Le symposium IBD Doctor in Focus qui s’est déroulé à Montreux les 4 et 5 février 2000 a regroupé plus de 300 gastro-entérologues européens. Cette rencontre a donné l’occasion à plusieurs des personnalités internationales des MICI de faire de brillants exposés qu’il s’agisse de P Rutgeerts (Louvain), de D Sachar (New York), de M Campieri (Bologne), de R Löfberg (Huddinge).
LES MCI DE L’ENFANT
A Griffiths (Toronto) a rapporté une série pédiatrique de 597 patients suivis entre 1990 et 1999 atteints de MICI. Cette cohorte comportait 65% de maladie de Crohn (MC), 33% de rectocolite hémorragique (RCH) et 2% de colite indéterminée (CI). Si le mode de présentation des RCH est assez uniforme (diarrhée sanglante) il n’en va pas de même de la MC dont le tableau clinique est très variable. Dans 80%, il s’agit de douleurs abdominales associées ou non à de la diarrhée, mais dans 20% les signes d’appel sont extra-digestifs : retard staturopondéral ou pubertaire, arthrite, maladie périnéale, fièvre, anémie, anorexie. Sur les 387 MC, il y a 22% de localisation colique pure, 40% de localisation iléocolique, 29% de localisation à l’iléon terminal et 9% de localisation jéjunale ou iléale proximale. Curieusement, il semble que cette répartition se modifie au fil des ans. En comparant cette cohorte à celle suivie dans le même service entre 1980 et 1989, on constate que les localisations coliques sont passées de 5 à 22%. En ce qui concerne les RCH, les pancolites sont les plus fréquentes 62% devant les colites gauches (26%) et les proctites (13%). Les MC sont plus fréquentes chez les garçons que chez les filles. Par contre la répartition est identique dans la RCH. L’enquête familiale retrouve un antécédent au premier degré de MICI chez 16,4% des enfants, mais cette proportion passe à 30,7% chez les juifs. Les problèmes thérapeutiques sont encore plus complexes chez l’enfant que chez l’adulte. A la maladie inflammatoire s’ajoutent les retards de croissance (88% au moment du diagnostic, 49% durant le suivi, 37% qui seront définitifs) et l’ostéopénie (50% des MC) avec même ostéoporose (25%), tandis que l’ostéopénie n’est pas observée dans les RCH. Ces éléments sont évidemment le résultat de l’anorexie, des pertes protidiques, des effets des cytokines proinflammatoires et des conséquences de la corticothérapie. Il est donc essentiel d’utiliser largement nutrition entérale, soit de façon cyclique (1 mois sur 4), soit en complément nocturne et, peut-être, de substituer aux corticoïdes classiques le budesonide. Dans une série de 32 MC iléo-coliques droites de l’enfant, le budesonide à la dose de 9 mg/j a permis une réponse complète ou totale dans 51% des cas. Il n’existe pas encore de résultat en ce qui concerne le traitement d’entretien qui sera une donnée importante quand on sait que la corticodépendance est fréquente chez l’enfant. Chez 47 enfants porteurs de RCH, J Ejderhamn (Stockholm) a montré que les lavements de budesonide (2mg/100ml) ont une efficacité comparable (symptomatique, endoscopique et histologique) aux lavements de prednisolone (25mg/100ml) avec un moindre retentissement sur l’axe hypothalamo-hypophysaire et les taux d’otéocalcine et de PTH.
LE TRAITEMENT D’ENTRETIEN DE LA MALADIE DE CROHN D
David Sachar (New York) a rappelé que la maladie de Crohn est une maladie pour la vie entière. Si des espoirs importants sont nés ces derniers mois avec l’apparition de nouvelles thérapeutiques , en particulier les anti-TNF, ces traitements ne concernent que les poussées de la maladie. Le problème est celui du maintien de la rémission . Les multiples essais thérapeutiques publiés sont difficilement comparables. Quatre obstacles essentiels existent :
- Le premier est lié à l’hétérogénéité des patients. Les essais mélangent des localisations différentes, des formes évolutives différentes (inflammatoires, sténosantes, fistulisantes), des patients dont la rémission a été obtenue de façon différente médicalement ou chirurgicalement, des patients avec anastomose ou iléostomie.
- Le second est lié aux différences dans les posologies utilisées même si la molécule est la même.
- Le troisième est en rapport avec la définition de la rechute : s’agit-il de rechute symptomatique, biologique, endoscopique, radiologique, clinique ?
- Le quatrième est lié au type d’essai thérapeutique : la conception des différents essais cliniques est différente et en fait il existe au moins 5 types de stratégies pour maintenir la rémission :
- poursuite du traitement ayant permis d’obtenir la rémission,
- remplacement d’un traitement actif par un traitement visant le même but,
- mise en route d’un traitement préventif chez des patients non traités et en rémission,
- surveillance régulière d’anomalie clinique ou biologique suspecte de rechute et mise en route d’un traitement précoce,
- prévention post-opératoire ayant pour but de prévenir des rémissions obtenues grâce à la chirurgie et d’éviter les rechutes chirurgicales.
La confrontation des différents essais pourrait être grandement améliorée si les différents auteurs utilisaient la Classification de Vienne élaborée en 1998. Celle-ci part de l’idée que la maladie de Crohn n’est pas une entité en elle-même mais qu’il s’agit en fait d’un cadre regroupant des sous-groupes fonction de l’âge de début (avant ou après 40 ans), de la localisation (colique, iléale, jéjunale) et de l’aspect évolutif (purement inflammatoire, sténosante ou pénétrante ).