Si cette année l’AGA n’a pas apporté de grandes nouveautés en ce qui concerne les MICI, les multiples publications ont permis de préciser certaines notions tant en ce qui concerne la génétique, les résultats à long terme des re-traitements par l’infliximab (INF) dans la maladie de Crohn (MC) active et fistulisante. De nouvelles thérapeutiques se font également jour, tant en ce qui concerne la MC que la RCH, dont les résultats ne sont pas toujours aussi prometteurs que ce que l’on aurait pu espérer.
La découverte du gêne NDO2, maintenant appelé CARD15, a été à l’origine de multiples publications. On retiendra que les mutations du gêne CARD15 les plus fréquemment rencontrées sont R702W, G908R, et 1007FS et que les patients porteurs d’une double mutation ont, par rapport aux patients n’ayant pas de mutation, une maladie débutant plus précocement, touchant avec prédilection le grêle et d’évolution plus souvent sténosante (JP Hugot et col. Paris).
L’analyse, plus approfondie, des résultats de l’essai ACCENT I (retraitement systématique toutes les 8 semaines chez les patients ayant répondu à un traitement initial par 5mg/kg d’INF à S0, S2 et S6) par différentes équipes ayant participé à cet essai multicentrique, montre que cette stratégie thérapeutique permet de réduire le nombre et la durée des hospitalisations, semble diminuer le nombre des interventions chirurgicales (JF Colombel et col. Lille), autorise une reprise de l’activité professionnelle et une amélioration de la qualité de vie (GR Lichtenstein et col. Philadelphie).
L’aspect de la muqueuse après traitement par INF est un facteur prédictif de rechute. D’Haens et col. (Louvain) ont montré que chez les patients ayant répondu à une seule dose initiale d’INF, les doses supplémentaires à S2 et S6 (utilisées dans l’essai ACCENT I) entraînent un taux de cicatrisation muqueuse significativement plus importante à S10. Le retraitement systématique entraîne un maintien de la cicatrisation contrairement au traitement épisodique. L’INF, à l’inverse du placebo, permet une disparition de l’infiltrat inflammatoire et un re-traitement systématique permet une meilleure cicatrisation muqueuse qu’un traitement au coup par coup. D’autre part, le délai de rechute à la fin de l’essai est étroitement corrélé avec le score d’activité endoscopique et non avec le CDAI. Plus le score endoscopique est élevé plus précoce est la rechute.
Par ailleurs, l’INF trouve également sa place dans le traitement des manifestations cutanées de la MC qu’il s’agisse de l’érythème noueux, du syndrome de Sweet mais également du pyoderma gangrenosum comme l’ont montré à la fois Foster et col. (Sacramento) et Regueiro et col. (Pittsburg).
L’apparition d’anticorps antichimériques humains (HACA) expliquerait qu’à la suite de plusieurs injections d’INF, l’efficacité et la tolérance de l’INF deviennent moins importantes. M Alsahli et col. (Boston) dans un essai prospectif en double aveugle ont injecté, par voie veineuse, à tous les patients recevant une première dose d’INF soit un placebo soit 100 mg d’hydrocortisone (HCS). A 8 et 16 semaines, le nombre de patients ayant des HACA était supérieur dans le groupe placebo que dans le groupe ayant reçu de l’HCS, les taux d’HACA étaient supérieurs chez les patients du groupe placebo que chez ceux du groupe HCS. L’HCS pourrait ainsi permettre une meilleure tolérance et une meilleure efficacité de l’INF lors des re-traitements.
Quant à l’utilisation de l’INF dans la RCH cortico-résistante, CS Probert et col. (Bristol) ont montré, dans un essai randomisé, que l’injection de 5 mg/kg d’INF à S0 et S2 n’entraînait pas de rémission, d’amélioration endoscopique significativement plus importantes que le placebo.
