Toujours très appréciée de la communauté gastroentérologique, la DDW s’est déroulée cette année à San Diego. Si les communications sur les MICI restent très nombreuses, pas de révolution mais de multiples communications qui peuvent modifier la prise en charge de nos patients.
EPIDEMIOLOGIE DES MICI
Dans une étude de population réalisée par l’équipe de la Mayo Clinic, WJ Tremaine et al. (Rochester) confirme que les RCH distales s’étendent vers l’amont chez 44 % des patients dans les 5 ans qui suivent le diagnostic. Cette extension des lésions n’est ni corrélée au sexe, à l’âge, à la dose cumulée de 5-ASA. Toutefois les patients qui ont reçu de fortes doses de corticoïdes sont plus exposés (HR [95 % CI] = 1,2 pour 100 mg de prednisone [1.1, 1.4], p = 0,002).
GROSSESSE ET MICI
Peut-on préconiser l’allaitement chez les patientes porteuse de MICI ? Il est habituel de penser que ces patientes allaitent moins souvent. D Moffatt et al. (Winnipeg), à partir d’une série de 103 MICI (65 % de MC, 31 % de RCH et 4 % de CI), ont recensé 112 naissances, 82,1 % des enfants ont reçu un allaitement maternel pendant une durée médiane de 21 semaines. Ces chiffres sont comparables à ceux de la population générale. Surtout cet allaitement n’aurait pas d’effet délétère sur la MICI puisqu’en comparant le nombre de poussées chez les MICI ayant allaité et celles n’ayant pas allaité, il n’y a pas de différence en ce qui concerne le nombre de poussées que les patientes aient interrompu leur traitement d’entretien ou non.
B Jharaps et al. (Amsterdam), dans une étude prospective sur 10 patientes porteuses de MICI (8 MC, 2 RCH) traitées par AZA ont dosé les métabolites des purines avant, pendant, chez la future mère, après la grossesse, dans le cordon et chez l’enfant. Ils montrent que le taux de 6-TGN diminue au cours de la grossesse, qu’une augmentation du 6-MMP est observé chez 3/6 MICI. Par contre chez l’enfant, le taux de 6-TGN à la naissance était 2 fois moins important que celui de la mère et le 6-MPP ne semble pas franchir le placenta car indosable chez les enfants.
Reste le problème de l’allaitement. Chez une patiente traité par AZA, il est recommandé de ne pas allaiter. S Angelberger et al. (Vienne) rapportent 11 patientes ayant refuser de suivre ces recommandations et ayant allaité leur enfant pendant une période médiane de 6 mois. Aucun problème particulier n’a été observé chez les enfants (pas de retard de développement physique ou mental, pas de surinfection, vaccinations parfaitement tolérées et, semble-t-il, efficaces). Ainsi ces résultats préliminaires pourrait suggérer que l’allaitement durant un traitement par AZA ne serait pas à risque et que celui-ci pourrait-être discuté chez les femmes qui insistent.
S Mahadevan et al. (San Francisco) rapportent 8 enfants nés de mère ayant reçu pour une MICI de l’IFX durant la grossesse et en particulier durant le dernier trimestre, 3 ont allaité. Les auteurs ont évalué la réponse immunitaire chez les enfants à 6 mois : taux normal d’IgG et d’IgA mais abaissement inexpliqué des IgM, efficacité des vaccinations notamment du tétanos.
IMAGERIE MICI
Les techniques d’imagerie ont fait l’objet de nombreuses communications. L’entéroscanner est de plus en plus utilisé dans la surveillance des MICI. Chez les patients ayant subi une résection intestinale, J Adler et al. (Ann Arbor) ont comparé les données de l’entéroscanner et de l’histologie. Ils montrent qu’il existe une excellente corrélation entre un aspect inflammatoire au TDM (hypervascularisation, rehaussement) et l’histologie mais que l’absence d’anomalie au TDM ne permet pas d’exclure une inflammation histologique. Par contre les corrélations entre un aspect de fibrose au TDM et l’histologie sont moins bonnes.
Mais ces scanners répétés sont peut-être à risque. En effet, A partir de leur série de 399 MC, AN Desmond et al. (Cork) montrent que le risque d’irradiation est élevé chez les MC essentiellement celles ayant une atteinte iléocolique, une forme pénétrante, nécessitant des corticoïdes ou de l’infliximab ou une intervention chirurgicale. Z Lévi et al. (Tel Aviv) confirment que le scanner est responsable au cours des MICI d’un risque important d’irradiation. Dans leur série de 551 MICI (60 % de MC), ils signalent que les MC reçoivent une irradiation 2 fois plus importante que les RCH (20 mSev vs 10), que le scanner est responsable de 70 % de cette irradiation. Ce risque sera peut-être réduit avec l’IRM. DH Bruining et l’équipe de la Mayo Clinic ont évalué l’intérêt de l’IRM au cours de la MC suspectée (128 patients) ou connue (145 patients). L’IRM a permis de confirmer le diagnostic chez 53,9 % des patients suspects de MC, et a modifié l’attitude thérapeutique chez 48,3 % des MC connues (ajout d’un nouveau traitement 14,5 %, arrêt d’un traitement 9 % ou décision chirurgicale 3,4 %).
