AGA 2004

L’AGA, toujours aussi riche en publications sur les MICI de niveau certes inégal, apporte toujours des informations essentielles tant en ce qui concerne les explorations que la prise en charge à la fois par les traitements classiques que par les immunomodulateurs dont le nombre ne cesse de croître et qui commencent à trouver des indications dans la RCH.

La prévention du cancer colique au cours de la RCH

SH Itzkowitz et al. (New York) ont rappelé que la mésalazine systématique (à une dose supérieure ou égale à 1,2 g/j) si elle est incapable d’éviter l’évolution de la dysplasie de bas grade (DBG) vers la dysplasie de haut grade (DHG), permet par contre d’empêcher l’évolution des dysplasies indéfinies et des muqueuses non dysplasiques vers la DBG. Le mécanisme d’action reste obscur mais il ne semble pas qu’il s’agisse de l’effet anti-inflammatoire de la mésalazine qui soit impliqué puisque S Matula et al. (New York) ont montré que le 6-mercaptopurine (6-MP) ne réduit pas le risque de cancer au cours de la RCH malgré son effet anti-inflammatoire.
La détection de la dysplasie est essentielle au cours de toute RCH étendue évoluant depuis plus de 8 ans et au cours de toute RCH gauche évoluant depuis plus de 15 ans. La détection repose sur la coloscopie tous les 2 ans avec biopsies multiples (recueillies dans des pots séparés), dans chaque quadrant tous les 10 cm sur l’ensemble du côlon, tous les 5 cm à partir du sigmoïde) et sur toute lésion surélevée. L’expérience montre que cette pratique est chronophage et souvent insuffisamment réalisée même dans des équipes expérimentées. C’est dire toute la place que prend actuellement la chromo-endoscopie qui, comme l’a montré J Waye (New York), en utilisant du bleu de méthylène à 0,1 %, même sans zoom, permet de visualiser des anomalies muqueuses indétectables sans coloration, d’en préciser avec exactitude leur étendue.
La découverte d’une DHG impose évidemment la coloproctectomie, et malgré une controverse entre JH Pemberton (Rochester) et DH Present (New York) il ressort que la même attitude doit être adoptée en cas de DBG affirmée par 2 anatomo-pathologistes puisque qu’un cancer synchrone est détecté sur près de 20 % des pièces de colectomie pour DBG.

Les complications tardives des anastomoses iléo-anales pour RCH

Outre les problèmes d’infertilité chez la femme jeune, d’éjaculation rétrograde chez l’homme, on doit distinguer essentiellement les pochites, des cuffites (symptômes identiques mais avec hémorragies) et du syndrome de la poche irritable (avec absence de lésions endoscopiques et histologiques). R McLeod (Toronto) a rappelé la fréquence des pochites : 64% des patients opérés vont souffrir de pochite. Dans 1/3 des cas, il n’y aura qu’un ou deux épisodes, dans 1/3 des cas plus de 2 épisodes, dans l’autre 1/3 la pochite deviendra chronique. Le traitement habituel des pochites aiguës repose sur l’antibiothérapie (métronidazole, ciprofloxacine) En ce qui concerne les pochites chroniques, après avoir montré l’effet préventif des probiotiques (AGA 2000), P Gionchetti et al. (Bologne) ont révélé l’efficacité du budésonide par voie orale à la dose de 9 mg/j.

RCH et immunomodulateurs

En dehors de quelques rares essais, l’IFX n’a jamais fait la preuve de son efficacité dans la RCH. D’autres immunomodulateurs ont été testés avec des résultats encourageants. Le visilizumab, anticorps monoclonal humanisé anti-CD3, dans un essai multicentrique coordonné par S Plevy (Pittsburgh) est efficace dans les RCH sévères corticorésistantes permettant, avec 2 injections à 24 heures d’intervalle, chez près de 70 % des patients, le maintien d’une rémission 16 mois plus tard. L’injection d’une dose unique de 40 mg de basiliximab, anticorps monoclonal chimérique dirigé contre les récepteurs de l’IL-2, permet chez les RCH modérément actives et sévères corticorésistantes, une amélioration et une rémission chez respectivement 80 % et 63 % des patients à 8 semaines.

ASCA-ANCA et Colite indéterminée

WJ Sandborn (Rochester), au cours du postgraduate a insisté sur l’intérêt de la recherche de ces marqueurs en cas de colite indéterminée. Lorsque la recherche d’ASCA est positive et la recherche d’ANCA négative la probabilité d’une évolution vers une MC est forte (valeur prédictive 80 %). Par contre en cas de positivité des ANCA sans ASCA, la probabilité d’évolution vers une RCH est très forte (valeur prédictive : 64 %). Par ailleurs la présence d’ANCA serait un facteur prédicitif de pochite chronique en cas de coloproctectomie avec anastomose iléo-anale.

Capsule et Maladie de Crohn

La capsule prend une place de plus en plus importante dans l’exploration du grêle au cours de la maladie de Crohn (MC). En permettant la détection de lésions ignorées par le transit baryté, elle permet, dans un nombre non négligeable de cas de rattacher une colite indéterminée à une MC. Par ailleurs la mise en place d’un score par BS Lewis et al. (New York), calqué sur le CDEIS, après validation devrait permettre d’évaluer la sévérité de la maladie et d’évaluer l’efficacité des traitements.

