Journée Francophones 2002

Dès les journées de FMC, les MICI étaient en vedette avec 3 brillants exposés de J Cosnes (Histoire naturelle de la maladie de Crohn), B Bonaz (Résistance à lazathioprine au cours des MICI) et M Lémann (Scores endoscopiques dans les MICI) dont les résumés peuvent être consultés dans PostU. Les Journées Francophones proprement dites ont été loccasionde confirmations mais aussi de certaines nouveautés.

Le rôle du stress et des facteurs psychologiques est depuis longtemps évoqué dans la survenue de poussées de MICI, des données expérimentales confirment le rôle du stress dans le déclenchement de colite inflammatoire mais aucune étude clinique na démontré son rôle dans le déclenchement de la première poussée de MICI. E Lerebours et col. (Rouen) ont réalisé, avec laide du registre EPIMAD, une vaste enquête prospective chez 241 cas incidents de MICI (167 MC, 74 RCH) sur les événements de vie (EDV) survenus dans les 6 mois précédents la première poussée. Les résultats ont été comparés à ceux obtenus chez 69 colites aiguës (non MICI) et chez 255 donneurs de sang. Il apparaît que les MC ont une fréquence plus élevée dEDV stressants par rapport aux donneurs de sang mais aussi aux colites aiguës et aux RCH. Au moment du diagnostic, le score de dépression des MC et des RCH était comparable mais significativement plus élevé que celui des témoins ; quant au score danxiété, il est plus élevé dans la MC que dans la RCH et chez les témoins. Lanalyse multivariée a montré que le score danxiété et le score dEDV étaient les deux principaux facteurs discriminants entre MC et RCH.

Lappendicectomie est un facteur protecteur reconnu de RCH. J Cosnes et col. (Paris) ont confirmé dans un travail rétrospectif que les sujets appendicectomisés ont une RCH moins grave que les sujets non-appendictomisés, mais que cet effet protecteur nest valable que chez les sujets appendicectomisés avant le début de la RCH : quand lappendicectomie est réalisée alors que la RCH a débuté, lévolution de la RCH est comparable à celle des non-appendicectomisés.

Au cours dune remarquable conférence, JP Hugot (Paris) a fait le point sur les apports de la génétique dans la maladie de Crohn. La découverte récente par la technique du clonage positionnel (et parallèlement par léquipe américaine par la technique du gène candidat) dune mutation sur le gène NOD2, maintenant appelé CARD15, nest présent que chez 15 à 20 % des MC, il existerait 60 variants au sein de ce gène. Une mutation peut sobserver aussi bien dans les formes familiales que dans les formes sporadiques, les MC porteurs dune double mutation auraient plus souvent des granulomes, moins de localisation colique, plus de fistules et débuteraient leur maladie plus tôt. Par ailleurs il nexiste pas de corrélation entre la réponse aux anti-TNF et la présence dune mutation. Ainsi actuellement le génotypage nest pas un élément diagnostic et na pas de place dans la prise en charge de la maladie. Le gène NOD2/CARD15 codant une protéine impliquée dans la reconnaissance bactérienne par les monocytes, une mutation est à lorigine dune réponse inadaptée des macrophages aux liposaccharides bactériens à lorigine du déclenchement de la cascade inflammatoire.

A Boureille et col. (Nantes) ont montré dans une étude prospective portant sur 13 MC quun traitement par Infliximab (INF) permet, outre lamélioration de la MC, une augmentation de la minéralisation osseuse mesurée par densitométrie (DMO) : 6 mois après le traitement par INF, les DMO du rachis lombaire et du trochanter ont augmenté respectivement de 3,2 et 2,8 %, les variations de la DMO nétaient corrélées ni avec le nombre de perfusions dINF ni avec la dose de prednisolone reçue, mais le gain de DMO a été supérieur chez les MC qui nont pas rechuté.

