CREGG – Les MICI à l’AGA 2009

La DDW reste avec l’UEGW une des grandes messes de la gastro-entérologie. Cette année à Chicago la présence française était nettement plus réduite que les années passées notamment en ce qui concerne les libéraux. Parmi plus de 900 communications (de qualité inégale) concernant les MICI, 3 communications essentielles concernant l’incidence du cancer colorectal dans la cohorte CESAME, les résultats de l’essai SONIC à 50 semaines et ceux de l’essai EXTEND sur la cicatrisation muqueuse au cours de la maladie de Crohn avec l’adalumimab.

EPIDEMIOLOGIE DES MICI

Une gastroentérite à Salmonelle ou à Campylobacter pourrait favoriser l’apparition d’une MICI. C’est ce qu’évoquent H Nielsen et al. (Danemark) à partir d’une cohorte de plus de 13 000 patients dont 107 ont développé une MICI dans les 15 années de suivi vs 74 chez les 26 000 témoins soit un HR de 2,9 pour la période et de 1,9 dans la première année. Mais s’agit-il d’une cause ou est-ce le terrain qui favorise infection et MICI ?

L’élévation du taux d’acide arachidonique dans le tissu adipeux reflète la consommation de corps gras dans les 2 années précédentes. PS de Silva et al. (Norwich) montrent que, dans une cohorte de plus de 50 000 patients, les 34 patients qui ont développé une RCH durant le suivi (11 ans) avaient un taux initial d’acide arachidonique plus élevé dans le tissu adipeux que les témoins ce qui pourrait refaire surgir le rôle des graisses alimentaires comme facteur environnemental.
L’exposition au soleil pourrait-elle prévenir l’apparition des MICI ? C’est que se demandent F Carbonnel et al. (Paris) en comparant les cas de MICI enregistrées par l’assurance maladie et les doses d’UV médianes mensuelles obtenues auprès de la météo. L’incidence des MICI en France est plus importante dans les régions ayant un faible ensoleillement. Faut-il y voir un rôle d’une carence en vitamine D ?

V Chouraki et al. (Lille) ont montré à partir du registre EPIMAD que durant la période 1988-2005, l’incidence de la maladie de Crohn (MC) a augmenté de 20 % dans l’ensemble de la population du Nord-Est de la France mais que cette augmentation a été deux fois plus importante pour la tranche d’âge 0-19 ans. A noter également que la localisation de la MC se modifie avec une régression des formes coliques (de 27 % à 16 %) et une augmentation de l’incidence des localisations hautes et iléocoliques (de 8 à 16 %)

GROSSESSE ET MICI

J Coelho et al., à partir de 215 grossesses chez 204 femmes enregistrées dans la cohorte  française CESAME entre mai 2004 et octobre 2007, montrent qu’il n’y a aucune augmentation du risque de malformation congénitale sous thiopurines mais des augmentations non significatives des risques de prématurité et d’hypotrophie. Les auteurs n’excluent pas le rôle de la sévérité de la MICI pour expliquer ces dernières.

U Mahadevan et al., à partir une cohorte prospective de MICI réalisée par 30 centres américains regroupant 300 patientes traitées, montrent que l’utilisation d’immunosuppresseurs, contrairement aux anti-TNF, pourrait favoriser les accouchements prématurés par rapport aux patientes traitées par corticoïdes ou 5-ASA [OR : 4.3 (1.5, 12.5)] mais la puissance de l’étude reste insuffisante pour conclure de façon définitive.

IMAGERIE MICI

Les techniques d’imagerie ont fait l’objet de nombreuses communications. K Froeker et al. (Edmonton) ont insisté sur les risques d’irradiation liés aux explorations radiologiques au cours des MICI. Sachant qu’une dose cumulée supérieure à 75 milli-Sieverts (mSv) est susceptible d’augmenter la mortalité par cancer de 7,3 %, il est important de savoir qu’une radio de thorax est responsable d’une irradiation de 0,02 mSv, un ASP de 1 mSv, un transit du grêle de 3 mSv, un lavement baryté de 7 mSv, un scanner de 14,7 mSv. Ainsi le scanner est responsable de 76 % de l’irradiation au cours de la MC et de 68 % au cours de la RCH, 6 scanners sont suffisants pour mettre un patient dans une zone à haut risque.

C Trattenero et al. (Milan) ont évalué la valeur diagnostique de l’échographie et du scanner dans le diagnostic initial de MC. A partir d’une série de 24 suspicions de MC iléales les auteurs montrent que l’absence d’épaississement pariétal permet d’exclure le diagnostic de MC. Un épaississement pariétal supérieur à 4 mm à l’échographie rend le diagnostic de MC probable à 35 %, lorsqu’il s’associe à une augmentation du flux sanguin ou à une hypertrophie de la graisse mésentérique la probabilité passe à 65 %. Pour le scanner, l’épaississement pariétal rend le diagnostic de MC probable à 68 %, la présence d’une congestion des vasa recta ou un rehaussement pariétal fait passer cette probabilité de MC à 98 %.

