8th UEWG – 2000

Le 8ème Congrès Européen de gastro-entérologie, qui vient de se dérouler à Bruxelles, a été l’occasion de confirmer que traitement d’attaque et traitement d’entretien de la Maladie de Crohn (MC) restent encore très discutés.

S Hanauer (Chicago) a confirmé la place prépondérante des corticoïdes dans le traitement des formes modérées à sévères, l’infliximab étant réservé aux formes corticorésistantes (20 %). Le traitement d’entretien repose sur les immunosuppresseurs voire sur la répétition des perfusions d’infliximab toutes les 8 semaines. Les aminosalicylates (5-ASA) sont inefficaces après corticothérapie. La prévention des rechutes après chirurgie fait également l’objet de débats. R Caprilli (Rome), en reprenant les méta-analyses publiées, estime que le 5-ASA prévient les rechutes cliniques sur le grêle, réduit le nombre, la sévérité des récidives endoscopiques et la fréquence des complications mais aussi des ré-interventions. G D’Haens (Louvain) préfère une approche plus pragmatique. Après évaluation des risques de récidives, il propose chez les MC à fort risque de récidive post-opératoire (forte évolutivité avant l’intervention, formes pénétrantes, localisation du grêle, patients jeunes, tabagisme) la poursuite ou la mise en route d’un traitement immunosuppresseur. Chez les patients à faible risque, aucun traitement n’est prescrit, par contre une endoscopie est réalisée entre le 6ème et le 12ème mois. En l’absence de récidive endoscopique ou en cas de récidive bénigne, l’abstention thérapeutique est de mise. En cas de récidive modérée ou sévère, un traitement par 5-ASA est indiqué en l’absence de symptôme ; en présence de symptômes un traitement par azathioprine est institué associé les 3 premiers mois à du budésonide.

Les lésions périnéales de la MC constituent également un problème majeur compte tenu de leur fréquence (> 50 %) et du risque potentiel de proctectomie (9-17 %). P Rutgeerts (Louvain) a rappelé qu’il convient toutefois de garder à l’esprit que dans 50 % des cas les formes périnéales ont une évolution favorable spontanément ou avec un traitement médical ou chirurgical conservateur. La première étape est le drainage de tous les abcès et la mise en place de sétons. Les patients peuvent ensuite bénéficier de l’association métronidazole-ciprofloxacine associé d’emblée à un immunosuppresseur (azathioprine). Les patients ne répondant pas au traitement antibiotique sont candidats à un traitement par infliximab, l’azathioprine étant poursuivi car limitant les récidives (la durée d’efficacité moyenne de l’infliximab est évaluée à 12 semaines). Si l’ISIS 2302 (inhibiteur sélectif de l’ICAM-1) s’est révélé intéressant par voie veineuse, S Schreiber et col. (Kiel) à montré que par voie sous-cutanée, quel que soit le dosage utilisé, il est inefficace. L’infliximad reste donc la molécule phare des formes sévères de la MC malgré son coût. Une étude réalisée par P Rutgeerts et col. (Louvain) a évalué le coût direct du traitement par infliximab chez 35 patients répondeurs. Ce traitement permet de faire passer les coûts directs de 4706 Euro pour les 12 mois précédents la mise en route du traitement à 3328 Euro pour les 12 mois suivants (ce coût ne tenant pas compte du coût de l’infliximab). Cette différence risque de paraître modeste à nos technocrates, mais il convient de tenir compte d’une part de l’amélioration considérable de la qualité de vie des patients mais surtout de la réduction des coûts indirects induits par un tel traitement. D’autres études prenant en compte ce paramètre sont indispensables et urgentes, d’autant que, comme JF Colombel (Lille) l’a signalé la fréquence de la MC augmente en France et qu’il faut s’attendre à 120 000 MC en France en 2005. Il est bien établi que le déséquilibre entre les cytokines proinflammatoires et les cytokines inflammatoires est un des processus essentiel dans le déclenchement de la maladie de Crohn (MC) et de ses poussées. Les cytokines pro-inflammatoires produites par les cellules Th1 et les macrophages activés sont capables de modifier le fonctionnement de toutes les cellules du tube digestif. TT MacDonald (Southampton) a insisté sur le fait que les cytokines Il-? et TNF-? déclenchent la libération par les cellules stromales de métalloprotéinases [en particulier de matrix metalloproteinase 3 (MMP-3) ou Stromelysine 1] qui jouent un rôle fondamental dans la destruction de la muqueuse aboutissant à l’ulcération. Les anti-TNF-? permettraient d’obtenir la cicatrisation en inhibant la production de MMP-3. Des substances inhibant les MMP ont déjà été développées, quoiqu’il serait imprudent d’utiliser ces inhibiteurs actuellement dans le traitement des MICI, TT MacDonald pense qu’il pourrait s’agir d’une nouvelle voie thérapeutique. Quant à l’hyperplasie cryptique elle est due à la surproduction de facteur de croissance épithélial. Ainsi à la suite d’un événement initiateur toute une cascade inflammatoire aboutit à la destruction cellulaire par les MMP.

