MICI ET EXPLORATIONS COMPLEMENTAIRES
MARQUEURS
Les ASCA (anticorps anti-Saccharromyces Cerevisiae) sont des marqueurs sérologiques de la MC. Leur nature reste mystérieuse, les équipes de Cortot et Rutgeers (Cassagnou M et al Abs:4059) ont étudié 26 MC devant être opérées. Après chirurgie, 19 patients sont devenus ASCA négatifs, 13 sont restés ASCA positifs. Chez ces 13 patients, 5 ont vu leur taux d’ASCA baisser, 8 sont restés stables. Des 7 patients qui s’étaient négativés, un seul est redevenu ASCA positif. Ceci fait évoquer que les ASCA pourraient siéger dans l’intestin malade réséqué. Plusieurs présentations ont fait le point sur un test sérologique de débrouillage permettant de détecter la présence d’ASCA et/ou de pANCA. Quatre vingt sept enfants hospitalisés pour suspicion de MICI ont été testés (Dubinsky MC et al Abs:4056). Le diagnostic était porté sur les données cliniques, endoscopiques, radiologiques et histologiques. Quarante deux enfants étaient porteurs de MICI, 45 n’avaient pas de MICI. La valeur prédictive de ce test (67 %) et sa valeur prédictive positive (77 %), en font, pour les auteurs, un excellent test de débrouillage qui permet d’éviter de nombreux examens inutiles. Toutefois un travail de MJ Pettei (Abs:4060), également chez des enfants, montre que si la présence d’ASCA (IgA et/ou IgG) a une excellente valeur prédictive positive pour le diagnostic de MC, celle-ci est moins bonne pour les pANCA et la RCH. Par contre la valeur prédictive négative de ces tests ne dépasse pas 63 %.
ECHOGRAPHIE
Des auteurs japonais (Yoshida S et al Abs:2447) ont développé et validé un Index d’activité échographique des RCH. Ils mesurent l’épaisseur de la paroi colique dans 5 zones (côlon ascendant, transverse, descendant, sigmoïde et rectum). Celle-ci est normalement inférieure à 3 mm sauf au niveau du rectum. Ils additionnent l’ensemble de ces chiffres en ôtant 3 sauf pour le rectum (5). Ils obtiennent ainsi un index. Cet index validé chez 30 patients s’élève à 1,28 ± 0,24 dans les formes modérées, 3,72 ±0,43 dans le formes modérément sévères, 7,9 ±1,53 dans les formes sévères. De même des auteurs italiens (Arienti V et al Abs:2448) proposent, dans une étude préliminaire, de mesurer l’épaisseur de la paroi des poches iléo-anales par échographie après distension vésicale et remplissage de la poche par un lavement de 120 ml. Le score échographique varie de 0 à 3, 0 si l’épaisseur pariétale est inférieure à 3 mm, 1 entre 3 et 5 mm, 2 entre 6 et 7 mm, 3 si supérieur à 7 mm. Ce score a été comparé chez 11 patients au PDAI (Pouchitis Disease Activité Index) avec une excellente corrélation.
MICI ET OS
Contrairement aux idées reçues, le travail d’une équipe néerlandaise (Schoon EJ et al Abs:4066) montre, dans une étude cas-témoins, que la notion de diminution de la densité osseuse chez les MICI fraîchement diagnostiquées est inexacte. Chez les patients traités par corticoïdes (Cano DL et al. Abs:4067) la déminéralisation est plus en rapport avec une résorbtion osseuse (élévation de l’élimination urinaire de D-Pyridoline) qu’avec une diminution de l’ossification (absence de modification de l’ostéocalcine sérique). Une étude de cohorte canadienne (Bernstein CN et al Abs:4069) confirme que la population MICI est plus souvent atteinte de fracture de hanche (mais pas de tassements vertébraux) que la population générale. Ceci conduit les auteurs à préconiser une surveillance densitométrique limitée aux hanches. Une étude prospective (Deausault DL et al Abs:4070) portant sur 104 MC et 50 RCH révèle une ostéopénie chez 43 % des MC et 42 % des RCH, une ostéoporose chez, respectivement, 13,5 et 8,5 % des MC et RCH. Il n’y a pas de différence significative entre la durée de prise des corticoïdes et les résultats de l’ostéodensitométrie. Les patients porteurs d’une ostéopénie ou d’une ostéoporose sévère ont été traités par alendronate (10 mg/j) avec une amélioration légèrement significative (P< 0,05) de leur densité osseuse à un an de traitement.
