AGA 2005

L’AGA 2005 a été, encore, très riche dans les publications sur les MICI. Nous avons retenu 3 thèmes : Grossesse et MICI, Maladie de Crohn et Rectocolite hémorragique.

Grossesse et MICI

L’étude observationnelle de DB Beaulieu (Milwaukee) portant sur 51 grossesses survenues chez 37 des 416 femmes porteuses de MICI, suivies durant la période 1998-2004, montre que la fréquence des complications est plus fréquente que ce qui est habituellement mentionné. Une complication est survenue au cours de 57 % des grossesses : une poussée de la maladie dans 21,2 %, le plus souvent au cours du premier trimestre (63,6 % des poussées), mai aussi au cours du post-partum (13,7 %). Beaucoup de poussées de la MICI sont survenue alors que le traitement avait été interrompu.Une fausse couche est survenue dans 11,8 % des grossesses, des complications obstétricales dans 29,3 % des cas (pré-éclampsie : 7,8 %, diabète gestationnel : 2 %).

C Dejaco et al. ont réalisé la première étude prospective visant à évaluer les risques de l’AZA au cours de la grossesse. Trente trois grossesses survenues chez 24 patientes porteuse de MICI traitées par AZA ou 6-MP ont été suivies et comparées à 35 grossesses survenues chez 28 MICI ne prenant pas d’IS et 310323 patientes de la population générale. Un accouchement plus précoce (une semaine) est survenu chez les patientes sous IS mais sans différence du poids de naissance, le taux de malformation et de mort-né n’était pas différent par rapport aux MICI n’ayant pas reçu d’IS et par rapport à a population générale.

Maladie de Crohn

En ce qui concerne la maladie de Crohn (MC), les publications essentielles ont eu pour thème les explorations du grêle et la thérapeutique dominée toujours par les immunosuppresseurs et l’infliximab (IFX).

Pour l’exploration du grêle, CA Solem (Rochester) et al., dans une étude prospective portant sur 42 MC, ont montré que la vidéocapsule a une forte sensibilité (83 %) mais une faible spécificité (53 %) et qu’il est indispensable de réaliser au préalable une imagerie du grêle afin d’éliminer une sténose asymptomatique. L’entéroscanner est le meilleur moyen d’explorer le grêle avec une sensibilité de 82 % et une spécificité de 89 %. D’autre part, il permet de détecter des lésions extra-luminales et de préciser la nature inflammatoire ou fibreuse des lésions. Dans la prise en charge des patients sous azathioprine (AZA), B Bonaz (Grenoble) a de nouveau rappelé que chez les patients traités par AZA, un taux de 6-TGN supérieur à 400pmol/8×108 érythrocytes est un facteur prédictif de résistance à l’AZA justifiant de choisir une autre alternative thérapeutique. Dans le même esprit, MF Neurath (Mayence) et al. ont montré qu’un taux de 6-Tioguanosine Diphosphate (fraction des 6-TGN) supérieur à 15 % du taux de 6-TGN pouvait être un facteur prédicitif de mauvaise réponse à l’AZA. La cicatrisation muqueuse devient maintenant un critère d’évaluation de l’efficacité des traitements de la MC. R Panaccione (Calgary) a montré que, lorsque le méthotrexate permettait une rémission clinique, une cicatrisation muqueuse complète était obtenue chez 59 % des MC, presque complète chez 12 %, partielle chez 12 %. Seules 18 % des MC en rémission n’avaient pas d’amélioration endoscopique.

Les leucophérèses font, depuis quelques années, l’objet de publications par les auteurs japonais au cours de la RCH. Cette année, une équipe allemande a testé cette technique chez des MC actives corticodépendantes et ayant résisté à un traitement par AZA ou IFX. Dix-huit MC ont été enrôlées dans cet essai, permettant une rémission chez 8/18 MC au terme de 2 séances par semaine pendant 3 semaines. Quatre des six patients suivis à long terme étaient toujours en rémission sans corticoïdes 4 mois plus tard.

D Hommes (Amsterdam) et al. ont comparé, dans une étude multicentrique, l’efficacité des techniques du « step-up » et du « top-down » chez les MC récentes. Cent trente MC actives nouvellement diagnostiquées ont bénéficié soit du « step-up » (prednisolone (CS) à la dose de 40 mg/j jusqu’à mise en rémission, reprise du traitement en cas de rechute, mise sous AZA lors de la seconde rechute, puis mise sous IFX en cas de nouvelle rechute) soit de la technique du « top-down » (3 injections d’IFX à S0, S2 et S6 et mise en route d’un traitement par AZA). A 12 mois, 77 % des patients du groupe « top-down » étaient en rémission, contre 64 % du groupe « step-up », mais surtout près de 20 % du groupe « step-up » étaient devenus corticodépendants.