IMMUNOSUPRESSEURS ET MICI
Plusieurs études ont rapporté des frottis cervicaux anormaux chez 5 à 35 % des femmes utilisant des immunosuppresseurs (IS) au cours des MICI avec toutefois des lésions cervicales à faible risque d’évolution vers un cancer invasif. Une première étude rapportée par TE Lyles et al. (Menphis) montre, en appariant 51 MC ayant des frottis anormaux à 101 MICI avec frottis normaux, que dans le groupe avec frottis anormaux la durée de la prise d’IS est discrètement supérieure à celle du groupe avec frottis normaux.
Par contre 2 autres communications semblent innocenter les IS. Dans une étude de population, l’équipe de CN Berstein (Winnipeg) a étudié 31 656 femmes ayant des frottis anormaux qui ont été appariées à 94 922 contrôles. Neuf cent quatre vingt sept femmes avaient une MICI, 264 d’entre-elles étaient sous IS. Aucune association n’a été observée entre les anomalies cervicales et la présence d’une MICI (OR 1.04, 95 % CI : 0.90-1.20). Les MICI sous IS n’avaient pas de risque plus élevé d’anomalie cervicale que celles ne prenant pas d’IS. De même, CW Lees et al. (Edimbourg), en étudiant 411 MICI appariées à 1644 témoins, ne retrouvent pas de différence dans le pourcentage de frottis anormaux qu’il y ait prise d’IS ou non chez les MICI. Ni la durée d’évolution de la maladie, ni la prise de contraceptifs, ni le nombre de grossesses augmentent ce risque. Par contre les fumeuses jeunes ayant une MICI ont un risque plus élevé de dysplasie cervicale.
Les IS sont de plus en plus prescrits au cours des MICI mais en fait ils sont fréquemment interrompu. B Jharap et al. (Amsterdam) rapportent les résultats du suivi des prescriptions de 2 cohortes suivies pendant 8 ans l’une issue d’un centre tertiaire, l’autre d’un hôpital général. Ils montre que si les prescription d’IS sont plus fréquentes dans le centre tertiaire (36 % des MICI vs 17 %), le taux d’interruption à 6 mois sont identiques à 6 mois (50 %) dans les 2 structures, liés dans la majorité des cas à des effets secondaires (75 %), à une inefficacité (22 %) ou à une non-compliance (3 %).
TRAITEMENT DE LA MALADIE DE CROHN
Infliximab et immunosuppresseurs
L’essai du GETAID avaient montré qu’adjoindre de l’azathioprine (AZA) à 3 injections d’infliximab (IFX) chez les MC corticodépendantes pouvait être utile, permettant une rémission clinique à S12 et S24 chez 70/113 MC (62 %). Toutefois le suivi de ces patients, rapporté par L Costes et al., montre que 56/70 rechutent (82 % malgré la poursuite de l’AZA) et que la probabilité de rechute à 1 an est de 41 % et de 85 % à 4 ans.
B Feagan et al. (London, Canada), dans une essai randomisé sur 50 semaines chez 126 MC sévères à modérées, ont montré qu’une induction par corticoïdes, IFX et méthotrexate (MTX) pendant 14 semaines suivi par un entretien par IFX et MTX n’est pas supérieur à une induction par corticoïdes et IFX suivi d’un traitement d’entretien par IFX seul. Dans les 2 groupes, les taux de rémission sans corticoïdes à la fin de l’induction et de l’essai sont identiques (induction : 76,2 % vs 77,8 %, fin d’étude : 55,6 % vs 57,11 %). A noter que seulement 59 MC ont terminé l’essai.
Chez les patients répondeurs à l’IFX, F Schnitzler et al. (Louvain) mentionnent qu’une cicatrisation muqueuse est observée chez 40 % des MC. Le taux de cicatrisation muqueuse est meilleur en cas de traitement d’entretien qu’en cas de traitement épisodique (76 % vs 53 %). La prise d’immunosuppresseur n’améliore pas ce taux et les patients qui restent en rémission clinique à la fin du suivi ont un meilleur taux de cicatrisation muqueuse. Les mêmes auteurs (Louvain) montrent que l’IFX modifie l’évolution naturelle de la MC en réduisant, grâce au traitement d’entretien par IFX, le recours à la chirurgie. Par contre l’absence de réponse rapide ou la perte de réponse à l’IFX sont corrélées avec un plus grand nombre d’interventions chirurgicales.