N Pallotta et al. (Rome) en comparant les résultats de l’échographie et de la coloscopie chez 56 MC ayant subi une résection iléo-colique droite montrent que la sévérité des lésions endoscopiques est étroitement corrélée à l’épaississement pariétal noté à l’échographie et qu’une épaisseur pariétale supérieure à 3,5 mm est le témoin d’une récidive endoscopique.

F Lenze et al. (Luneburg) ont évalué la valeur respective du PetScan, de l’IRM et de l’échographie pour détecter et différencier sténoses inflammatoires et fibreuses chez 30 MC. Sur 43 sténoses détectées par endoscopie, le PetScan en a détecté 32, l’IRM 30, l’échographie 26. Mais ces 3 examens ont une mauvaise sensibilité pour détecter les sténoses rectales et duodénales. Par contre pour différencier une sténose fibreuse d’une sténose inflammatoire, l’échographie permet d’obtenir les meilleurs résultats. Ainsi les auteurs préconisent-ils l’utilisation en première intention de l’échographie. Lorsque celle-ci ne détecte pas la sténose, le PetScan peut être envisagé dans un second temps.

CANCER ET MICI

Un des points forts de cette DDW a été la présentation par Ph Seksik (Paris) de l’incidence du cancer colorectal dans la cohorte CESAME. Entre 2004 et 2007, 36 cas incidents de CRC et 21 dysplasies de haut grade ont été observés dans cette cohorte composée de 19 486 MICI, soit un taux d’incidence (SIR) de 2. Si on ne considère que les patients ayant une colite étendue évoluant depuis plus de 10 ans, le SIR passe à 6,3. A noter surtout que les MICI ne recevant pas de traitement par thiopurines ont 3,5 plus de risque de développer une néoplasie. Signalons toutefois l’absence d’information concernant les doses utilisée, et la durée de traitement par thiopurines ainsi que la prise concomitante éventuelle de 5-ASA.

Beaucoup de publications concernant la détection de la dysplasie. TA Ullman a rappelé que ce dépistage avait 2 objectifs : réduire la mortalité par CRC et le nombre de colectomies inutiles. La chromoendoscopie à l’indigo carmin ou au bleu de méthylène doit devenir systématique, le NBI et le FICE ne sont pas efficace dans la détection de la dysplasie au cours des MICI. Mais la chromoendoscopie nécessite une préparation impeccable, une réduction du péristaltisme, l’ensemble du côlon doit être coloré, permettant des biopsies ciblées.

FJ van de Broeck et al. (Amsterdam) considèrent que les biopsies systématiques sont inutiles en cas de côlon d’aspect normal. Elles gardent leur place en cas de côlon cicatriciel et de pseudopolypes et elles doivent être systématiques au pourtour de toute zone suspecte. Les biopsies ciblées ont une efficacité 3 à 5 fois supérieure aux biopsies systématiques.

J Katz et al. (New York) distinguent les patients à haut risque de dysplasie (antécédent de dysplasie, d’adénome ou ayant une cholangite) des patients à faible risque. Ils montrent également la supériorité des biopsies ciblées chez les patients à faible risque. En comparant les résultats dans un groupe de 102 patients (50 à haut risque, 52 à faible risque), ils observent que quelque soit la technique utilisée (biopsies ciblées avec ou sans chromoendoscopie ou biopsies systématiques) le nombre de dysplasies détectées est plus élevé chez les patients à haut risque (13 vs 4). Les biopsies ciblées sans coloration ont permis la détection de 6 dysplasies dans le groupe à haut risque de 2 dans le groupe à faible risque,  les biopsies systématiques ont détecté 3 dysplasies dans le groupe à haut risque et aucune dans le groupe à faible risque, 4 des 6 dysplasies dans le groupe a faible risque n’ont été détectées que par les biopsies ciblées au cours de la chromoendoscopie. De là à dire qu’en cas de dépistage négatif chez un patient à faible risque l’intervalle entre 2 coloscopies peut être augmenté il n’y a qu’un pas que TA Ullman (New York) franchit : coloscopie annuelle en cas de haut risque, tous les 5 ans en cas de faible risque.

TRAITEMENT DE LA MALADIE DE CROHN

Les résultats attendus des essais SONIC et EXTEND ont été rapportés au cours de la late breaking session.

Lors de L’UEGW de Vienne et des JPHOD, JF Colombel avait présenté les résultats à semaine 23 de SONIC, essai multicentrique portant sur 508 MC modérées à sévères naïfs d’immunosuppresseurs ou d’infliximab (IFX). WJ Sandborn et al. ont rapporté au cours de la DDW, les résultats à semaine 50 qui sont comparables avec, en ITT, une rémission sans corticoïdes chez 46,2 % des MC sous IFX + AZA, 34,9 % des MC sous IFX et 24,1 % des MC sous AZA. Le taux d’infection a été comparable dans les 3 groupes. A noter que chez les patients ayant à l’inclusion une CRP > 8 mg/l et des lésions endoscopiques, un taux de rémission de 50 % pour l’association IFX + AZA vs 41,5 % et 22,7 % pour les MC traitées respectivement par IFX seul et AZA seul. Les auteurs pensent que la supériorité de l’association est plus due à un effet additif qu’à une réduction de l’immunogénicité.