L’essai randomisé CLASSIC présenté l’an dernier à l’AGA avait montré que l’Adalimumab (ADA) permettait de mettre en rémission, à 4 semaines, certaines MC actives. Un essai complémentaire est en cours (CLASSIC II) pour évaluer l’efficacité d’un traitement d’entretien. Dans l’attente de ces résultats, W Sandborn a présenté un essai ouvert sur les 220 patients n’ayant pas répondu à l’ADA et chez qui le CDAI restait supérieur à 150 dans 95 % des cas. Ces patients ont reçu 40 mg d’ADA toutes les semaines ou toutes les 2 semaines. A 24 semaines, le CDAI avait baissé de plus de 100 points chez 70 % des MC et il était inférieur à 150 chez 33 % montrant ainsi que l’absence de rémission à 4 semaines ne permet pas de conclure à l’absence d’efficacité à plus long terme.

Rectocolite hémorragique

L’utilité de l’AZA dans la prévention des rechutes de la MC est bien établi mais des incertitudes persistent en ce qui concerne sont utilité dans a prévention des rechutes de la RCH. MH Holtmann et al. ont réalisé une étude multicentrique (14 centres européens) rétrospective portant sur 818 MC et 358 RCH traités pendant plus de 15 ans par IS. Ils montrent que l’AZA permet de réduire durant les 4 premières années le nombre de poussée et de réduire de façon significative la corticothérapie. Cet effet protecteur persiste au delà de la 4ème année, surtout dans la RCH mais il est intéressant de noter qu’il existe une tendance à la réactivation de la maladie à l’arrêt de l’AZA au cours de la RCH.

Les publications concernant la RCH ont été nombreuses. Dépistage des dysplasies et du traitement ont été les sujets les plus abordés.

La prévention du cancer colique chez les patients porteurs de RCH anciennes n’est manifestement pas faite de façon satisfaisante. En France, comme l’a montré l’étude du CREGG (J Lapuelle et al.), seulement 45 % des localisations coliques des MICI ont subi une coloscopie de dépistage de dysplasie. En Hollande également, van Rijn et al. ont montré que, si la plupart des gastro-entérologues néerlandais font des coloscopies de dépistage, les 4 biopsies dans chaque quadrant tous les 10 cm nécessaires pour le dépistage de la dysplasie ne sont réalisées que par 41 % des gastroentérologues. Aux USA, FA Farraye et al. (New York) ont montré que les gastro-entérologues libéraux et hospitaliers ont des difficultés dans la prise en charge des polypes découverts au cours des RCH et que la différenciation entre DALM et polypes n’est pas bien faite.

Pour le dépistage des dysplasies, l’avenir est vraisemblablement lié au développement de l’endomicroscopie. Cette technique présentée par R Kiesslich (Mayence), en utilisant un laser microscope confocal miniaturisé inclus dans un endoscope, permet de déceler les anomalies des structures cellulaires, vasculaires et du tissu conjonctif. La comparaison des images obtenues à l’examen histologique des biopsies montre une sensibilité de 94,7 %, une spécificité de 98,3 % et une précision de 97,8 %. L’endomicroscopie permettrait donc de cibler les biopsies uniquement sur les zones suspectes. Il faudra comparer cette méthode au NBI dont l’accès sera certainement plus facile et moins coûteux.

Il faut insister sur l’arrivée en force des biotechnologies avec un inhibiteur de l’ICAM-1, l’alicaforsen et l’infliximab (IFX). L’alicaforsen, utilisé en lavements dans les RCH gauches, est bien toléré comme l’ont montré les 2 essais présentés respectivement par PB Miner et al (Oklahoma City) et SJ van Deventer (Amsterdam). Il permet d’obtenir un taux de rémission clinique plus élevé et plus durable que la mésalazine en lavements à la dose quotidienne de 4 g dans les formes légères à modérées.

Toutefois, et sans aucun doute, le fait marquant de cette AGA 2005 aura été la publication des 2 essais multicentriques ACT 1 et ACT 2 rapportés par P Rutgeerts et W Sandborn. Ces 2 essais ont inclus chacun 364 RCH modérées à sévères qui ont reçu à S0, S2 et S6, puis toutes les 8 semaines soit un placebo, soit de l’IFX à la dose de 5 mg/kg ou de 10 mg/kg. Tous les patients dans l’essai ACT1 étaient corticodépendants, et résistants à l’AZA tandis que, dans l’essai ACT 2 ont également été inclus des RCH n’ayant résisté qu’au 5-ASA. Les résultats sont superposables dans les 2 essais, le traitement par IFX, quelle que soit la dose, est bien toléré, permet d’obtenir dès la 8ème semaine une réponse ou une rémission clinique chez respectivement 65 % et 34 % des RCH (contre 29 % et 6 % pour le placebo). Ce résultat se maintient à S30 avec un taux de rémission plus important chez les patients recevant 10 mg/kg d’IFX (60 %) que chez ceux recevant 5 mg/kg (47 %). Une cicatrisation des lésions muqueuses était présente dès S8 chez 60 % des RCH sous IFX contre 30 % dans le groupe placebo. Cette cicatrisation se maintenait à S30 chez 50 % des patients. Parallèlement, un sevrage en corticoïdes à S30 a pu être obtenu chez près de 18 % des RCH sous 5 mg/kg, et 27 % des RCH sous 10 mg/kg contre 3 % dans le groupe placebo.