Parmi les événements initiateurs, certaines bactéries pourraient jouer un rôle pivot dans le déclenchement de la MC. JF Colombel et col. (Lille) ont isolé une souche invasive d’E Coli (AIEC) dotée d’un fort pouvoir d’adhésion, capable d’envahir et de se multiplier à la fois dans les cellules épithéliales et dans les macrophages. AIEC est présent dans les biopsies de 39 % des MC, de 7 % des colites infectieuses et dans les selles chez 5 % des témoins. AIEC n’est donc pas spécifique de la MC, mais il pourrait être un facteur environnemental qui, en infectant un sujet possédant un déterminant génétique de la MC, pourrait déclencher chez ce sujet une MC.

Les bactéries paradoxalement peuvent avoir un effet bénéfique sur les MICI et notamment au cours de la MC. Ph Marteau (Paris) a rappelé que les résultats préliminaires d’un essai contrôlé dans les MC modérément actives révélait que S Boulardii était plus efficace que la mésalazine. Dans un autre essai contrôlé, le VSL#3 (préparation contenant 4 souches de lactobacilles, 3 souches de bifidobacterium et une souche de streptococcus salivarius subsp. Thermophilus) s’est avéré plus efficace que la mésalazine dans la prévention des rechutes post-opératoires de la MC. Toutefois de nouveaux essais sont indispensables afin d’atteindre un niveau de preuve suffisant .L’efficacité des probiotiques ne semble pas se limiter pas à la MC et semble avoir un intérêt à la fois dans la prévention et dans le traitement des pochites. P Gionchetti et col. (Bologne) ont réalisé un essai randomisé et contrôlé chez 40 RCH consécutives ayant subi une anastomose iléo-anale (AIA) . Vingt RCH ont reçu du VSL#3 (3 g/j), 20 un placebo immédiatement après la fermeture de l’iléostomie pendant une durée de 12 mois. Les patients ont été évalués cliniquement, endoscopiquement et histologiquement à 1, 3, 6 et 12 mois. Le diagnostic de pochite évoqué cliniquement devait être confirmé endoscopiquement et histologiquement sur la présence de signes d’inflammation selon l’index de Sandborn (PDAI). Deux des 20 patients (10 %) traités par VSL#3 ont souffert d’une pochite contre 8 sur 20 (40 %) dans le groupe placebo (p<0,01). Pour Kühbacher et col. (Kiel), il semble qu’au cours de la pochite il y ait une diminution des Colibacilles intra-muqueux. L’administration de probiotiques permet la recolinisation de la muqueuse par les Colibacilles. P Gionchetti et col. (Bologne) remarquent également que chez les patients ayant subi une AIA, la sévérité de la pochite est inversement corrélée à la concentration en bactéries dans la muqueuse. La présence de bactéries dans la muqueuse semble donc un phénomène normal dans les poches non inflammatoires. Il pourrait s’agir d’un phénomène d’adaptation à la stase fécale. Cette perte de tolérance entraînerait l’apparition de la pochite.