Les premiers résultats de l’essai EXTEND, visant à évaluer l’efficacité de l’adalumimab (ADA) sur la cicatrisation muqueuse au cours de la MC ont été rapporté par P Rutgeerts. Sur 129 MC inclus, une cicatrisation muqueuse complète est obtenue à semaine 12 chez 28 % des MC ayant reçu après l’induction un traitement d’entretien par 80 mg d’ADA toutes les 2 semaines et qu’elle se maintient à semaine 52 chez 24 % des patients contre respectivement 13 % et 0 % de ceux qui n’ont reçu que le traitement d’induction. Le taux élevé de cicatrisation muqueuse à S12 chez les patients qui n’ont reçu que le traitement d’induction s’explique pour P Rutgeerts par un effet prolongé du traitement d’induction. L’amélioration endoscopique a également été évaluée sur le CDEIS qui est inférieur à 4 chez 25 % des MC ayant un traitement d’entretien contre 2 % de celles n’ayant reçu que le traitement d’induction.

DT Rubin et al. (Chicago) ont analysé rétrospectivement les résultats des stratégies Step-Up et Top-Down. A partir de 3636 MC ayant reçu des anti-TNF, ils montrent que les MC ayant bénéficié de la méthode du Top-Down ont nécessité des doses moins élevées, ont moins souvent eu besoin de changer d’anti-TNF, ont été moins souvent opérés que ceux qui ont été traités par la méthode du Step-Up. Autant de raisons qui incitent à déterminer rapidement les facteurs prédictifs de sévérité qui justifieraient un traitement par anti-TNF d’emblée.

E Louis et al. ont rapporté l’essai STORI du GETAID déjà présenté à l’UEGW de Vienne et aux dernières JHOD, essai évaluant les résultats de l’arrêt de l’IFX chez les MC en rémission stable sans corticoïdes depuis un an avec l’association IFX AZA. À un an, 57 % des MC restent en rémission. En cas de rechute, la reprise de l’IFX est efficace. Un sous-groupe de patients à fort risque de rechute a pu être identifié : tabagisme, hémoglobine < 14,5 g/l, persistance de lésions endoscopiques et CRP ultra sensible  > 2,5.

RCH

Peu de nouveauté en ce qui concerne la RCH.

J Sauk et al. (New York) ont évalué les résultats d’un traitement par ciclosporine (CSA) chez 287 RCH. Une colectomie au cours de l’hospitalisation a été nécessaire dans 15,3 % des cas. Les facteurs prédictifs de colectomie sont l’absence de traitement par thiopurine, une albuminémie < 30g. Les mêmes auteurs ont rapporté que chez 32 RCH ayant subi un re-traitement par CSA, à un an, 50 % ont pu éviter la colectomie.

Déjà rapporté lors des JHOD, S Leblanc et al. ont rappelé l’étude du GETAID sur 86 colites inflammatoires sévères (71 RCH, 15 CI) n’ayant pas répondu à un traitement de 2ème ligne par CSA ou IFX et ayant reçu un traitement de 3ème ligne par IFX ou Cs. La probabilité de colectomie était de 39 % à 3 mois, de 59 % à un an et de 63 % à 3 ans (un seul décès par embolie pulmonaire dans les suites de la colectomie). Les auteurs pensent qu’un traitement de 3ème ligne peut être discuté, au cas par cas, dans les RCH sévères dans des centres experts.

Malgré les progrès de la prise en charge de la RCH le taux de colectomie ne diminue pas. Dans une étude rétrospective, E Slattery et al. (Dublin) montrent que depuis 20 ans si le taux de colectomie en urgence a régressé passant de 78 % à 20 %, le taux de colectomie pour inefficacité thérapeutique dans les 3 ans suivant le diagnostic reste de 20 % malgré une utilisation de plus en plus fréquente d’immunosuppresseurs.

Les multiples scores cliniques ou endoscopiques utilisés dans l’évaluation de l’activité de la RCH ont une mauvaise reproductibilité notent AJ Walsh et al. (Oxford) avec des discordances inter-observateurs qui peuvent atteindre 20 %. S Travis et al. ont évalué les différents items endoscopiques afin d’apprécier l’activité de la RCH (59 enregistrements interprétés par 30 spécialistes des MICI) Une bonne concordance inter-observateur, n’est observée que pour la vascularisation, la présence de mucopus, de sang, d’érosions et d’ulcérations, éléments qu’un groupe international va utiliser pour créer un nouveau score endoscopique reproductible.

Gilbert TUCAT
Membre de la Commission MICI