MICI & TRAITEMENT
LES NOUVEAUX STEROÏDES
L’étude randomisée franco-belge (Cortot A et al Abs:3044) en double aveugle portant sur 120 maladies de Crohn (MC) corticodépendantes (10-30mg de prednisolone) comparant le remplacement de la prednisolone par un placebo (Pla) par du budésonide (Bud) à la dose de 6 mg/j. Treize semaines après l’arrêt des corticoïdes 68% des patients sous Bud sont en rémission contre 35% dans le groupe Pla. Les scores de qualité de vie étaient significativement meilleurs dans le groupe Bud, le nombre d’effets secondaires était comparable dans les 2 groupes prouvant ainsi que, chez la majorité des patients corticodépendants, il est possible de remplacer la prednisolone par le budésonide à la dose de 6 mg/j.
LES IMMUNOSUPPRESSEURS
CICLOSPORINE
La survenue de complications rénales est bien connue au cours des traitements par la ciclosporine. Ainsi l’équipe de Rutgeerts (d’Haens G et al Abs:3032) a montré qu’en traitant 9 RCH sévères pendant 3 mois par 400 picog/ml, dès la première semaine on existe une réduction de la clairance de l’inuline mais sans modification significative de la créatinine. Ces anomalies sont réversibles puisque une semaine après l’arrêt du traitement la fonction rénale redevient normale. La même équipe (Abs:3030) montre qu’il est possible, chez des RCH sévères mise en rémission par la ciclosporine par voie veineuse, de prendre le relais par la voie orale (8 mg/kg/j) en attendant l’efficacité de l’azathioprine. A 6 mois 8/9 patients restaient en rémission, 7/9 à un an sous AZA seule, contre 4/7 et 3/7 dans un groupe initialement traité par corticoïdes. L’équipe de Jewell (Hyde G et al Abs:3021) montre que la ciclosporine par voie veineuse n’augmente pas le risque de complication postopératoire. Chez 45 patients porteurs de colite aiguë grave ayant subi une colectomie avec iléostomie terminale et qui avaient été traités au préalable par ciclosporine et corticoïdes (19) ou par corticoïdes seuls (25), il n’y pas de différence significative dans la survenue de complications postopératoires.
LE METHOTREXATE (MTX)
L’hépatotoxicité du MTX est discutée. Un travail de l’équipe de Hanauer (Te HS et al. Abs:3161) portant sur 31 MICI ayant reçu des doses de MTX supérieures à 1500 mg montre que des doses cumulatives atteignant 5410 mg n’entraînent pas d’hépatotoxicité dans les MICI. La réalisation de biopsies hépatiques systématiques à partir d’une certaine dose cumulative n’apparaît donc pas nécessaire.
LE MYCOPHENOLATE MOFETIL (MMF)
L’équipe de Targan (Abs:3034) semble moins enthousiaste sur l’efficacicté du MMF que ne le faisait entrevoir l’article de Gut (Gut 1999;44:625-628). Onze MC sévères et réfractaires aux autres traitements (corticoïdes, AZA, MTX) ont reçu des doses quotidiennes de 1 à 3 g en deux prises. Quatre des 8 patients qui ont pu suivre un traitement prolongé ont répondu au traitement (3 recevaient simultanément de la ciclosporine). Sept patients n’ont pas répondu au traitement dont 5 ont dû interrompre le MMF pour des réactions allergiques (3 avant 30 jours).
LE TACROLIMUS
Par voie orale il pourrait améliorer, en association avec l’azathioprine, les fistules anales de la MC. L’équipe de Sandborn (Lowry PW et al Abs:3026) a traité 11 MC avec fistules anales (ayant résisté à l’azathioprine, à l’association azathioprine et ciclosporine) par le Tacrolimus (0,15 à 0,31 mg/kg/j) en association avec de l’azathioprine ou du 6MP pendant en moyenne pendant 22,8 semaines. Tous les patients ont répondu au traitement (7 réponses complètes, 4 réponses incomplètes), les effets secondaires (paresthésies, néphrotoxicité, tremblements.) se sont produits avec des doses élevées qui ne semblent pas améliorer la réponse clinique.
LES ANTI TNF ALPHA
INFLIXIMAD (INF)
L’INF dont l’efficacité a été démontrée à court terme dans les MC fistulisantes par plusieurs études, s’avère avoir une réponse prolongée. Une étude multicentrique menée par les équipes de Rutgeerts et Hanauer (D’Haens GR et al Abs:4368) montre que la durée de réponse après une injection unique d’INF est de 2 à 24 mois. Des rémissions significativement plus longues sont observées chez les patients traités de façon concomitante par de l’azathioprine, même en cas de résistance initiale à ce traitement. Plus les injections d’INF sont nombreuses, plus forte est la posologie initiale, plus longue est la rémission. Les mêmes équipes et celles de Targan et de Present (Vasiliauskas E et al Abs:4367) montrent que l’efficacité de l’INF ne se limite pas à ces formes fistulisantes. Dans une étude portant sur 106 MC (modérées à sévères : CDAI 220-400) traitées par une injection unique d’INF, il n’y a pas de différence significative entre les différentes posologies (5, 10 ou 20 mg/kg). L’amélioration jugée sur une baisse du CDAI de 70 points à 4 semaines est significative quelle que soit l’ancienneté, la localisation, l’extension de la maladie, quel que soit le sexe, l’âge, le poids des patients, qu’il y ait ou non des antécédents de résection chirurgicale.