M Lémann et col. (Paris) ont rapporté les résultats attendus de lessai du GETAID comparant leffet de larrêt de lazathioprine (AZA) à sa poursuite chez les MC en rémission sous AZA. Quatre vingt trois MC, en rémission clinique depuis 5,4 ± 3,3 années, traitées par AZA depuis 5,5 ± 2,1 ans à la dose de 1,7 ± 0,5 mg/kg/j, ont participé à lessai. Ils ont reçu soit un placebo, soit poursuivi lAZA à la même dose. Si le risque de rechute à larrêt du traitement reste faible (21 %), il reste supérieur à celui observé avec la poursuite de lAZA (7,9 %). Les facteurs prédictifs de rechute sont un jeune âge, lancienneté du traitement par AZA, une CRP supérieure à 20, un nombre de polynucléaires supérieur à 4000, une hémoglobine inférieure à 12g.

Le 6-Thioguanine (6-TG) est métabolisé en 6-Thioguanine nucléotide (6-TGN) métabolite actif de lAZA. B Bonaz et col. (Grenoble) ont testé cette molécule chez 39 MC dont 28/39 intolérants à lAZA et 11/39 non-répondeurs. Dans le groupe des intolérants à lAZA, 23/28 sont restés stables ou ont été améliorés (aucun cas de pancréatite na été observé), dans le groupe non-répondeurs à lAZA : une intolérance et une absence damélioration. Toutefois le recul reste faible et il est regrettable que ce produit ne soit plus actuellement disponible.
JF Colombel et col. (Lille) ont rappelé les résultats de lessai ACCENT 1 rapporté à lUEGW dAmsterdam doctobre : des perfusions répétées toutes les 8 semaines dINF sont plus efficaces quune perfusion unique en terme de rémission à 30 semaines, de sevrage en corticoïdes à 30 semaines et à un an et de maintien de la rémission à un an. A noter toutefois quun traitement à la demande permet de maintenir une réponse chez 60 % des MC à un an.

Deux études portant sur lINF dans la MC confirment les résultats obtenus dans les essais avec un taux de réponses approchant les 70 %, la perte defficacité est également confirmée par le travail de M Doubremelle et col. (Nantes) avec 45 % de rechute à 4 mois, ces rechutes sont moins fréquentes chez les patients sous immunosuppresseurs (18 % contre 56 %) faisant envisager une synergie entre les immunosuppresseurs et lINF. P Petit et col. (Nancy) ne retrouvent pas de facteur prédictif à une réponse négative. Sur une série de 336 MC, E Louis et col. (Belgique) ont montré que lINF est bien toléré avec 26 effets secondaires sévères imputés à ce traitement : réaction à la perfusion chez 3 % des MC (immédiate chez 2,1 %, retardée chez 0,9 %), infections sévères (1,5 % des MC avec 3/5 décès, à noter labsence de tuberculose). Dans cette série, 3 cas de cancers ont été observés (prostate, col utérin et tumeur desmoïde), mais qui ne semblent pas devoir être imputés à lINF.

Si lindication actuelle de lINF est cantonnée à la MC, des essais ont déjà été réalisés au cours de la RCH. Durant une période de 20 mois, JM Gornet et col. (Paris) ont utilisé lINF chez 17 patients porteurs de RCH (14/17) ou de colite indéterminée (3/17) en poussée sévère (8/17) ou modérée (9/17). Globalement 13/17 patients ont répondu au traitement, une réponse a été obtenue chez 76 % des patients, une réponse complète chez 41 % mais une rechute a été observée chez 7/13 des répondeurs dans un délai moyen de 3 mois.

Le problème du coût du traitement par INF est toujours au premier plan. Dans une évaluation médico-économique des stratégies thérapeutiques de la MC, I Jaisson-Hot et col. (Lyon) ont utilisé un modèle de Markov pour évaluer les coûts directs médicaux et non médicaux de la MC. Lindicateur defficacité utilisé a été la survie ajustée sur la qualité avec pour unité le QALY (Quality Adjusted Life Years), la durée étant la vie entière. La stratégie utilisant lINF est plus efficace mais plus coûteuse : pour obtenir une unité defficacité supplémentaire le surcoût est de 63 700 dans le cas dun traitement au coup par coup et de 784 000 dans le cas de retraitement systématique.