Les équipes belges de Louvain et de Bruxelles rapportent un essai préliminaire portant sur 27 patients souffrant de pochite réfractaire ou de fistule au niveau de la poche après AIA traités par IFX (5 mg/kg) et montrent un taux de réponse supérieur à 80 %. Ces résultats méritent d’être confirmé par un essai prospectif qui risque d’être toutefois difficile à mener.
Une étude multicentrique intéressante coordonnée par JS Hyams et al. (Hartford) confirme l’efficacité de l’IFX chez l’enfant permettant, à partir d’une série de 229 MC de l’enfant, de montrer qu’après traitement par IFX, 75 % des MC sont devenues inactives ou bénignes que les corticoïdes ont pu être interrompu (dans les 3 mois) et non repris chez la majorité des patients (79 %). A noter l’absence de réponse chez 11 %, une perte de réponse chez 13 %, une réaction allergique chez 26 %. Deux ans après le début du traitement par IFX, 2/3 des MC reste sous traitement d’entretien.
Adalimumab
R Panaccione et al. (Calgary), à partir des résultats de l’essai GAIN montre que chez 310 MC, qui n’avaient pas antérieurement répondu à un traitement par IFX mais à une induction par adalimumab (ADA 160/80 mg à S0 et S2), le maintien de la rémission a été obtenu chez 40 % des MC à un an et une réponse clinique (baisse du CDAI de 100 pts) chez 66 %. Les mêmes auteurs montrent que la poursuite du traitement d’entretien des MC en rémission sous ADA à un an se maintient chez 77 % au terme de 2 ans.
HE Mardini et al. (Lexington) dans une étude de pratique montre que les résultats obtenus avec l’ADA sont comparables à ceux rapportés dans les essais thérapeutiques. Ce sont en fait les préférences du patients qui oriente le choix thérapeutique ainsi dans 20 % des cas lors d’un premier traitement l’ADA a été préféré par le patient, dans 6 % des cas un switch de l’IFX a l’ADA a été réalisé à la demande des patients.
Certolizumab (CZP)
Contrairement à ce qui s’est déroulé eu Europe, le Certolizumab a obtenu l’autorisation de mise sur le marché par la FDA aux Etats-Unis. Ce produit semble portant avoir des propriétés intéressantes S Vermeire et al. (Louvain) dans un essai multicentrique portant sur 539 MC en perte de réponse ou devenu intolérant à l’IFX, montrent qu’à 6 semaines une réponse clinique était obtenue chez 62,2 % et une rémission chez 39,3 %.
Anti-TNF, arrêt de travail et qualité de vie
A partir des données de l’essai CHOICE (essai multicentrique sur l’ADA chez 673 MC modérée à sévères n’ayant pas répandu à l’IFX ou qui sont devenus résistants ou intolérants à l’IFX) et d’un questionnaire permettant d’évaluer la productivité au travail (WPAI), S Lichtiger et al. (New York), montrent que les MC traitées par ADA améliorent significativement leur productivité au travail dès la 4ème semaine de traitement. Les même auteurs à partir des mêmes données, montent que l’ADA, à partir du SIBDQ, améliore significativement la qualité de vie chez les intolérants et à un moindre degré chez les non-répondeurs à l’IFX.
HC Waters et al. ont utilisé une base de données pour évaluer l’impact des anti-TNF sur la fréquence des arrêts de travail. En comparant les 1380 MICI sur une période de 5,5 ans, ils observent que le nombre médian de jours d’arrêt de travail est 22,5 jours pour les patients ayant reçu moins de 47 semaines d’anti-TNF entre 10,3 chez ceux ayant reçu plus de 48 semaines d’anti-TNF.
TRAITEMENT DE LA RCH
Probiotiques et RCH
Les probiotiques sont fréquemment évalués notamment pas les auteurs italiens en ce qui concerne le VSL#3. Une étude multicentrique à chercher à évaluer son efficacité dans la RCH bénigne à modérée. Dans cet essai randomisé portant sur 147 RCH sous 5-ASA par voie orale, le VSL#3 a été comparé à un placebo pendant 12 semaines. Les auteurs montrent que s’ils obtiennent une amélioration du score d’activité, le VSL#3 ne permet pas d’améliorer significativement le taux de rémission à 2 et 12 semaines.