MC et azathioprine.

L’utilisation de l’azathioprine (AZA) au cours de la MC est de plus en plus fréquente. Au cours du Post-Graduate, WJ Sandborn (Rochester) a recommandé de tester l’activité TPMT chez toute maladie de Crohn (MC) devant être mise sous AZA ou 6-MP. Les MC ayant une activité TPMT normale doivent recevoir la dose efficace d’AZA (2-3 mg/kg/j) ou de 6-MP (1,5 mg/kg/j), tandis que ceux ayant une activité TMPT intermédiaire doivent recevoir des doses diminuées de moitié, ceux n’ayant pas d’activité TPMT doivent recevoir une dose ne dépassant pas 10 % de la dose habituelle. La mesure des 6-TGN ne doit être envisagée que chez les patients suspects de non compliance, ceux recevant de l’allopurinol, ceux ayant une activité TPMT intermédiaire ou basse, ceux ne répondant pas au traitement.
Malgré l’excellente efficacité de l’AZA dans la prévention des rechutes de la MC, les doutes qui persistent sur son innocuité à long terme conduisent souvent à discuter de l’arrêt de ce traitement après un certain nombre d’années de stabilité. Déjà M Lémann et al. (Paris) avait montré en 2002 que l’arrêt de l’AZA chez les MC bien stabilisées depuis plus de 4 ans était suivi de rechute dans 21 % des cas à 18 mois. La surveillance de cette cohorte par Y Bouhnik et al. (Paris) révèle que le taux de rechute à 54 mois est de près de 60 %.

Immunomodulateurs et MC

La place de l’infliximab (IFX) dans la prise en charge de la MC est de plus en plus importante aux USA comme le confirme les données issues du registre américain sur la maladie de Crohn (TREAT) rapporté par G Lichtensein et al. (Philadelphie). Sur près de 6000 patients, 49 % ont reçu de l’IFX. La tolérance de ce traitement a dans l’ensemble été excellente avec des réactions sévères chez seulement 0,16 % pour 11 504 perfusions d’IFX. CN Bernstein et al. (Winipeg) ont montré qu’un traitement par IFX, même chez les patients sous corticoïdes, permet une augmentation de la densité osseuse de 2,3 % ans au bout d’un an. M Noman et al. (Louvain) ont confirmé que la coprescription de d’immunosuppresseurs permet de réduire la formation d’anticorps anti-infliximab source de réduction de l’efficacité du traitement et de réaction au cours des perfusions. BE Sands (Boston) a rappelé qu’outre la coprescription d’immunosuppresseurs, un traitement d’induction par 3 injections d’IFX et la mise en route d’un traitement d’entretien permettait de limiter la formation d’anticorps anti-infliximab.

D’autres anticorps anti-TNF, entièrement humanisés ou humains, ont été développés. L’adalimumab, anticorps monoclonal IgG1 totalement humanisé, testé dans un essai multicentrique coordonné par S Hanauer et al. (Chicago), chez les MC non antérieurement traités par IFX, par voie sous-cutanée, permet une rémission complète chez plus de 30 % des MC tandis que WJ Sandborn et al. (Rochester) ont obtenu une réponse clinique chez près de 60 % et une rémission chez 30 % des MC qui ne répondaient plus ou étaient devenues intolérantes à l’IFX. P Mannon et al. (Bethesda) ont mentionné qu’un anticorps humanisé anti-IL-12 permettait, par voie sous-cutanée, d’obtenir, à la dose de 3 mg/kg une réponse clinique chez 75 % des MC et une rémission chez 38 % avec une excellente tolérance. RA Enns et al. (Vancouver) ont confirmé la bonne tolérance du natalizumab (NAT), anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’intégrine a4. P Rutgeerts et al. (Louvain) ont rapporté qu’il permet une amélioration du score endoscopique à la 10ème semaine chez 50 % des patients et la disparition des ulcérations chez 22 % des patients. WJ Sandborn et al. (Rochester) ont montré que, chez les patients antérieurement traités par IFX, le NATest efficace chez 54 % des patients et que la répétition des injections tous les mois permettait de maintenir cette rémission chez 44 % des MC à 6 mois, tandis que, d’après l’essai de BE Sands et al. (Boston), la coadministration de NAT et d’IFX était bien tolérée. D Hommes et al. (Cleveland) ont montré que l’efficacité de 2 injections de 10 mg/kg de fontolizumad (HuZAF), anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’interféron gamma était limité au sous-groupe de MC ayant une CRP > 10 mg/l. Plus anecdotique, mais peut-être pas exempt, d’intérêt l’utilisation d’oufs d’helminthes dans la MC. RW Summers et al. (Iowa City) ont montré que l’absorption quotidienne de 2500 oufs de T. suis (helminthe du porc) pendant 3 semaines permettait d’obtenir une réponse clinique et une rémission chez respectivement 76 % et 62 % des patients. Les helminthes réduirait le processus inflammatoire de type Th1 et les auteurs évoquent que le déparasitage des populations occidentales pourrait rendre compte de l’augmentation de la fréquence des MICI dans le monde industrialisé.