LA THALIDOMIDE (THAL)
Les résultats de l’équipe de Targan (Abs:3504) montrent, qu’à faible dose (50-100mg/j), les MC modérées à sévères (CDAI : 250-500) sous corticoïdes (> 20 mg/j) sont améliorées significativement (CDAI : baisse de 125 points) par l’adjonction de Thal. Des résultats comparables sont observés par l’équipe de Hanauer sur une petite série à la fois dans les formes corticodépendantes et dans les formes avec fistules. Mais d’autres études ouvertes (Allemagne Abs:4369, Australie Abs:4370) recueillent des résultats contradictoires : amélioration des formes hémorragiques, à un moindre degré de la diarrhée, du CDAI et du score endoscopique. Les effets secondaires sont fréquents : neuropathie sensitive (dose dépendante et régressive à l’arrêt du traitement), sensations ébrieuses, céphalées, anxiété. Il apparaît clairement qu’une étude randomisée s’impose pour tester l’efficacité de ce traitement.
LA PHOTOTHERAPIE EXTRACORPORELLE UVA.
Deux études l’une autrichienne dans la MC (Reinisch W et al Abs: 4113), l’autre américaine dans la RCH (Pandak WM et al Abs:4114) rapportent un effet bénéfique de la photothérapie extracorporelle chez des patients corticodépendants. Cette technique consiste, après séparation plasma-globules blancs des globules rouges, à faire passer les globules blancs dans un système UVAR avant de les réinjecter au patient. La photoactivation du 8-methoxypsoralen par les UVA altère la réponse des lymphocytes T. Des essais thérapeutiques dans les lymphomes cutanés et la polyarthrite rhumatoïde se sont révélés fructueux. Les résultats rapportés par ces deux équipes, bien que ne concernant que de petits nombres de patients atteints de MICI, sont à méditer car il pourrait s’agir d’une méthode non aggresive permettant de réduire la dose de corticoïdes.
LA CHIRURGIE DES MICI PAR COELIOSCOPIE
La coelioscopie prend une place de plus en plus grande en chirurgie digestive. Mais si au cours des MICI toutes les interventions sont réalisables sous coelioscopie (même les coloproctectomies totales avec anastomose iléo-anale) le bénéfice de ce type de chirurgie est loin d’être évident (le nombre de complications postopératoires est actuellement 3 fois supérieur). De gros progrès restent à faire comme l’a signalé EG Weiss.
MICI ET CANCER
Une méta-analyse rapportée par JA Eaden et al (Abs:244) reprenant 116 publications de la littérature montre que la prévalence du cancer colorectal (CCR) sur RCH se chiffre à 3,7 % (5,4 % en cas de pancolite). Le risque cumulé de CCR est de 2 % à 10 ans, de 8 % à 20 ans et de 18 % à 30 ans. L’incidence du CCR sur RCH est variable suivant les zones géographiques, plus fréquent aux USA et au Royaume Uni qu’en Suède. Les raisons en restent mystérieuses et on évoque soit un facteur génétique, environnemental ou, simplement, une différence dans les stratégies thérapeutiques.
Une équipe irlandaise (O’ Donoghue DP et al Abs:246) a observé 8 CCR dans une série de 1056 MICI (2/471 MC, 6/594 RCH). Les 6 CCR sur RCH sont apparus chez des patients porteurs de pancolite (243 patients du groupe RCH, dont 113 avaient subi une colectomie), soit en fait 6 CCR sur 130 RCH à risque. Quarante cinq de ces patients subissaient les contrôles endoscopiques prévus, aucune lésion de dysplasie n’avait été décelée. Ils avaient été hospitalisés plus fréquemment que ceux sans CRC du fait d’une maladie plus évolutive. Les auteurs posent la question d’une surveillance plus précoce chez les patients ayant une maladie évolutive et peut-être une surveillance moins stricte lorsque la MICI est quiescente. L’équipe de Present (Friedman S et al New York Abs:3113) en suivant 260 MC avec atteinte colique insiste sur la nécessité de proposer un programme de surveillance aux MC coliques identique à celui des RCH. Ils estiment que le risque de développer une dysplasie ou un cancer est de 23 % après 10 ans d’évolution d’une MC colique. Lors de chaque coloscopie des biopsies systématiques doivent être réalisées dans les 4 quadrants tous les 10 cm et évidemment sur les sténoses et les zones surélevées.