5-ASA et RCH
Les 5-ASA restent manifestement les leaders dans le traitement de la RCH bénigne à modérée. Une querelle est toutefois en cours entre les fortes doses et les doses classiques mais également entre la prise multiple ou unique qui pourrait permette une meilleure observance. WJ Sandborn et al. (Rochester) ont comparé l’efficacité de 4,8 g de mésalazine vs 2,4 chez les RCH modérées. A partir de 772 RCH randomisées, ils montrent qu’il n’existe pas de non-infériorité d’un traitement par rapport à l’autre et que ces 2 dosages sont parfaitement tolérés.
SB Hanauer et al. (Chicago) dans un essai multicentrique portant sur 687 RCH modérées traitées suivant le même protocole (4,8 g de mésalazine vs 2,4) montrent que lorsqu’une poussée antérieure avait été difficile à juguler, la prise de 4,8 g/j était la plus efficace.
Antidépresseurs et RCH
Les divergences sont nombreuses en ce qui concerne le rôle du psychisme au cours des MICI. A Esmaeili et al. montrent que les anti-dépresseurs pourraient être utile u cours de la RCH. Il s’agit certes d’un essai portant sur un faible nombre de patients (50) et avec une méthodologie discutable compte tenu de l’adaptation des doses à chaque patient, mais les auteurs concluent que l’imipramine (à la dose de 10 à 50 mg/j) pouvait améliorer à la fois le score morosité (Hamilton) mais également les scores de la MICI (Powell-Tuck) dès la 8ème semaine.
Infliximab et RCH
Les essais ACT1 et ACT2 ont montré l’efficacité de l’IFX dans la RCH modérée à sévères à la dose de 5 mg/kg à S0, S2 et S6 puis toutes les 8 semaines. WJ Sandborn et al. (Rochester) ont voulu évaluer, à partir des résultats des essais ACT1 et ACT2, si chez les patients n’ayant pas répondu à la première injection, une réponse pouvait être espérée à la suite des injections suivantes. Les auteurs notent que 1/3 des patients n’ayant pas répondu à la première injection ont répondu à S6 et que ¼ des RCH n’ayant pas répondu à la 2ème injection ont répondu à S8.
Anastomose iléo-anale et RCH
B Shen et al. (Cleveland) mettent en gardent vis-à-vis de l’anastomose iléo-anale (AIA) chez les RCH ayant des antécédents familiaux de maladie de Crohn. Dans une série de 558 patient ayant subi une AIA, ils ont observé 116 patient ayant un Crohn au niveau de la poche. Après analyse multivariée, ils observent une augmentation du risque de Crohn au niveau de la poche est augmenté chez les patients ayant un antécédent familial de MC avec un odds ratio (OR) de 3,61 (95 % CI 1.72-7,57). Lorsque l’antécédent est du premier degré l’OR atteint 4,48 (95 % CI 1.57-12.8). Le pronostic de Crohn de la poche est mauvais puisque le risque de perte du réservoir est multiplié par 7.
CANCER ET MICI
Le dépistage du cancer (CRC) au cours des colites inflammatoires reste un sujet de controverses. JF Marion et al. (New York) confirment l’intérêt de la chromo-endoscopie en montrant, dans une étude dans laquelle chaque patient est son propre témoin, que la chromo-endoscopie a permis, chez 59 RCH, de déceler 5 dysplasies de bas grade méconnues par la coloscopie standard avec biopsies systématiques.
Dans une étude, certes rétrospective, MW Lutgens et al. (Utrecht), montrent à partir d’une série de 149 CRC sur MICI, que la survie des patients ayant participé à un programme de dépistage est de 100 % vs 74 % chez les MICI non surveillées. Un seul décès dans le groupe surveillé vs 29 dans le groupe contrôle.
TA Ulman et al. (Boston) en étudiant l’histoire naturelle de la dysplasie au cours des MICI montrent que ce risque est identique au cours de la MC colique que de la RCH, qu’il s’agisse d’une dysplasie plane ou surélevée, que le risque de cancer à 5 ans est de 6,4 % en cas de dysplasie de bas grade, de 43 % en cas de dysplasie de haut grade.
A partir d’une série de 53 CRC sur RCH, VJ Carriere et al. Birmingham, Alabama) montre que plus que la dose de 5-ASA c’est la durée de la prise (supérieure à 11 ans) qui permet de réduire l’incidence du CRC.
Le travail de CA Siegel et al. (Chicago) montrent que, si la plupart des patients acceptent de se soumettre au dépistage de la dysplasie en cas de MICI et qu’il comprennent parfaitement que l’objectif est de dépister précocement des risques de CRC, 70 % des patients refuseraient la colectomie en cas de découverte d’une dysplasie arguant qu’il n’y a que 20 % de risque de cancer associé au moment de la découverte de la dysplasie.