Après les résultats de l’essai ACCENT I, publié depuis plusieurs mois, ceux de l’essai ACCENT II étaient très attendus. Cette étude, dont les résultats ont été rapportés par B Sands et al. (Boston), visait à évaluer l’efficacité d’un retraitement systématique toutes les 8 semaines par 5 mg/kg d’infliximab (INF) au cours de la maladie de Crohn (MC) avec fistules ayant répondu au traitement d’attaque (S0, S2, S6). Sur les 282 MC ayant reçu les 3 injections initiales, 195 (69 %) restaient en rémission 8 semaines après la fin du traitement d’attaque (S14). Ces 195 patients ont reçu soit 5 mg/kg d’INF (96/195) soit un placebo (99/195) toutes les 8 semaines. A S54, une perte de réponse est présente chez 61 % des patients du groupe placebo, contre 40 % du groupe INF, une persistance de réponse complète est présente chez 19 % des MC sous placebo contre 36 % des MC sous INF (p = 0,009), une persistance de la réponse clinique évaluée sur le CDAI est présente chez 6 % des MC sous placebo contre 36 % des MC sous INF.
Dans une étude pilote portant sur 8 MC sévère réfractaires aux corticoïdes, A Stallmach et col. (Hambourg) ont montré que 750 mg cyclophosphamide par IV tous les mois, pourrait permettre une rémission complète.
L’interféron ? est une cytokine qui accélère la réponse immunitaire de type Th1 et réduit la prolifération des cellules Th2. P Rutggerts et col. (Louvain) ont testé un anti-interféron ? monoclonal humanisé, l’HuZAF, dans une étude de phase I/II, en double aveugle contre placebo. Les résultats préliminaires montrent que l’HuZAF est parfaitement toléré, que les doses fortes (4 mg/kg) permettent un plus grand nombre de réponse clinique (86 %) et de rémission (71 %) mais on est toutefois surpris par le grand nombre de réponse au placebo (60 %).
En ce qui concerne les nouvelles approches thérapeutiques de la RCH, il faut mentionner le développement du Bowman Birk Protease Inhibitor Concentrate (BBIC), inhibiteur de protéase issu de la graine de soja, qui inhibe l’activité de la trypsine, de la chymotrypsine, de l’élastase, du cathepsin G et de la mast-cell chymase. GR Lichtenstein et col. (Philadelphie) montrent, dans une étude randomisée, prospective, en double aveugle, que le BBIC, par voie orale, au cours de la RCH active permet une réponse clinique ( 64 % vs 33 %), une rémission clinique (45 % vs 8 %).
R Lofberg et col. (Stockholm) ont rapporté une étude pilote montrant que, dans les formes recto-sigmoïdiennes de RCH ou de MC résistantes aux salicylés, corticoïdes et immunosuppresseurs, l’utilisation par voie rectale d’inhibiteur de NF-kappaB permet une amélioration des signes cliniques, endoscopiques et histologiques chez 71 % des patients.
Contrairement à J Cosnes et col. (Paris), qui dans une étude rétrospective sur 638 RCH montrent que l’appendicectomie secondaire semble dénuée d’effet sur l’évolution de la maladie, DE Rajaraman et col. (Brisbane) dans une étude prospective montrent que, dans des RCH recto-sigmoïdiennes associées à une constipation et réfractaires à tous les traitements, l’appendicectomie permet une rémission complète chez la majorité des patients. La présence de lésions actives appendiculaires contenant une forte population lymphocytaire activée entretiendraient les lésions coliques
Le Tacrolimus (FK 506), macrolide ayant une activité immunosuppresseur (en inhibant la production des interleukines 2,3, 4 ainsi que de l’interféron gamma) d’une activité 100 fois supérieure à la ciclosporine, a été utilisé par DC Baumgart et col. (Berlin) à la dose de 0,1 mg/kg afin d’obtenir un taux sérique de 4 à 6 ng/ml dans les MICI réfractaires avec un bon résultat réclamant d’être confirmé par un essai contrôlé.
E Musch et col. (Hambourg) ont montré que l’interféron béta-1a, par voie sous-cutanée, à la dose de 3 MUI 3 fois par semaine pendant 4 semaines, pourrait être efficace dans les RCH réfractaires aux corticoïdes.