al. (Bordeaux) ont analysé les résultats dun traitement par infliximab (INF) chez 44 MC luminales. Ils ont remarqué quun âge de début de la MC avant 40 ans, un type inflammatoire, étaient des facteurs prédicitifs de réponse précoce. Labsence de cortico-résistance, latteinte colique exclusive étaient des facteurs de réponse prolongée. La durée moyenne de réponse nétait pas influencée par la prise dIS, par contre linstauration ou la modification du traitement IS au moment de linjection semble prolonger la réponse. Ceci pourrait être, en fait, lié à une interaction pharmacologique. En effet, X Roblin et al. (Grenoble) ont montré que, chez les MC sous AZA, une augmentation du taux de 6-TGN de 1,5 fois le taux de base, 1 à 3 semaines après linjection dINF, était corrélé à une réponse clinique favorable à lINF.
Le coût des nouvelles thérapeutiques a été évoqué part V Jarno et al. (Toulouse), dans une étude rétrospective. Cette équipe a analysé le coût de la prise en charge des formes sévères de la MC traitée par lINF. Trente neuf MC (27 fistules, 12 MC corticodépendantes) ont été inclus dans létude. Le traitement a été efficace chez 83 %. Sur une période de 6 mois, le coût moyen (comprenant frais dhospitalisation, médicaments, actes ambulatoires, déplacements) du traitement a été de 12114 , plus élevé pour les fistules que pour les corticodépendants (13 310 versus 9 431), 7 MC ont du être opérés, 24 (62 %) gardait une activité professionnelle. On peut regretter que seuls les coûts directs aient été pris en compte et que les coûts indirects (bénéfices liés à la réduction des arrêts de travail) ne soient pas évalués.
Les immunosuppresseurs (IS) sont de plus en plus utilisés au cours de la MC et leur prescription tend à devenir de plus en plus précoce car ils limitent le nombre de rechutes et améliorent la qualité de vie des patients. Des incertitudes persistent quant au risque à long terme de cancer et de lymphomes induits. Afin de répondre à cette question, une étude prospective de cohorte nationale va être lancée le 3 mai 2004, coordonnée par L. Beaugerie et sous légide de lensemble des sociétés et groupes de gastro-entérologues. Il est indispensable que lensemble des HGE français participe à cette enquête afin de répondre à cette incertitude (inscription : www.cohorte-cesame.org). Devant cette incertitude, J Cosnes et al. (Paris), dans une étude rétrospective ont tenté didentifier les facteurs prédictifs des MC bénignes (celles qui, durant les 5 premières années, ne nécessitent pas plus de 2 cures de corticoïdes, de réhospitalisation, qui nont pas de symptômes chroniques invalidants, de traitement par IS, dintervention intestinale ou anopérinéale). A partir dune cohorte de 1020 MC, la proportion de formes bénignes reste faible entre 11 et 25 %. Les facteurs prédicitifs de forme bénigne étaient labsence de corticothérapie initiale, de lésion ano-périnéales, un âge de début supérieur à 40 ans. Le délai defficacité de lAZA est bien souvent supérieur à 3 mois, X Roblin et al. (Grenoble) ont montré, à partir de 120 MC (48 naïfs et 72 avec 6-TGN< 250 pmol), quun réajustement de la dose dAZA en fonction du dosage de 6-TGN (métabolite actif de lAZA) réalisé 3 semaines après le début ou laugmentation du traitement permettait, dans 88 % des cas, de raccourcir le délai defficacité à 2 mois. Ces résultats, en contradiction avec ceux dautres équipes (Lowry, Dubinsky), pourraient être mis sur le compte de la méthode de dosage des 6-TGN. La même équipe a pu obtenir, dans une série de 64 MICI (48 MC, 16 RCH) corticodépendants, une rémission clinique avec arrêt des corticoïdes dans 70 % des cas à 3,6 mois en donnant une dose dAZA permettant lobtention dun taux de 6-TGN > 250 pmol. Il est à signaler que les MICI restés corticodépendants sous AZA étaient tous des fumeurs, que 10/19 restaient avec un taux de 6-TGN < 250 pmol (du fait dune activité TPMT élevée) et que 20 % des répondeurs ont rechuté, à un an, malgré le maintien dun taux de 6-TGN > 250 pmol.
X Treton et al. (Paris) ont rapporté le suivi prolongé de la cohorte du GETAID de MC ayant arrêté un traitement dentretien par AZA. Les résultats rapportés en 2002, montrait que le risque de rechute après 18 mois darrêt du traitement restait faible (21 %), mais supérieur à celui observé avec la poursuite de lAZA (7,9 %). Le suivi de cette cohorte montre, quaprès un suivi médian de plus de 4,5 ans, le taux de rechute à un an est de 14 %, à 2 ans de 35 %, à 5 ans de 62,6 %. Les facteurs prédictifs de rechutes sont une CRP > 20, une hémoglobine < 12g et un nombre de polynucléaires inférieur à 4400. Il faut signaler toutefois que 96 % des MC qui ont rechuté ont répondu favorablement à un retraitement.
JF Colombel (Lille) a présenté les résultats de lessai international ENACT-1 sur le Natazilumab (NAT), anticorps monoclonal humanisé dirigé contre lintégrine a4 qui bloque le recrutement des leucocytes participant à linflammation. Cet essai randomisé en double aveugle a inclus 905 MC en poussée (CDAI : 220-450) qui ont reçu soit un placebo soit 3 perfusions de 300 mg de NAT espacées de 4 semaines. A S12 une réponse clinique était obtenue chez 62 % des MC sous NAT contre 53 % sous placebo, une rémission chez 40 % vs 31 %. Les analyses de sous-groupes ont montré une amélioration supérieure chez les MC ayant un syndrome inflammatoire, chez ceux sous IS et chez ceux ayant reçu de lINF. La tolérance semble excellente. A suivre.