Faut-il colectomiser les RCH chez qui l’on découvre un polype adénomateux ? Chez 23 patients, 25 polypes ont été enlevés (19 en dysplasie de bas grade (DBG), 6 avec des plages de dysplasie de haut grade (DHG)), 23 polypes était tubuleux, 2 tubulovilleux. Soixante et un pour cent des patients ont eu une récidive de polype, mais chez un seul une dysplasie plane a été observée dans le suivi. Ces travaux amènent les auteurs à ne pas proposer de colectomie systématique aux patients porteurs de polype avec dysplasie si ce polype ne s’associe pas à des lésions de dysplasie plane. (Engelsgjerd M et al Abs:3114). L’équipe de Present (Rubin PH et al Abs:2309) a présenté un travail similaire portant sur 83 polypectomies chez 53 MICI (33 RCH et 20 MC). Soixante treize polypes siégeaient dans des zones colitiques. L’histologie des polypes a révélé : 13 dysplasies indéfinies (DI), 57 DBG, 2 DHG, 1 carcinome non invasif. La surveillance endoscopique a permis de retrouver 11 polypes au même endroit, 8 ailleurs. Six patients ont été opérés : 5 pour DBG, 1 pour DHG récidivante. dans aucun cas, il n’a été découvert de cancer. Trente quatre n’ont pas récidivé y compris celui ayant un carcinome in situ. Ces travaux amènent les auteurs à ne pas proposer de colectomie systématique aux patients porteurs de polype avec dysplasie si ce polype ne s’associe pas à des lésions de dysplasie plane, mais il conseille une surveillance rapprochée.
Si la découverte d’une DHG est une indication indiscutable à la colectomie chez un patient porteur de RCH, de nombreuses incertitudes planent sur le devenir de la DBG qui est également, pour la plupart des experts, une indication à la colectomie. L’équipe de Sandhorn (Ulmman TA et al Abs:247) a réalisé une étude rétrospective sur 18 RCH porteurs de DBG suivis pendant plus de 2 mois (moyenne 40 mois). Chez 52 % la dysplasie s’est aggravée ce qui encourage les auteurs à préconiser une colectomie dès la découverte de lésion de bas grade. L’équipe de Seattle (Brentnall TA et al Abs:248) a surveillé prospectivement 18 RCH avec lésions dysplasiques planes de bas grade sur une durée moyenne de 3,5 ans. Les contrôles endoscopiques étaient réalisés tous les 6-12 mois avec en moyenne 44 biopsies par examen. Un tiers des patients ont progressé vers une DHG, il s’agissait des patients les plus jeunes et ceux ayant lors d’un examen plusieurs biopsies avec dysplasie de bas grade. Ceci amène les auteurs à préférer à la colectomie, des coloscopies rapprochées (tous les 6-12 mois) avec biopsies multiples (44). Cette attitude reste toutefois controversée et EV Loftus (Rochester) dans une mise au point a confirmé qu’il faut actuellement :
- au cours de la RCH :
- étendue : coloscopie systématique 10 ans après le début de la maladie,
- colite gauche : coloscopie 15-20 après le début de la maladie,
- proctite : pas de surveillance par coloscopie,
- cholangite sclérosante primitive associée : coloscopie immédiate
- Maladie de Crohn :
- colite étendue : coloscopie systématique 10 ans après le début de la maladie,
- cholangite sclérosante primitive associée : coloscopie immédiate.
- – Fréquence des surveillances :
- pas de dysplasie : surveillance tous les 1 ou 2 ans,
- dysplasie indéfinie : idem ou plus fréquente,
- dysplasie de bas grade : colectomie,
- dysplasie de haut grade : colectomie,
- DALM : colectomie.
Faut-il surveiller les poches après anastomose iléo-anale ou iléostomie continente de Kock ? La muqueuse des poches iléales subit des changements phénotypiques et est le siège de phénomènes inflammatoires qui ont fait évoquer le risque de dégénérescence en particulier à distance de l’intervention, chez des patients aux antécédents de pochites chroniques ou en cas de colectomie pour dysplasie ou pour cancer. MW Thompson-Fawcett et col (Abs:2310) ont sélectionné 138 patients (des 1200 opérés) associant ces facteurs de risque. Cent quatre patients ont participé à l’étude, aucun n’avait de dysplasie. Surveillance et cholangite sclérosante primitive (CSP).
L’équipe d’Hanauer (RD Cohen Abs:250) en comparant les RCH avec CSP et sans CSP montre que les lésions de dysplasie ou un cancer siègent plus fréquemment à droite en cas de CSP, plus fréquemment à gauche en l’absence de CSP